Si vous n’étiez pas au Web Summit, la conférence sur les nouvelles technologies qui s’est tenue à Dublin, en Irlande, du 4 au 6 novembre 2014, voici un rattrapage en 7 points et autant de tendances en vigueur dans la sphère numérique.
Signe du dynamisme de la place irlandaise dans le monde numérique, le Web Summit, créé il y a quatre ans par Paddy Cosgrave, un trentenaire irlandais, a réuni 22.000 participants, 614 speakers et 1.324 journalistes à Dublin. Autant dire une foule impressionnante. Oubliez la Silicon Valley, regardez l’Irlande, clament les entrepreneurs présents au Web Summit.
“Il n’y a pas de pays plus favorable aux entreprises en Europe”, prétend le premier ministre irlandais Enda Kenny, en s’offrant le luxe de sonner la cloche à l’ouverture du Nasdaq à New York. C’est aussi en Irlande que se situent les plus importants bureaux en Europe de Google et Facebook, qui révèle vouloir passer de 500 à 1.000 employés à Dublin.
La politique du “double irish”, cette technique d’optimisation fiscale qui permet à des entreprises d’échapper au fisc europeén en profitant d’une dérogation, n’y est pas pour rien. Même si le gouvernement irlandais a présenté un projet de loi qui veut y mettre un terme, Twitter, qui emploie 200 personnes à Dublin, assure que cela ne remet pas en question ses projets d’expansion en Irlande. Les panélistes du Web Summit l’ont martelé: le dynamisme irlandais en matière de numérique n’est pas qu’affaire de fiscalité, c’est aussi une question de talents.
Quelle sera la prochaine grande révolution numérique? Bien malin qui peut le savoir. Brendan Iribe, le patron d’Oculus Rift, la société rachetée 2 milliards de dollars par Facebook en mars, parie sur la réalité virtuelle pour métamorphoser la façon dont on communique. “La plupart des gens voyagent, prennent l’avion ou la voiture, pour rencontrer leurs interlocuteurs. Imaginez que l’on puisse, dans le futur, mettre des lunettes de soleil pour rencontrer les gens en ayant l’impression d’être dans la même pièce, en pouvant regarder de près leurs yeux, voir bouger leur bouche, cela aurait un énorme impact” sur nos vies à long terme.
En attendant, le casque de réalité virtuelle d’Oculus, qui a fait l’événement à Austin, lors du festival South by South West, sera commercialisé dans quelques mois, sans que Brendan Iribe ne donne de date précise. “Nous sommes très impatients. Nous sommes très très près du but. C’est une histoire de mois, pas d’année. Mais de plusieurs mois quand même”.
Eva Longoria, Lily Cole, Bono… Ils ont tous défilé au Web Summit. A qui profite leur venue? A la conférence d’abord qui voit son influence et son rayonnement démultipliés lorsque ces célébrités promeuvent l’événement – l’intervention d’Eva Longoria est celle qui a recueilli le plus de tweets (plus de 3.000) à l’occasion du Web Summit, loin devant celle de Tony Fadell, le président de Nest, cette entreprise de thermostats intelligents rachetée par Google 3,2 milliards de dollars (2,5 milliards d’euros) en janvier. Pour ces stars, c’est une formidable opportunité aussi. Car elles investissent désormais dans des projets numériques et/ou des fondations. Or accéder au Web Summit à un public d’investisseurs de cette trempe peut leur permettre de lever des fonds.
Steve Jobs est mort il y a trois ans, et pourtant, son nom a été cité par pas moins de trois intervenants du Web Summit. D’abord par John Sculley, ex-patron d’Apple, responsable de l’éviction de Jobs en 1985 avant que ce dernier ne revienne en fanfare en 1997. Sculley est «célèbre par association», remarque Techcrunch, et «c’est une étrange dynamique».
«Tout le monde veut savoir comment était Steve Jobs, et dans quelle mesure Sculley l’a poussé au départ. 30 ans après, nous voulons toujours en parler, disséquer les tenants et les aboutissants de la situation d’alors, en demandant à Sculley ce qu’il s’est passé.» On ne saura rien ou si peu des activités de Sculley en dehors d’Apple, qu’il a quitté en 1993.
Le patron de Dropbox, Drew Houston, qui n’a rencontré Steve Jobs qu’une fois en 2009, a aussi été interrogé sur la personnalité du gourou d’Apple. Même chose lorsque le chanteur Bono est arrivé au Web Summit, lui qui s’est autrefois ému auprès de Steve Jobs du look immonde d’iTunes, indigne d’un esthète du design comme il l’a été. Autant d’occurrences qui prouvent que l’ex-patron d’Apple garde une influence remarquable sur le monde de la technologie, même en 2014, même si, parmi d’autres figures titulaires ont été mentionnées lors des interventions du Web Summit, notamment Larry Page, de Google, et Mark Zuckerberg, de Facebook.
