La RTBF privée de Web par les éditeurs de journaux francophones belges (Rue89)
Les articles ont beau être formidables, cela ne veut pas dire qu’ils trouvent une audience (Advertising Age)
Pouvoir zoomer infiniment dans un écran, c’est la navigation du futur selon Microsoft (Monday Note)
Le moteur de recherche de Google devient-il trop personnalisé? Et personnalisable? (NPR)
lire le billetBenoît Raphaël, le rédacteur en chef du Post.fr, a quitté ses fonctions. Deux ans et demi après le lancement de ce site ovni, filiale – pour l’instant – à 100% du Monde Interactif, c’est l’occasion de faire un rapport d’étape.
L’audience participe à l’élaboration des contenus, et ce, à hauteur de 40 % des articles publiés sur le site. «Jamais on n’aurait imaginé que l’audience allait produire autant», dit l’un des fondateurs du site. De fait, on dénombre sur lepost.fr environ 300 contributions d’internautes par jour, jusqu’à 600 les très bons jours. Pire (ou mieux, c’est selon), si la production des 14 journalistes de la rédaction augmente, elle est proportionnellement moins regardée par l’audience que celle des 40.000 utilisateurs inscrits – dont seulement 1.000 actifs (qui se manifestent une fois par mois) et 300 très actifs, souligne Alexandre Piquard, l’ancien rédacteur en chef adjoint qui assure par intérim la direction du site. Sans oublier qu’un tiers du trafic est assuré par des blogueurs stars comme Tian, ultra productif sur l’information régionale (17 posts sur la seule journée du 4 mars 2010, près de 9% de l’audience à lui tout seul), Bruno Roger-Petit et Guy Birenbaum, qui vient de partir du Post.
L’équipe du Post ne supporte pas qu’on lui dise qu’elle fait du journalisme citoyen, elle préfère le terme de «journalisme en réseau» façon crowdsourcing. Car certains articles (une vingtaine par jour) sont issus d’une coproduction entre les inscrits et la rédaction. «Les journalistes passent beaucoup de coups de fil pour vérifier les informations de la communauté, m’explique Alexandre Piquard. Même si c’est juste pour rajouter une phrase en fin d’article, on leur a inculqué la culture du doute, et on leur demande en permanence de “border” leurs informations». Comprendre: assurer la véracité de la publication. «Je préfère qu’on publie avec 5 minutes de retard plutôt qu’on publie une information fausse», dit encore Alexandre Piquard.
Au lancement du Post.fr, en septembre 2007, tout avait été conçu pour s’adresser à un public jeune, celui que sa filiale lemonde.fr ne parvenait pas à toucher. Olivier Lendresse, responsable du développement d’alors, s’en souvient encore: «On faisait des opérations marketing visant les spectateurs de la Star Academy et de séries télé comme Le Destin de Lisa (une télénovela diffusée sur TF1, ndlr), mais quand, quatre mois après, sont arrivées les premières études sur l’audience, on s’est rendu compte qu’on n’avait pas du tout affaire au public que l’on croyait. L’audience n’était ni jeune ni homogène. Non, on avait une multitude d’audiences de niche». Ici, des retraités, là des internautes fans de Ségolène Royal, ou encore, un enregistreur d’émissions télé, nommé Full HD Ready. «Lepost.fr est une sorte de monstre que l’on a appris à connaître», s’amuse l’équipe.
Crédit: DR
Parmi les sujets très bien couverts par lepost.fr, le démontage des buzz, les faits-divers, la politique (parfois trash), le people, les lolcats, les programmes télé, les vidéos, etc. «L’idée de départ, c’était d’être populaire et local, reprend Olivier Lendresse. De faire des posts sur toutes les sujets dont on parle à la machine à café». Lepost.fr, pour beaucoup, est ainsi devenu un «média de discussion». D’où les photomontages, souvent grossiers. Et le ton, très oralisé. Loin des titres déclaratifs sujet/verbe/complément de son grand frère Lemonde.fr, les titres du Post.fr sont le plus souvent interrogatifs («La fiche judiciaire d’Ali Soumaré consultée près de 40 fois par des policiers?»; «Pécresse y croit encore: oui, mais à quoi?»; «Plus Belle la Vie: Boher a-t-il souci à se faire pour son couple?»). Pour certains, c’est le premier site Web d’info à faire du LOL.
