Deux approches radicalement opposées mais toutes aussi succulentes de ce poisson aussi bon que pénible à cause de ses fines arêtes.
Si dans le Gard on les cuit à l’étouffée, pendant 12h avec de l’oseille et de l’eau de vie jusqu’à la fonte des arêtes, ici on les mange en sashimi, ou “hwae” pour utiliser le terme coréen. Surtout en cette saison d’ailleurs, où les aloses seraient particulièrement goûtues. Au point que selon le dicton local “même la belle-fille maltraitée revient chez sa belle-mère pour en manger.”
Et vu que traditionnellement, la jeune mariée devenait la bonne à tout faire de sa belle mère en Corée, c’est dire si les aloses sont bonnes en cette saison!
lire le billetEn complément de mon post précédent sur les parkings en Corée: voilà comment procéder lorsqu’on est trop étourdi pour se souvenir de l’emplacement de parking où l’on a laissé sa voiture:
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Dans la série des choses à faire ou à ne pas faire en Corée et qui sont complètement contre intuitifs pour un Français:
Ne pas faire: saluer les voisins dans l’ascenseur
Vous prenez l’ascenseur de votre immeuble avec l’un de vos voisins: ne le saluez surtout pas d’un bonjour – au revoir. Ici, il est normal, voire recommandé de s’ignorer royalement, même entre voisins. Ne me demandez pas pourquoi, c’est comme ça. Le seul commencement d’explication que l’on m’ait donné est lié au quotidien difficile des Coréens. Je veux bien admettre que ce quotidien soit difficile, mais il faudra qu’on m’explique en quoi il l’est au point de ne pouvoir saluer son prochain. Toujours est-il que pour même pour le Parigot que je suis, il n’est pas naturel du tout de retenir une formule de salutation quelle qu’elle soit au moment où je me retrouve nez à nez avec mon voisin dans l’ascenseur. Si bien que parfois, lorsque je n’y fais pas attention, un “bonjour” spontané s’échappe de ma bouche. Le voisin se retourne alors vers moi un peu surpris. Il arrive qu’il me salue en retour d’un air amusé; il arrive également qu’il détourne le regard et s’éloigne le plus possible de moi le temps du trajet d’ascenseur, de peur que je sois dragueur fou, ou fou tout court.
Dans le même esprit, beaucoup de gestes élémentaires de courtoisie pour un Français tels que tenir la porte à quelqu’un, le laisser sortir avant soi de l’ascenseur (décidément…), ou s’excuser pour l’avoir bousculé, sont considérés comme superflus ici.
Faire: offrir du shampoing, du dentifrice, des côtes de boeuf ou des conserves de thon pour les fêtes
Imaginez-vous la tête de votre belle-mère si vous lui offriez le dernier Palmolive anti-pellicules et son poids en bavette de boeuf pour Noël. Si votre belle-mère était coréenne, elle serait ravie. Car ici on n’apprécie pas un cadeau pour son caractère original, recherché, symbolique; on ne loue pas tous les efforts et l’attention fournis pour trouver le cadeau idéal en fonction des goûts et de la personnalité de son destinataire. Ici on privilégie avant tout le pragmatisme et l’utilité du cadeau offert. Et il faut dire que de ce point de vue, on aura toujours besoin de shampoing ou de dentifrice, tandis que la côte de boeuf, elle est non seulement hors de prix en Corée, mais elle entre dans la composition obligatoire du banquet préparé pour honorer les ancêtres lors des fêtes de fin d’année.
