Beaujolais Nouveau

Je n’ai rien contre le Beaujolais Nouveau, bien au contraire. En Corée, c’est l’une des rares réussites marketing du vin de France contre les stratégies bien rodées des vins du Nouveau Monde et des wineries chiliennes en particulier. Le Beaujolais Nouveau a réussi là où les autres régions viticoles françaises ont échoué, exception faite des tous meilleurs crus bordelais mais dont les prix dépassent l’entendement. En achetant du Beaujolais Nouveau le consommateur coréen peut enfin s’y prendre comme s’il achetait du Montes Alpha chilien et acheter une marque: un produit identifiable et simple, de qualité (plus ou moins) fiable, à un prix abordable, avec en plus cette sensation de participer à une tradition des vins de primeur, tradition qui existe ailleurs que dans le Beaujolais, mais c’est là toute la réussite marketing du Beaujolais Nouveau: d’avoir su d’identifier à une tradition viticole bien plus large que son appellation; d’avoir pu “préempter le territoire des vins de primeurs” en langage Séguéla.

Toujours est-il qu’ici ce Beaujolais Nouveau se vend en moyenne à 9euros chez votre “convenience store” de quartier. C’est là tout le malheur des amateurs de vin coréen: devoir débourser pour un Beaujolais Nouveau ce que l’amateur français débourserait pour un Morgon de qualité. C’est qu’en plus du coût du transport, les vins sont assujettis à une taxe sur l’alcool (30%), et une taxe sur l’éducation (10%), sans oublier la TVA, les frais liés aux formalités douanières, une éventuelle  mise en quarantaine pour analyse d’échantillon et bien entendu les marges de tous les intermédiaires entre le moment où les bouteilles quittent le domaine du vigneron et arrivent sur les étalages de votre 7Eleven local… Santé!

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Parcours de combattant d’une apprentie sommelière coréenne en France

Cela peut paraître cliché, mais vu de Corée, le vin, avec le secteur du luxe, ou encore les cosmétiques sont les vrais domaines d’excellence de la France. Non seulement les atouts majeurs de son commerce extérieur, mais les vecteurs de son rayonnement, voire de son influence. Et si dans beaucoup de secteurs à haute valeur ajoutée, le leadership américain se pérennise parce que les élites du monde entier viennent se former à Harvard, Stanford ou au MIT, la France a tout intérêt à en faire de même pour conserver son leadership dans ses chasses gardées et attirer les talents du monde entier dans les secteurs où elle dispose d’un avantage concurrentiel majeur.

C’est pourquoi il est plus qu’utile de se pencher sur le témoignage de Mlle Dong-young Kwak qui est venue étudier une discipline dont on peut penser que la France devrait être la Mecque pour tous les étudiants d’ici et d’ailleurs: la sommellerie.

 

La France: pays de l’amour, du romantisme, du pain et du vin

Tout commence il y’a 7 ans, lorsque Dong-young ne voit pas son avenir comme cadre de la filiale coréenne du groupe électronique japonais Sharp. Elle voit d’ailleurs mal son avenir professionnel dans le monde de l’entreprise en général et décide de repartir à zéro pour s’engager dans une discipline dans laquelle elle pourrait s’épanouir en mettant à contribution son goût pour la gastronomie et son caractère sociable. A une époque où peu de gens en Corée connaissent l’existence même du métier de sommelier, Dong-young décide donc de s’y engager, convaincue que son avenir sera fait de millésimes, cépages et autres accords mets-vins.

Dès lors qu’apprendre ce métier en Corée n’est pas envisageable, son regard se tourne naturellement vers l’occident, mais où exactement? En Angleterre terre de quelques-uns des plus illustres critiques de vin ou aux Etats-Unis dont les meilleurs crus surclassèrent les nôtres lors du désormais célèbre jugement de Paris? D’autant que Dong-young ne parle pas le Français à l’époque. L’hésitation ne fut pas très longue, notamment suite aux conseils parentaux: s’il s’agit d’apprendre le vin, c’est en France et nulle par ailleurs qu’il faut aller. Après quelques mois d’initiation au Français à l’Alliance Française de Séoul, Dong-young débarque en France en 2007, ce pays totalement étranger, qui à l’époque évoque chez elle “l’amour, le romantisme, le vin et le pain”. Elle commence par apprendre le Français au Collège International de Cannes.