Lepost.fr a souffert d’être considéré comme «la poubelle du Web», comme l’appellent ses détracteurs. Dans les propres rangs du Monde (papier), les critiques ont été, et sont toujours, vives. Auprès des médias traditionnels, cela a été l’incompréhension. Comment le prestigieux journal Le Monde pouvait-il laisser publier des contenus certes originaux mais éditorialement limités? La rédaction du Post a appris à se blinder, et a fini par faire sa place au soleil, obtenant 2,9 millions de visiteurs uniques en janvier 2010. Un succès d’audience, sinon un succès journalistique au sens traditionnel du terme. «Au début, les internautes eux-mêmes nous lynchaient dans les commentaires, mais ils cliquaient comme des malades sur les articles», rit l’un des membres de l’équipe. Aujourd’hui, les rumeurs de rachat du Post.fr, relayées par les journaux, montrent que le site — malgré un chiffre d’affaires étrangement bas — a de la valeur.
Obsédé par l’immédiateté de l’information, lepost.fr ne rate (presque) jamais l’occasion de traquer des «breaking news» sur le réseau. Sur ce créneau, le site a un rival, 20minutes.fr. Ces deux rédactions, formées à la réactivité maximale et à l’utilisation méthodique des outils du Web, sont pour l’instant les seules en France à savoir repérer en un temps record des informations. Résultat, lepost.fr, devenu concurrent des agences sur le «chaud», s’est désabonné très vite de l’AFP. Une façon de motiver la rédaction pour aller «chercher» les infos plutôt que d’attendre que ne «tombent» les dépêches de l’agence. Même si celle-ci traque, via son outil Attributor, les contenus qui lui sont «volés» et les signale au Post.fr – et à d’autres – régulièrement. «On explique très souvent à nos inscrits comment ne pas faire de copier-coller», sourit Alexandre Piquard.
C’est l’une de ses spécificités les plus intrigantes. Encore plus que sur les autres sites d’infos, les internautes ne visitent pas Le Post via la «page d’accueil» du site, mais consultent directement les articles qui les intéressent via les réseaux sociaux, les moteurs de recherche, dont Google actualités et Yahoo! News. De fait, 75% des pages vues du site sont des articles, ce qui laisse peu de place à la page d’accueil. «La navigation est horizontale, pas verticale, résume Olivier Lendresse. La page d’accueil du Post, c’est en fait une page article.»
Le Post, c’est enfin une machine bien huilée sur le SEO (optimisation du référencement sur les moteurs de recherche). «C’est un cercle vertueux, note Jean-François Fogel, l’un des fondateurs. Les internautes cliquent sur des sujets populaires qu’ils aiment, or plus ils cliquent, plus l’article remonte dans Google News, qui indexe les sujets chauds. Or plus il remonte dans Google, plus il est vu par d’autres internautes». Et voilà comment le jeu de ping-pong entre humain et machine aboutit à plus d’audience.
Et vous, que pensez-vous de l’expérience Lepost.fr? Qu’en retenez-vous? Merci pour vos commentaires ci-dessous…
Alice Antheaume
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Faire un effet boeuf sur un mini-écran (Cision)
Benoît Raphaël quitte lepost.fr, billet d’au revoir (lepost.fr)
lire le billet«Rassurez-vous, je ne vais pas vous dire que votre avenir, en tant que journaliste, c’est de publier sur un blog». Charlie Beckett, journaliste, auteur de l’ouvrage SuperMedia et directeur du programme Polis à la London School of Economics, était vendredi 26 février 2010 à l’école de journalisme de Sciences Po pour donner un cours sur le «networked journalism», le journalisme en réseau. Résumé en 8 points.
1. «Le networked journalism est un processus et non un produit»
Le concept de «networked journalism» est né du constat que, en ligne, lecteurs et journalistes vivent dans le même monde et que les liens qui se nouent entre eux permettent de construire l’information de façon collaborative. «C’est bien plus que poster un commentaire sur un blog ou envoyer une photo à un site», argue Charlie Beckett. «Le networked journalism est un processus et non un produit». Un processus de production de l’information, dans lequel professionnels et amateurs échangent et partagent de A à Z. Pour résumer, le «networked journalism» est un mélange de journalisme traditionnel, de nouvelles technologies et de participation de l’audience.
2. «Faire une photo, ce n’est qu’une partie du job»
Exemple: la première photo de l’Airbus qui a amerri sur l’Hudson, en 2009, a été postée sur Twitter par Janis Krums, un citoyen américain embarqué sur un ferry sur l’Hudson au moment de l’accident. Or c’était la photo de la fin de l’histoire, note Charlie Beckett. Charge aux journalistes de remonter le fil, en consacrant notamment des portraits élogieux du pilote, devenu héros national. «Les journalistes ne pouvaient pas que republier la photo que cet homme avait déjà publiée sur Twitter, il leur fallait apporter quelque chose en plus».
