Le meilleur des mondes

 

En Corée, toute avancée technologique est vécue d’abord comme un progrès pour la société et accueillie favorablement, quand ça n’est pas dans l’enthousiasme général.

Ainsi la multiplication des caméras de surveillance dans les espaces publics est avant tout perçue comme une formidable avancée sociale. Car être filmé partout et tout le temps permet de rendre le trajet des enfants jusqu’à l’école plus sûr. Si bien que pendant que certaines capitales européennes s’en cachent, la ville de Seoul fait au contraire la promotion de ses caméras en mettant à disposition un centre d’appel dédié au renseignement de ces trajets les mieux surveillés.

Vivre dans une ville filmée partout et en permanence permet également à l’auteur de ces lignes de bénéficier d’un service de navigation GPS couplé à une base de données de l’état des lieux de la circulation en temps réel, grâce aux milliers d’yeux qui surveillent en permanence les artères de Seoul. Quel que soit le trajet, ce service m’indique donc le trajet le plus court en intégrant l’état du trafic en temps réel et une estimation de mon heure d’arrivée à la minute près.

Voilà en deux exemples l’idée que les Coréens se font d’un monde meilleur : il s’agirait pour eux d’un monde plus simple, efficace et rapide ; un monde plus confortable et sûr, où chacun serait libre d’avoir accès à tout biens et services n’importe où, tout le temps. Mais pour que ce système marche, il faut en retour que chacun puisse se rendre disponible et accessible ; que toute société de prestation de services puisse vous identifier à partir de votre numéro de sécurité sociale, ou que votre banque puisse utiliser votre numéro de téléphone portable pour tout  à la fois vous identifier, vous informer, vous alerter et vous solliciter ; que vous acceptiez d’afficher ce même numéro de portable sur le pare-brise de votre véhicule en permanence pour pouvoir vous garer en double file n’importe où et être appelé n’importe quand par le propriétaire du véhicule que vous bloquez.

Bref, une société où vous votre espace privé en serait réduit à sa plus petite expression, en échange de quoi vous pourriez acheter un écran plat dernier cri en un clic de souris et être livré dans l’heure qui suit. Une société plus simple, mais au prix d’une réduction des libertés individuelles argumentai-je lors d’une discussion avec un journaliste coréen longtemps correspondant à Paris qui fut étonné de ma remarque:

« A Paris, quand je tombais malade, je devais appeler le cabinet de mon docteur pour tomber sur le secrétariat, lorsque ça n’était pas le répondeur, qui me donnait rendez-vous pour une consultation trois jours plus tard. J’étais malade, mais je ne pouvais pas me soigner tout de suite : vous appelez ça un monde plus libre vous ? En Corée, j’ai le portable de mon médecin que j’appelle à toute heure et qui s’occupe de moi tout de suite. »

2 commentaires pour “Le meilleur des mondes”

  1. C’est assez amusant d’ailleurs de voir que les Coréens aiment vivre dans cette environnement ultra-surveillé, alors que d’un autre côté certaines règles basiques de sécurité ne sont pas respectées. Typiquement, peu de gens attachent leurs ceintures alors que par contre tout le monde se barricade chez lui ^ ^

  2. Pour le dernier commentaire, je suis ……
    En France quand j’etais malade et que je ne pouvais pas me deplacer, le docteur est toujours venu chez moi me soigner.
    En Coree, ca fait 10 que j’y habite, le jour ou un docteur viendra se deplacer chez moi ou n’importe qui pour le soigner, disons que les poules auront des dents.

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