 

Stage de langue et Mention Complémentaire de Sommellerie: jusqu’ici tout va bien

Jusqu’ici tout va bien: l’intégration de Dong-young en France se passe sans problème majeur, notamment grâce à l’encadrement du Collège International de Cannes, bien rodé dans l’accompagnement des premiers pas d’étudiants étrangers en France. Bien sûr, il y a les démarches administratives afin d’obtenir le permis de séjour étudiant d’un an, mais celui-ci est obtenu sans encombre à la grande surprise de Dong-young qui avait entendu les pires rumeurs sur la façon dont les fonctionnaires traitaient les demandeurs de permis de séjour. Mais dans son cas, si ce n’est le fait de devoir se rendre à Nice à 7h du matin et perdre 6 heures dans les couloirs de la préfecture, tout se passe sans problème particulier.

C’est huit mois plus tard, que les choses sérieuses commencent pour Dong-young qui déménage à Bordeaux pour suivre les cours du CAFA, centre de formation privé qui prépare à l’examen d’obtention de la Mention complémentaire sommellerie. Et là encore, tout se passe idéalement bien: Dong-young passe une année de formation qui combine une semaine de cours et trois semaines de temps libre qu’elle décide d’investir en stages chez un vigneron et un négociant Bordelais qui l’accueillent chaleureusement. Son permis de séjour ne lui permet pas de travailler contre rémunération mais qu’importe, elle est en France pour étudier et ses parents l’aident à financer les deux années qu’elle projetaient de consacrer à ses études de sommellerie.

A Bordeaux également, ses contacts avec l’administration dans le cadre du renouvellement de son permis de séjour se passent bien. Elle endure bien sûr de longues attentes, mais les contacts avec les fonctionnaires sont toujours courtois, voire amicaux et au bout de deux semaines d’attente, le renouvellement de son permis est accordé.

L’expérience de Dong-young en France aurait pu s’arrêter là. Au bout d’un an et huit mois, titulaire de la mention complémentaire sommellerie, elle aurait pu rentrer en Corée et faire partie des quelques Coréens titulaires de ce précieux sésame et promis à un bel avenir professionnel. Sauf que Dong-young reste sur sa faim: sa formation lui a certes permis d’acquérir les bases du vin, mais elle a l’impression d’avoir suivi une formation allégée pour étrangers. Un peu comme si elle avait visité Paris en deux jours dans un car de touristes étrangers. Cette mise en bouche lui a surtout laissé entrevoir l’ampleur des connaissances qu’il lui reste à explorer pour réellement prétendre à devenir l’un des tous meilleurs sommeliers. Elle demande donc au directeur du CAFA de lui conseiller un établissement pour approfondir sa formation.

 

“Vous ne comprenez pas le Français?… English?…”

C’est ainsi qu’après Bordeaux, Dong-young déménage à Montpellier afin de suivre une formation de deux ans à Béziers et décrocher le Brevet Professionnel de sommellerie. En s’engageant dans cette nouvelle formation, Dong-young change de division. Il s’agit d’un programme beaucoup plus exigeant et ambitieux, surtout pour une personne ne maîtrisant pas parfaitement la langue française. Et d’ailleurs, le contexte est beaucoup plus franco-français: elle est la seule étrangère parmi les étudiants.

Cette nouvelle aventure commence par le désormais rituel du renouvellement de son permis de séjour, pour lequel elle ne se fait plus trop de souci, vu les deux précédents sans encombre à Nice et à Bordeaux. Elle est maintenant rodée à la constitution des pièces du dossier et surtout, elle est inscrite comme étudiante dans un établissement public et devrait donc obtenir sans problème le renouvellement de son permis de séjour étudiant. Mais est-ce le changement de région? Un changement de disposition de l’administration d’une année sur l’autre? Ou tout simplement la malchance? Cette fois-ci, les choses se passent très mal.

