Carlo de Benedetti: «Ce qui est gratuit ne vaut rien»

Lui, c’est le président du groupe L’Espresso. Un groupe en forme d’empire qui détient le quotidien italien La Republicca, connu notamment pour ses questions non complaisantes et ses révélations sur les affaires de Silvio Berlusconi, l’hebdomadaire L’Espresso, seize quotidiens locaux, trois radios et… une régie publicitaire. Car Carlo de Benedetti est avant tout un homme d’affaires. Il regarde donc de près la «valeur» des informations publiées.

Il donnait ce jeudi 18 février une conférence à Sciences Po, à Paris, sur le thème «Internet et journaux: la voie de la démocratie contre le populisme». Résumé de la séance de questions / réponses entre Carlo de Benedetti et l’assistance.

Vous opposez la presse écrite, qui serait le lieu d’un journalisme approfondi et d’analyse, à Internet qui ne produirait que dans l’urgence. Pourtant, il existe des sites d’informations et des pure-players qui publient des contenus de qualité…

Oui, il existe des sites de fond. C’est l’une des raisons pour laquelle il faut payer pour les contenus de ces sites. Pour moi, ce qui est gratuit ne vaut rien, ça n’a pas de valeur. Internet va déboucher dans un espace de dualité avec, d’un côté, des informations très générales gratuites et, de l’autre, des informations plus approfondies qui devront être payantes. Internet a quelque chose à apporter: en Italie, on a refait les contrats de travail dans les médias, pour obliger les journalistes du papier à alimenter le site de leur journal. Il y a des sites d’information très approfondis, dont le nombre de visiteurs reste relativement limité. Mais y a-t-il vraiment des sites gratuits de qualité?

Vous dénoncez également le risque d’Internet de mener au populisme…

Je ne dis pas qu’Internet ne soit pas un outil spectaculaire de transmission des messages. On l’a vu avec l’organisation du «No Berlusconi Day» (le 5 décembre 2009, des dizaines de milliers d’Italiens descendaient dans la rue à l’appel de bloggeurs pour réclamer la démission de Silvio Berlusconi, ndlr) pour en Italie ou du «Move On» (une organisation pro-Obama qui organisait des rassemblements pendant la campagne, ndlr) aux Etats-Unis pour Barack Obama. Ces rassemblements de masse sont rendus possibles par les réseaux sociaux et permettent une expression de la démocratie «home made». Mais j’ai peur de la possibilité – et du risque – de fuite dans un populisme qui peut être très dangereux. Internet est un instrument. Les réseaux sociaux sont seuls capables de faire venir des centaines de milliers de personnes à un seul endroit. Mais sur Internet, un danger subsiste s’il n’y a pas de point de référence pour faire la différence entre être informé et avoir une opinion, entre savoir et connaître.

Mais Internet permet l’expression de chacun sur l’actualité, notamment avec le journalisme citoyen. Que pensez-vous de ce phénomène?

Un journaliste professionnel peut toujours être critiqué pour son apparente présomption: il semble se prendre pour un arbitre sur des sujets qu’il ne connaît pas forcément en profondeur. Mais je pense que la retranscription d’un événement ne doit pas être faite par des gens qui n’ont pas les compétences pour mettre en ordre un raisonnement. Ou alors ce n’est plus du journalisme, c’est de l’information brute. Les deux peuvent parfois coïncider mais ce sont bel et bien deux choses différentes.

Ozal Emier

2 commentaires pour “Carlo de Benedetti: «Ce qui est gratuit ne vaut rien»”

  1. ” Seul le gratuit est divin”
    L.F Céline ( correspondance)

  2. pour info, un commentaire sur cet article : http://moniphonematuer.blogspot.com/2010/02/et-si-benedetti-ne-valait-rien.html

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