A la conférence DLD 2014 à Munich, en Allemagne, était apparu, célébré comme un prodige, Nick d’Aloisio, 18 ans, venu présenter son bébé, l’application News Digest.
Au Web Summit, au rayon jeunes pousses prometteuses et déjà riches, figure John Collison, un Irlandais de 24 ans qui a co-fondé Stripe, une start-up de paiement en ligne basée à San Francisco et estimée à… 1,5 milliard d’euros. Sur la grande scène, le jeune homme aux visage encore joufflu, en chemise jean brut et chausses bateaux, rappelle qu’aujourd’hui “la plupart de nos achats s’effectuent hors ligne mais cela va s’inverser au profit des paiements en ligne, un marché immense”. Stripe teste un bouton “buy now” sur Twitter. Quant à l’Apple Pay, c’est aussi signé Stripe.
“Plus l’interface pour payer est simple, et intégrée, plus vous allez acheter des choses en ligne”, prévoit John Collison, plus à l’aise pour parler de sa société que de lui-même. “Quel genre de parents vous laissent lancer votre start-up alors que vous n’aviez pas fini vos études?”, interroge le journaliste David Rowan, de Wired, après avoir présenté Collison comme une “icône”. “C’est vrai que j’ai un parcours peu commun. Mes parents ont tous les deux lancé leur business, et comme on était à la campagne, l’Internet était très lent, ils ont donc pris une connexion par satellite”, répond John Collison qui, à l’époque, était en train d’apprendre la programmation informatique.
Autre star remarquée du Web Summit, Nao, un robot de 58 centimètre. Il a beau avoir été créé en 2006, il a fait une sortie remarquée à Dublin, à la fois sur la grande scène, et sur le stand, où se sont agglutinées les équipes de télévision, dont Médias Le Mag et CNN International.
“Il peut parler, danser – il fait partie d’une chorégraphie de Blanca Li, ndlr -, éviter les objets, sentir quand vous le touchez sur ses capteurs, et vous aider à apprendre”, m’explique Laura Bokobza, la directrice marketing d’Aldebaran, la société française qui a, cocorico, conçu cet humanoïde pour qu’il “accompagne des élèves dans leur apprentissage”, par exemple lors de cours dans des universités. Il peut même tweeter.
Nao, alias Jean-Mi, participe chaque semaine à l’émission Salut les Terriens avec Thierry Ardisson. Profitant du boom des robots de l’information, va-t-il remplacer les journalistes? Non, répond Laura Bokobza: “il n’est pas là pour remplacer les gens mais les assister”.
D’ailleurs, il a besoin de la programmation d’un technicien ad hoc avant de pouvoir réagir à ce qu’il se passe. Le temps réel de l’information est une donnée qui lui est difficile, pour ne pas dire impossible, à intégrer pour le moment.
A noter: il n’est pas encore à vendre pour les particuliers, même si Laura Bokobza pense qu’il pourrait être bientôt commercialisé au prix de 4.500 euros avec un an de maintenance garantie.
Le futur est au streaming, pas au téléchargement. La preuve, le succès de Spotify, une start-up suédoise créée en 2008, avec 12,5 millions d’abonnés payants, dont les revenus titillent ceux diTunes au dernier trimestre en Europe. Une étape importante pour l’avancée streaming, se félicite Willart Ahdritz, de la société Kobalt. Pas de surprise, puisqu’en 2012, Sean Parker le fondateur de Napster a prédit que les revenus de Spotify dépasseraient ceux d’iTunes d’ici deux ans, rappelle The Independent.
L’expansion de Netflix en Europe va dans le même sens même si aucun chiffre officiel n’a été communiqué depuis son arrivée en France.
Comment embarquer la technologie à bord des moyens de transport? C’est l’une des questions sur laquelle planchent de nombreuses marques, de Google avec ses voitures connectées à Audi qui prévoit un tableau de bord incluant Google Earth et Google Maps ainsi qu’une sorte de Siri permettant aux conducteurs de garder les mains sur le volant et les yeux sur la route tout en dictant leurs SMS à voix haute – un système qui ne serait pas sans danger, selon cette étude réalisée par l’Université d’Utah.
Aer Lingus, la compagnie aérienne irlandaise, a même installé sa nouvelle classe affaires avec écrans HD au milieu des stands dédiés aux start-up du Web Summit. C’est pourtant bien moins impressionnant que l’avion sans hublot que propose le Centre for Process Innovation (CPI), et dont la vidéo de démonstration a beaucoup circulé en ligne ces dernières semaines. Dans 10 ans, l’habitacle de la cabine serait alors recouvert intégralement d’écrans sur lesquels les voyageurs pourront voir des films, une vue panoramique du ciel, consulter leurs emails ou surfer sur Internet.
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Alice Antheaume
Grumpy Cat a été la star – à quatre pattes – du festival South by South West à Austin, aux Etats-Unis. Au Web Summit, organisé à Dublin, en Irlande, du 4 au 6 novembre 2014, la tête d’affiche s’appelle Eva Longoria. Invitée à converser avec une journaliste de Vanity Fair, l’actrice de la série Desperate Housewives s’est mis dans la poche les quelque 22.000 participants venus d’abord pour «réseauter», parler nouvelles technologies et trouver des investisseurs pour lancer leur start-up.