Lors de sa première visite, le fonctionnaire qui reçoit Dong-young au bout de trois heures d’attente refuse son dossier au prétexte que les pièces justificatives ne sont pas rangées dans le même ordre que celui qui figure dans le formulaire de renseignement. Il lui demande de revenir une fois qu’elle aura remis ses pièces dans le bon ordre, sauf qu’elle n’a plus le temps de refaire la queue étant donné les horaires de fermeture de la préfecture, et doit repasser une autre fois. Dong-young repasse donc avec un dossier rangé dans l’ordre exact demandé, mais cette fois un autre problème se pose: l’établissement dans lequel elle est inscrite ne serait pas dans la liste de ceux reconnus par la préfecture. Son permis de séjour ne peut donc être renouvelé. Dong-young est sidérée par ce prétexte ahurissant: elle n’a eu aucun mal à obtenir un permis de séjour pour suivre une formation privée à Bordeaux, mais on ne lui reconnait pas le statut d’étudiante alors qu’elle est inscrite dans un établissement public?

“Si vous voulez vraiment le permis, vous n’avez qu’à vous inscrire à la fac” lui dit-on. “Mais je ne suis pas venu en France pour apprendre à obtenir le permis de séjour, je suis là pour apprendre le métier de sommelier!” argumente-t-elle. Mais Dong-young se trouve face à un fonctionnaire qui ne veut rien savoir et cherche à se débarrasser au plus vite de son cas, sans toutefois oublier de se montrer désagréable comme il faut:”Vous ne comprenez pas ce que je dis? Vous voulez qu’on vous appelle un interprète Anglais peut-être?…  English?…” lui lance-t-il d’un ton moqueur.

Dong-young repart donc bredouille une deuxième fois et cherche à obtenir le soutien de son école, dont la direction se montre particulièrement peu concernée mais accepte finalement d’écrire une lettre d’attestation, avec laquelle elle retourne une troisième fois à la préfecture. C’est encore un échec pour les mêmes motifs, malgré la lettre d’attestation. Face à l’inflexibilité de la Préfecture et la passivité de son établissement, Dong-young ne se décourage pas et revient à la charge une quatrième fois avec toute une série de documents détaillant son cursus pour appuyer son dossier. La Préfecture finit par accepter son dossier en précisant bien qu’ils ne garantissent aucunement l’obtention du renouvellement et qu’il faudra qu’elle quitte le territoire dans les trois mois suivant un probable refus.

Au bout de quatre mois, le verdict tombe, le permis de Dong-young est renouvelé. On lui accorde le droit de rester un an de plus en France; un an où elle contribuera à la croissance économique française en consommant, en payant un loyer, et en travaillant sans rémunération sous le régime des conventions de stages; un an où elle contribuera à financer l’enseignement supérieur français; un an où elle apprendra à promouvoir l’un des produits phares de notre commerce extérieur pour participer à son rayonnement en Asie. A ce tarif là, il était sûrement nécessaire d’essayer de la dissuader.

 

Stagiaire et étrangère: la double pleine

Dong-young peut enfin laisser derrière elle les problème administratifs et se consacrer à ses études. Son cursus est basé sur le même rythme qu’à Bordeaux: une semaine de cours suivie de trois semaines de stage obligatoire. Stage qu’elle décide d’effectuer dans un restaurant bar à vins de Montpellier, réputé pour son choix de vins et tenus par un couple, dont le professeur de Dong-young est ami.

Dong-young est très motivée à l’idée de travailler dans ce bar à vin, où elle pourra apprendre son métier en le pratiquant au contact de vrais clients. Elle entame donc son stage en essayant de montrer sa motivation et sa bonne volonté et ne compte pas ses heures. Théoriquement soumise aux 35heures hebdomadaires légales, Dong-young en abat 60h à l’aise. Elle commence généralement son service à 10h30 du matin jusqu’à 14h pour le service du midi, puis déjeune sur place et ne rentre pas chez elle pour profiter de deux heures de repos qu’elle pourrait s’accorder pour continuer à donner un coup de main au couple jusqu’au service du soir qui commence vers 18h pour se terminer vers une ou deux heures du matin. Elle travaille tous les jours de la semaine, y compris les samedis, et les dimanches de match de foot.