Faire: s’incruster à un mariage, mal habillé
C’est ce qu’a fait mon collègue vendredi dernier, suite à un coup de fil de l’un de ses amis en fin d’après-midi, qui lui proposait de dîner ensemble et papoter un peu au mariage auquel il devait se rendre. Lorsque je fis remarquer à mon collègue qu’il était en jeans et t-shirt, celui-ci me répondit: “bof c’est pas très grave, c’est pas comme si j’allais saluer les mariés et leurs familles.” Et lorsque je lui demandai de quel mariage il s’agissait, il me dit: “Je ne sais pas parce que mon ami ne connait pas les mariés pas non plus. C’est son patron qui lui a demandé de s’y rendre à sa place pour signer le livre d’or et laisser de l’argent. J’y vais juste pour lui tenir compagnie.” Parce que pour beaucoup de mariages en Corée, l’objectif n’est pas de célébrer un événement heureux en compagnie des proches, mais d’annoncer l’union de deux familles au plus grand nombre lors d’une cérémonie hors de prix qu’il faut amortir grâce à l’argent laissé par les invités.
Ne pas faire: attacher son pull autour de sa taille ou de ses épaules
Ne cherchez pas pourquoi, c’est has been, complètement dépassé. “Ca fait personnage de feuilleton coréen des années 80” m’a-t-on dit poliment mais d’un ton visiblement amusé, alors que j’avais mon pull sur mes épaules pour aller déjeuner… Quand les mystères de la mode s’ajoutent aux mystère d’une culture éloignée…
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En Corée, toute avancée technologique est vécue d’abord comme un progrès pour la société et accueillie favorablement, quand ça n’est pas dans l’enthousiasme général.
Ainsi la multiplication des caméras de surveillance dans les espaces publics est avant tout perçue comme une formidable avancée sociale. Car être filmé partout et tout le temps permet de rendre le trajet des enfants jusqu’à l’école plus sûr. Si bien que pendant que certaines capitales européennes s’en cachent, la ville de Seoul fait au contraire la promotion de ses caméras en mettant à disposition un centre d’appel dédié au renseignement de ces trajets les mieux surveillés.
Vivre dans une ville filmée partout et en permanence permet également à l’auteur de ces lignes de bénéficier d’un service de navigation GPS couplé à une base de données de l’état des lieux de la circulation en temps réel, grâce aux milliers d’yeux qui surveillent en permanence les artères de Seoul. Quel que soit le trajet, ce service m’indique donc le trajet le plus court en intégrant l’état du trafic en temps réel et une estimation de mon heure d’arrivée à la minute près.
Voilà en deux exemples l’idée que les Coréens se font d’un monde meilleur : il s’agirait pour eux d’un monde plus simple, efficace et rapide ; un monde plus confortable et sûr, où chacun serait libre d’avoir accès à tout biens et services n’importe où, tout le temps. Mais pour que ce système marche, il faut en retour que chacun puisse se rendre disponible et accessible ; que toute société de prestation de services puisse vous identifier à partir de votre numéro de sécurité sociale, ou que votre banque puisse utiliser votre numéro de téléphone portable pour tout à la fois vous identifier, vous informer, vous alerter et vous solliciter ; que vous acceptiez d’afficher ce même numéro de portable sur le pare-brise de votre véhicule en permanence pour pouvoir vous garer en double file n’importe où et être appelé n’importe quand par le propriétaire du véhicule que vous bloquez.
Bref, une société où vous votre espace privé en serait réduit à sa plus petite expression, en échange de quoi vous pourriez acheter un écran plat dernier cri en un clic de souris et être livré dans l’heure qui suit. Une société plus simple, mais au prix d’une réduction des libertés individuelles argumentai-je lors d’une discussion avec un journaliste coréen longtemps correspondant à Paris qui fut étonné de ma remarque:
« A Paris, quand je tombais malade, je devais appeler le cabinet de mon docteur pour tomber sur le secrétariat, lorsque ça n’était pas le répondeur, qui me donnait rendez-vous pour une consultation trois jours plus tard. J’étais malade, mais je ne pouvais pas me soigner tout de suite : vous appelez ça un monde plus libre vous ? En Corée, j’ai le portable de mon médecin que j’appelle à toute heure et qui s’occupe de moi tout de suite. »
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