«Je n’étais jamais venue en Irlande»
A la question «qu’est-ce qui vous amène au Web Summit?», Eva Longoria a répondu par un éclat de rire décomplexé: «je n’étais jamais venue en Irlande». Avant de préciser: «on m’a invitée à parler de mes investissements qui, dans un monde global, nécessitent différents modèles selon le pays. Une bonne façon de partager ces modèles, c’est de recourir à la technologie».
L’actrice, présentée comme productrice/entrepreneuse/philanthrope, a préféré axer son intervention sur les femmes, une denrée plutôt rare dans les conférences sur les technologies. «J’aimerais encourager toutes les femmes présentes ici à aider leurs jeunes congénères, à devenir leur mentor, à leur montrer la voie. Parce que, sans mentor, le système ne fonctionne pas.» Un discours salué par une salve nourrie d’applaudissements et les flashs des photographes agglutinés près de la grande scène.
Le tollé Kardashian
Pourtant, les geeks ne sont pas public facile. Lors d’une autre conférence dédiée au mobile qui s’est tenue en Californie le 27 octobre, la venue de Kim Kardashian a provoqué une levée de boucliers sur Twitter, avant même qu’elle ne monte sur la scène, sur le thème «que peut-elle nous apprendre sur la technologie?». «C’est une star du mobile», a justifié la journaliste qui l’a invitée, Kara Swisher, arguant que son jeu sur Iphone, Kim Kardashian: Hollywood, génère 200 millions de dollars de revenus. Bien plus, donc, que ce qu’obtiennent la plupart des créateurs de start-up, continue Techcrunch. Interrogée sur les raisons pour lesquelles elle n’est pas prise au sérieux, Kim Kardashian a confié qu’elle ne le sait «pas très bien». «Peut-être parce que mon succès provient d’une télé-réalité, ce qui peut être négatif pour certains»…
Qui tire la couverture sur qui?
A qui profite la présence de telles célébrités à ces événements arpentés par des entrepreneurs du Web? A la renommée de la conférence? Ou à la star qui accède ainsi à un autre public que son terreau de fans habituels? Sans doute les deux.
Faire venir une star à une conférence numérique, c’est profiter de son influence. Une Kim Kardashian, avec plus de 25 millions d’abonnés sur Twitter, 20 millions sur Instagram, représente une chambre d’écho extraordinaire quand elle évoque un événement en ligne. Et, au delà, cela peut avoir des retombées pour l’économie locale, comme lorsqu’Eva Longoria visite les trésors du pays – le petit déjeuner irlandais, la cathédrale Saint Patrick, un bar de Dublin – dont elle parle sur les réseaux sociaux. A un jour d’intervalle, elle fait ainsi la couverture de deux journaux, le «Irish Independent» puis le «Irish Time».
Des stars qui rayonnent via le réseau
Pour les stars qui investissent dans le numérique, c’est aussi un coup de projecteur sur leurs activités. C’est le cas de Lily Cole, le mannequin au visage en forme de lune. Invitée au Web Summit, elle a présenté sa start-up, impossible.com, une plate-forme de trocs qui permet par exemple d’échanger des cours de tricot contre le design d’un site Web.
Reconversion en vue? «J’ai plus d’amis dans la technologie (dont Jimmy Walles, le co-fondateur de Wikipédia, qui a investi dans impossible.com et la conseille, ndlr) que dans la mode», a-t-elle expliqué. «Je passe un à deux mois par an à jouer des rôles et à faire du mannequinat, pour payer les factures et mettre de la lumière sur mes projets. Le reste du temps, je travaille à cette start-up avec ma petite équipe qui, comme dans toutes les start-up, analyse les data et pense à son développement».
Le partage comme compétence
Ces stars peuvent même avoir des compétences numériques inédites. Kim Kardashian est une championne du partage en ligne. «Toute ma carrière est basée sur les réseaux sociaux», et notamment «dans un environnement mobile», a-t-elle clamé. Flairant le filon, des entreprises de technologie ont même embauché des célébrités pour profiter de leur expérience. «La chanteuse Alicia Keys a travaillé pendant un an au sein du fabricant Blackberry en tant que directrice créative. Une position qu’a également occupé la chanteuse Lady Gaga chez Polaroid», répertorie Lefigaro.fr.
Enfin, la présence d’Eva Longoria et Lily Cole féminine quelque peu le casting. Au Web Summit, seuls 15% des orateurs sont des femmes, regrette l’équipe. Quant au public, il n’est pas non plus très féminin même si l’organisation a offert des billets gratuits à des femmes triées sur le volet – pour un montant total de 250.000 euros, ce qui, si l’on se réfère au prix d’un billet à 800 euros, fait 312 billets.
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Alice Antheaume
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