C’est à se demander comment faisait ce couple avant Dong-young. “Ils avaient un salarié”, m’explique Dong-young. Et maintenant ils ont une stagiaire qui ne leur coûte rien et qui travaille sans compter les heures. Mais Dong-young ne se plaint pas. Elle est là pour apprendre et acquérir un maximum d’expérience. Sauf que son travail consiste au nettoyage de la salle et à la mise en place avant le service, puis à essuyer les verres de vin pendant le service. Au début, elle pense que son travail va évoluer et qu’elle pourra progressivement exercer son métier de sommelier. Titre qu’elle peut officiellement revendiquer vu qu’elle est titulaire de la mention complémentaire sommellerie.

Mais les semaines passent et rien ne change: à part quelques échanges de commentaires sur tel ou tel vin avec le mari du couple, le travail de Dong-young nécessite un maniement intense de balai et de torchon, mais pas de tire-bouchon. De retour en cours, elle fait part de sa situation à son professeur mais le message ne passe pas. Celui-ci interprète sa démarche comme celle d’une personne douillette qui se plaindrait de la rudesse normale du travail de la restauration.

Un jour un client habitué du bar à vin demande à Dong-young pourquoi si elle est venue pour apprendre le métier de sommelier, elle passe son temps à essuyer les verres. Et puisque les patrons sont affairés ailleurs, il lui demande de lui servir un verre de vin qui irait avec son andouillette. Dong-young hésite, mais après tout, elle est sommelière, et puis ce client veut un vin rouge au verre, ce qui limite le choix à trois sur le menu. Elle lui conseille donc le plus léger des trois rouges au verre, qui en plus d’être bon, est le moins cher. La patronne arrive sur les lieux du “crime” au moment où le client s’apprête à goûter le vin recommandé par Dong-young. Visiblement agacée, elle demande à Dong-young ce qu’elle a fait, puis reprend le verre au client et le déverse dans l’évier en prétextant que ce vin, qui se trouve dans la liste des vins de son établissement, n’est pas bon, puis lui en sert un autre. Humiliation gratuite? Jalousie de la part d’une personne qui visiblement s’y connait moins en vin? Dong-young encaisse le coup en silence, sort faire un tour dehors pour se changer les idées et reprend son service sans chercher d’explications.

Un autre soir, trois camarades de classe de Dong-young en stage chez un autre commerçant non loin de là lui rendent visite peu avant la fermeture vers 1 heure du matin. Il arrivait que Dong-young passe leur rendre visite à leur travail avant son propre service pour prendre un café, qui lui était amicalement offert. Dong-young voudrait leur rendre la politesse mais elle sent bien qu’elle n’est pas en position de leur offrir leurs verres de Pastis. Si bien qu’elle décide de les offrir de sa poche et sort des billets de son portefeuille pour les mettre dans la caisse. C’est au moment où elle referme le tiroir caisse qu’elle tombe sous le regard de la patronne qui a décidément le raccourci et les préjugés faciles. Persuadée que Dong-young vient de se servir dans la caisse, elle la fixe, écarlate et lui assène un “va-t-en!” sans chercher à comprendre plus loin.

Ainsi se termine ce “stage”: sur l’épuisement et la crise de nerf pour Dong-young, qui pense avoir fait son travail de son mieux. Sur un couple patron de bar à vins qui aura exploité sans frais une “stagiaire” pour l’accuser de vol au premier malentendu, puis se plaindre auprès du professeur de Dong-young qu’elle ait quitté son poste sans prévenir. Professeur qui finira par prendre fait et cause pour Dong-young et qui l’autorisera à mettre fin à ce stage pour l’orienter vers d’autres horizons.