Le directeur de Polis insiste: «Faire une photo, ce n’est qu’une partie du job. Après l’avoir prise, vous ne pouvez pas aller boire une bière, et penser que vous avez terminé votre travail. Non, la suite du job, c’est d’imaginer comment vous allez utiliser la photo en question et la diffuser, comment vous allez vous servir des outils disponibles pour mettre en valeur votre contenu.»
3. «Link to me»
Le but: faire en sorte que votre contenu soit repris et cité. D’où la nouvelle devise en vogue, «link to me» (faites un lien vers moi). Une devise chère aux utilisateurs du Web qui, «si vous ne les citez pas, ne vous citerons jamais en retour», martèle Charlie Beckett. Sur Twitter, nombreux sont ceux qui l’ont éprouvé: qui ne source pas son info s’expose ainsi au rejet de la communauté.
4. Des images inédites et donc… des infos inédites
Montrant une photo d’une famille suédoise face aux vagues du tsunami du 26 décembre 2004, photo prise par un touriste, Charlie Beckett demande: «Est-ce qu’on aurait autant parlé du tsunami dans les médias si on avait eu moins de photos et de vidéos prises par des touristes présents sur place, bardés de caméras et d’appareils photos?»
Autre exemple avec la vidéo de Neda, la jeune femme filmée par un manifestant iranien en train de mourir dans la rue, et postée sur YouTube, en juin 2009. «Vous voyez maintenant des images que vous n’auriez jamais vues il y a deux ans», reprend Charlie Beckett. Images que l’on n’aurait même certainement pas vues avant 2005, date de naissance de YouTube.
5. «Les lecteurs ont toujours besoin des journalistes pour créer des outils»
La principale tâche du journaliste en réseau, selon le directeur de Polis, c’est de faire du «crowdsourcing». C’est-à-dire aller chercher des infos auprès des gens. Par exemple, en créant une carte des pubs de New York et en demandant aux habitants de renseigner le prix de la bière pour chacun d’entre eux. Un travail qui prendrait des semaines aux journalistes s’ils ne faisaient pas appel à la communauté… «Les internautes savent envoyer des infos / des photos, assure Beckett, mais ils ont toujours besoin des journalistes pour créer des outils», comme les cartes, et centraliser les données.
Le journalisme, c’est «créer des formats dans lesquels les gens puissent s’exprimer», reprend Charlie Beckett, qui cite l’exemple du site britannique Mumsnet, un site qui parle bébés, mamans et éducation, mais pas que… Dans les forums, les discussions sur la politique sont nourries. A tel point qu’en octobre 2009, le Premier ministre anglais Gordon Brown est venu sur le site pour un chat. Ce 2 mars, c’est Alexander Douglas, secrétaire d’Etat au développement international, qui s’y colle. Pour Charlie Beckett, c’est clair: «Mumsnet est devenu un site politique en Angleterre.»
6. «Les journalistes disent tous la même chose»
Pour savoir ce que fait Nicolas Sarkozy aujourd’hui, rien de plus simple, note l’auteur de SuperMedia. «Il vous suffit d’aller sur n’importe quel site d’info et vous aurez la réponse.» De fait, un simple tour en ligne permet de vérifier l’assertion: Nicolas Sarkozy était, ce vendredi matin, en Afrique. «Que les journalistes écrivent la même chose, c’est un problème», assène le directeur de Polis. Car dans ce déluge de données sur lequel titre The Economist, si rien ne différencie une donnée d’une autre, elle va se perdre dans la multitude. «Si la valeur du journalisme ne saute pas aux yeux des lecteurs, le journalisme va disparaître.»
7. «Le journalisme, c’est du divertissement»
A quoi sert le journalisme? «Si les gens regardent les infos, ce n’est pas pour savoir pour qui voter aux prochaines élections, mais pour se divertir». Oui, divertir, insiste Charlie Beckett face aux étudiants perplexes. Et d’enfoncer le clou: «Le journalisme, c’est du divertissement. La capacité à divertir, c’est le seul talent dont vous ayez vraiment besoin. Si vous ne savez pas faire du divertissement avec de l’info, vous ne pourrez jamais être journaliste.».
8. «The deadline is dead»
L’idée n’est pas nouvelle, mais dite en anglais, elle est plus percutante que jamais. C’est l’idée selon laquelle les nouveaux médias n’ont pas d’heure de bouclage fixe comme leurs cousins imprimés, ils bouclent en permanence, à toute heure du jour et de la nuit. Bref, de l’info 24h/24 et 7 jours/7.
Alice Antheaume
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