Au royaume du Mobile World Congress 2015, les opérateurs sont toujours les rois

Crédit: AA

Crédit: AA

90.000 personnes, hommes et femmes, smartphones greffés à la main, badge orange autour du cou, arpentent les 100.000 mètres carrés du Mobile World Congress, logés au Fira Gran Via à Barcelone, sorte de Roissy-Charles de Gaulle doté de huit terminaux, accessibles via des tapis roulants.

“A cause de ta start-up, tu crois que le mobile, ce sont les applications. Arrivé ici, tu comprends que non: les applications, cela tient dans un demi-hall”, sourit Antoine Guénard, de Batch.com.

Crédit: AA
Crédit: AA

Les maîtres du royaume sont les opérateurs de téléphonie

Car au World Mobile Congress, les rois sont les opérateurs de téléphonie. Ceux à qui Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook et invité star de la première journée, a dit qu’il les aimait parce que, grâce à eux et aux coûteuses infrastructures qu’ils ont développées, il a pu “connecter le monde”. Il les a d’ailleurs invités ensuite à un somptueux dîner composé de douze plats accompagnés de douze vins, dans une galerie d’art, selon Challenges.

Quelques heures plus tôt, ce sont ces mêmes opérateurs qui sont montés sur la grande scène du World Mobile Congress les premiers. Objectifs: montrer leurs biceps et faire du lobbying auprès des “régulateurs”. Leur message? En substance, merci de mettre les mastodontes du Web comme Google et Facebook sur le même plan législatif que nous, les opérateurs, sinon ce n’est pas juste. “Facebook est un service de communication qui échappe aux règles de régulation”, glisse Timotheus Höttges, le président de Deutsche Telekom. Et il n’en pense sans doute pas moins de Google, qui, de surcroît, vient d’annoncer qu’il allait devenir un opérateur virtuel de téléphonie, aux Etats-Unis, dans “quelques mois”.

Un message qui fait écho aux propos déjà tenus par Stéphane Richard, le patron d’Orange, réclamant “l’égalité de traitement sur les données personnelles et la fiscalité” entre les géants américains du Net et les opérateurs. “Je trouve scandaleux et inacceptable que les trois plus grandes entreprises américaines de l’Internet payent 1% des impôts du numérique en France, quand nous, les opérateurs en payons 96%”.

La 5G en vue

Parmi les autres sujets qui mobilisent ces opérateurs au Mobile World Congress, figure la 5G, ce réseau dernière génération ultra rapide. En son honneur, la panoplie communicationnelle est de sortie: vidéos promotionnelles, présentations comparatives selon lesquelles la 5G permettrait de télécharger un film en 6 secondes, quand on met 7 minutes pour ce même film avec de la 4G, et 70 minutes avec de la 3G.

Il y en aura pour les Jeux Olympiques d’hiver en Corée du Sud, promet Chang-Gyu Hwang, le président de KT Corporation, le groupe coréen de communications et médias. Pour le reste, aucune date n’est avancée.

“La 5G n’est ni pour demain ni pour la semaine prochaine”, tempère Stéphane Richard, d’Orange, qui préfère expliquer ce à quoi cela pourrait servir. “La 5G va supporter l’augmentation des objets connectés – 50 milliards d’objets vont être connectés d’ici 2020, selon les estimations – et va offrir une meilleure expérience pour les utilisateurs, d’où qu’ils soient, y compris dans les transports, les TGV, les avions, ou dans les lieux bondés, comme les stades” pendant un match.

Crédit: AA
Crédit: AA

Pour Ken Hu, le vice président de Huawei, la 5G n’est rien de moins qu’une “question de vie et de mort” dans le cas des voitures connectées. Slide à l’appui, il assure que les véhicules pourraient freiner en 2,8 centimètres avec la 5G, quand il leur faut 1,4 mètre avec la 4G.

Du réseau, partout, tout le temps, et rapidement !

S’il y a bien un sujet qui ne vieillit pas avec les années, c’est la question de l’accessibilité du réseau, et, avec, la vitesse de connexion. Si Eric Schmidt, le patron de Google, prédisait lors de l’édition 2012 du Mobile World Congress que l’Internet serait comme l’électricité, invisible mais “toujours là”, le réseau est, en 2015, forcément mobile – “le mobile est devenu le coeur du Web”, dit Anne Bouverot, directrice générale de l’association mondiale des opérateurs mobiles GSMA – mais “encore trop lent”, d’après Timotheus Höttges. “Or nous devons pouvoir délivrer des services et des communications en quelques micro-secondes seulement”.

“Internet est devenu un besoin primaire pour la plupart des individus, surtout pour les plus jeunes, et la connectivité va devenir un besoin vital”, abonde à son tour Stéphane Richard.

Et Vittorio Colao, de Vodafone, d’appuyer: “les clients veulent plus de vitesse et d’ubiquité”. Comprendre: ils veulent se connecter sans surcoût démentiel selon le pays dans lequel ils se trouvent. “Les clients comprennent qu’ils ne sont pas les mêmes partout mais ne comprennent quand ils doivent payer des tarifs prohibitifs lorsqu’ils sont à l’étranger”, dit-il encore.

Entre les allées

Aux détours d’un des quelque 1.800 stands, le roi Felipe VI d’Espagne est là. La reine des Pays-Bas Maxima aussi. Plus loin, c’est Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au numérique, qui va soutenir la French tech.

Autres sujets beaucoup débattus au Mobile World Congress: le paiement sur mobile (Mastercard et Samsung ont noué un partenariat pour lancer Samsung Pay), les objets connectés (montre, manteau, bracelet, chaussures, collier pour chien), les voitures autonomes, et – c’est plutôt nouveau – les contenus. Car plus il y a de réseau, plus il faut de quoi butiner. “La priorité des clients, c’est la qualité du service. Cela inclut la vitesse, la couverture et… les contenus distribués”, détaille Vittorio Colao, citant les chiffres de The Daily Mail, un site britannique dont la majorité des internautes se connectent en dehors de l’Angleterre.

Si le Mobile World Congress fête cette année ses 10 ans, et sa “plus grosse édition”, d’après John Hoffman, l’organisateur en chef, il témoigne d’une sensibilité inédite à l’environnement. Chaque participant s’est ainsi vu remettre, avec son badge, un coupon pour utiliser à l’oeil les transports en commun de la ville pendant quatre jours.

Dimension “green”

Activité rituelle des journées de conférence, la recherche d’une prise électrique pour recharger son mobile. Cette année, les recharges de téléphones se sont via des panneaux solaires disposés dans tous les terminaux pour économiser l’énergie. Durant son discours, Stéphane Richard a lui aussi mis le sujet sur la table. “L’avènement de la 5G va fabriquer un monde plus green”, avance-t-il.

Les opérateurs, tous écolo-responsables? Vu les prévisions de croissance, avec 3.8 milliards d’utilisateurs de l’Internet mobile en 2020 dans le monde, “développer un réseau qui soit écologique est vital”, espère Stéphane Richard, qui mentionne à la fois le transport des data, les serveurs, et les mobiles eux-mêmes. “Lorsqu’ils ne sont pas en service, ces outils consomment quand même de l’énergie. Cela ne devrait pas être le cas”.

Merci de partager cet article sur Twitter et Facebook !

Alice Antheaume

lire le billet