Nouveaux horizons qui ne sont pas forcément plus propices. Dans la cave à vin où elle commence son nouveau stage, Dong-young est certes plus dans le vif du sujet, mais bénéficie là encore d’un traitement spécial. A l’approche des fêtes de fin d’années et d’une augmentation de l’activité, son patron lui annonce que sa pause du midi est écourtée de deux heures à une heure. Dong-young l’accepte volontier mais elle se rend compte que les trois autres salariés du caviste disposent toujours de leurs deux heures de pause. Forcément, entre payer les heures supplémentaires des salariés et exploiter un stagiaire à l’oeil, le choix est vite fait pour le patron.

Celui-ci pense sûrement être tombé sur une cible facile qui ne se plaint même pas, sûrement parce qu’elle ne comprend rien et qu’elle ne réalise pas. Il continue donc de la traiter dans le même esprit: lorsqu’elle lui achète du vin pour sa consommation personnelle, le patron lui fait croire qu’elle a droit à des tarifs préférentiels, mais Dong-young réalise qu’elle paie presque toujours plein pot, et parfois plus cher que les clients. De toutes ces injustices, Dong-young ne se plaindra pas ouvertement, à part de temps en temps à son professeur. Peut-être à cause de la barrière de la langue, aussi parce qu’en Corée il est mal vu de se plaindre: garder le silence ne signifie pas être dupe. On accepte ce qu’on considère comme une injustice ou l’on s’en va.

Le stage chez ce caviste se terminera aussi très mal, surtout d’un point de vue physique: entre une tendinite aux deux poignets pour avoir porté trop de caisses de vin, et le surmenage des fêtes de fin d’années qui nécessitera un rapatriement pour une hospitalisation en Corée, d’où Dong-young hésitera à revenir.

Elle revient finalement, avec la ferme intention de ne pas réduire à néant tous les efforts accomplis jusque là. Avec également un changement d’attitude: oui elle est en France pour apprendre et prête à faire beaucoup de sacrifices, mais elle revient avec la ferme détermination de ne plus se laisser marcher sur les pieds. Elle demande donc une rémunération, même modeste lors de ses prochains stages. Surtout, elle n’hésite plus à s’exprimer, “râler” comme un bon Français. Un jour qu’une collègue lors d’un stage en restauration, lui demande pour la énième fois d’effectuer une besogne ménagère pour le plaisir de lui donner des ordres, Dong-young lui fait comprendre sèchement qu’elle n’en fera rien et lui explique d’un ton ferme qu’elle ferait mieux de changer de comportement avec elle.

Et ça marche! A force de coups de gueule et de réclamations diverses, Dong-young se fait progressivement respecter pour mieux s’intégrer dans les différents stages qu’elle effectue et finalement, obtenir son brevet professionnel de sommellerie.

Au final, il n’y a pas que du mauvais à retenir de l’expérience de Dong-young. Son stage de langue et sa mention complémentaire sommellerie furent obtenus sans encombre. Mais sortis de ces parcours bien balisés les expériences de Dong-young sont révélatrices de la perception qu’ont l’administration ainsi que les employeurs des étrangers: immigrant illégal en devenir, main d’oeuvre corvéable à merci mais piquant dans la caisse dès qu’on a le dos tourné… Dommage, surtout pour un secteur dont l’avenir dépend de l’étranger.

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Libre-échange et protectionnisme

Vue d’Asie, la Corée du Sud est une petite pointe de terre coincée entre les géants chinois, russe et japonais. C’est peut-être la raison pour laquelle peu en Europe s’intéressent à ce pays car pourquoi s’arrêter à Séoul, lorsque Shanghai et Tokyo sont à moins de 3 heures de vol? Mais transposons ce pays en Europe: avec une population et un PIB au même niveau que celui de l’Espagne et une croissance économique de 6% en 2010, la Corée ne serait-elle pas l’un des piliers de la zone euro?

L’entrée en vigueur le 1er juillet dernier de l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et la Corée contribuera peut-être à hausser le niveau d’intérêt des européens pour la Corée. Encore faudrait-il que cet accord favorise réellement le libre-échange et de mon point de vue de PME exportatrice de vins en Corée, les choses ne me paraissent pas aussi évidentes.

Sur le papier, que du bonheur car les droits de douane auxquels étaient soumis les produits de nos chers vignobles vont disparaître progressivement. Mais dans la réalité, le gouvernement coréen ne voit pas d’un si bon oeil l’engouement de ses concitoyens pour le vin. Car face au vin, le Soju et le Magkolli, deux alcools coréens, le premier à base de patate douce, l’autre à base de riz, ont également des ambitions d’abord de préserver leurs parts de marché en Corée, puis de venir concurrencer le vin à l’international. Seul hic pour ces deux concurrents locaux: leurs productions artisanales ont été stoppées dans le courant des années 70, lorsque le président Park de l’époque interdit l’usage des récoltes pour la fabrication d’alcool. Si bien qu’aujourd’hui, même si les alcools coréens se vantent d’une tradition millénaire, nombre de savoir-faire ont été perdus, tandis que la grande majorité d’entre eux sont issus de fabrication industrielle.

Par contre ces alcools locaux ont un avantage concurrentiel imbattable: le prix. Ainsi, une bouteille de Soju s’achète à 1 Euro, lorsqu’une bouteille de vin, même la plus imbuvable, vous en coûtera 15. C’est cet avantage que les Coréens espèrent bien garder malgré l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange. Et les moyens pour y arriver sont nombreux.

Prenons un exemple schématique : vous voulez exporter 10 bouteilles de Grand Cru classé de Bordeaux qui vous ont coûté 100 euros pièce transport compris, soit un coût total de 1000 euros à l’arrivée à la douane en Corée. L’accord de libre-échange est entré en vigueur et c’est à votre plus grande joie que vous apprenez que vos bouteilles ne sont plus soumises aux droits de douane de 15%. Vous avez donc économisé 150 euros au total grâce à cet accord: un montant non négligeable.

Mais qui dit importation ne dit pas seulement droits de douane, mais également formalités douanières. Et pour l’importation de vins, dans la plupart des cas, vos bouteilles devront passer l’analyse en laboratoire effectuée par la douane, et ce alors même que vous avez déjà fourni les résultats d’analyses en laboratoire effectuées par le vigneron en France. Cette analyse coûtait 60 euros en 2009, mais par une inflation fulgurante et mystérieuse, elle coûte 210 euros aujourd’hui, soit une augmentation de… 150 euros.

Sans oublier que pour procéder à l’analyse, les douaniers doivent vous prélever une bouteille de votre grand cru de votre cargaison. Je me reconvertirais bien en douanier coréen moi si je me plante dans l’exportation de vin.

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Grands Crus

Degustation de Grands Crus de Bordeaux à Seoul

L’Union des Grands Crus de Bordeaux faisaient aujourd’hui une halte en Corée pour donner un aperçu du millésime 2007 d’une petite centaine de producteurs. Les meilleurs (les 1er Grands Crus Classés, Cheval Blanc, Ausone, Yquem Pétrus), qui n’ont sûrement pas besoin de ce genre de voyage organisé pour se promouvoir, manquaient à l’appel. Mais reste du beau monde quand même qui regarde de ce côté-ci de la Planète comme un nouvel eldorado.

Ils regardent du côté des Chinois d’abord qui s’éveillent au vin, et dont l’arrivée en masse chamboule le marché, comme l’atteste les dernières enchères organisées par Sotheby’s à Hong-Kong, où la caisse de Lafite 1996 est partie à plus de 35000 euros.

Mais le marché coréen n’est pas inintéressant non plus: un marché incomparablement plus modeste en taille, mais également plus mature. Un marché également où deux accords de libre échange viennent d’être signés, avec les Etats-Unis et l’Union Européenne, entraînant une (petite) baisse des prix à la consommation dans les années à venir.

Reste à savoir si les Grands Crus de Bordeaux et les crus français en général sauront tirer leur épingle du jeu.

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