Undercover

p106 - MAMORU MIYAZAWA - AW2006-07 - BBV GURUGURU

 

Nom majeur de la mode en termes de créativité, Undercover a déjà vingt-cinq ans d’existence. De ses débuts à Harajuku à ses défilés désormais parisiens, le parcours de Jun Takahashi est flamboyant.

Édité chez Rizzoli avec une préface de Suzy Menkes, un ouvrage retrace ces années d’un parcours étonnant. Jun Takahashi suit les cours de la Bunka* à partir de 1988, en deuxième ou troisième année de cursus déjà il imagine et crée son label : Undercover (1990). C’est avec des tee-shirts qu’il débute dans le quartier d’Harajuku déjà prisé des jeunes et haut lieu d’une fashion galaxy aux accents kawai. En 1993 il fonde la boutique Nowhere avec Nigo (le créateur de Bathing Ape qui signe son streetwear d’une effigie de singe en référence à la planète), un vrai espace de création avec un côté grunge, notion souvent associée à Undercover. Une de ses premières collections intitulée Speed ou Last Show en 95-96 rendait hommage à Kurt Cobain et utilisait une association de cuir et latex dans une déstructure grunge.

p192 - AZIM HAIDARYAN - 2013 FALL:HOLIDAY - NIKE X UNDERCOVER GYAKUSOU

Jun Takahashi cite deux références en mode qui ont motivé son choix de carrière, Comme des garçons évidemment et Martin Margiela dont il dit : « J’ai ressenti que ma façon de penser était validée ». Il construit et déconstruit dans le sillage d’une mode radicale et hyper créative. L’humour est souvent présent, son moto est « We make noise not clothes ». Il s’intéresse à l’art et souvent ses collections composent des passerelles avec des artistes du passé ou vivants. Il a débuté avec la mode féminine, une voie où plus de libertés sont autorisées et où il peut assumer un goût pour les rubans, la dentelle, mais évidemment pas traités classiquement.

P226-7 - KATSUHIDE MORIMOTO - 2006 - GRACE

Il papillonne aussi en dehors de la mode avec différents projets ainsi Underman avec Tetsuya Nagato et le photographe Katsuhide Morimoto. Ils ont imaginé un anti héros dont l’objectif est de « secourir les âmes de ceux qui les ont perdues, volées par les forces du mal. »

 

À ses débuts Jun Takahashi présente à Tokyo en défilés ou parfois simplement au moyen d’installations ou de séries de photos. Chaque collection choisit un thème décliné en moult variations. En 1996 une collection à l’allure de fin du monde aux réminiscences guerrières et peuplée de zombies. En 1996-97 un motif de barbelés définit la collection. En 1998, Drape travaille les effets de style sous forme de drapés. En 1998-99 sa collection Exchange joue sur la notion de vêtement en kit avec options de manches, de cols qui s’attachent et se détachent au moyen de zips. En 1999, il retraduit à sa façon la notion japonaise d’atari, l’usure sur des vêtements notamment sur l’indigo. Il transpose l’effet en trompe-l’oeil en jouant sur les dégradés de couleurs. Spectaculaire collection Melting pot en 2000-2001 avec motifs floraux et tartans se prolongeant en maquillage pour un total look de la tête aux pieds.

p062 - MAMORU MIYAZAWA AW2000-01 - MELTING POT

Après Tokyo, il choisit de défiler à Paris où il débute en 2002 avec SCAB ; un côté patchwork, des fils en suspension, vêtements suturés dans un esprit destroy et un final « burqa ». En 2003-2004 Paper doll s’inspire de poupées en papier avec un jeu d’attaches où le velcro singe les petites languettes de carton à plier. Parodie de la mode avec des accessoires aussi scratchés. But Beautiful en 2004-2005, un collage, assemblage d’éléments aux coutures rapiécées.

p089 - KATSUHIDE MORIMOTO - AW2004 -2005 BUT BEAUTIFUL

Arts and crafts en 2005-2006 met en avant un motif de têtes de mort découpées au laser. En 2006, T en hommage au rock. 2006-2007, BBV Guruguru englobe, enroule la silhouette oblitérée de tissu. 2012 Openstrings mixe en pièces uniques différents éléments dans un esprit de collage. 2013-14 Anatomic couture, accumulation de cols, de rubans, têtes de « lapins » et motifs corporels (yeux, bouches…). 2014 Cold blood avec le choix de têtes couronnées, yeux rougis, et en imprimé, une oeuvre de Markus Akessonn, The woods. Une superbe royauté en décadence baroque. 2015 Pretty hate bird, des femmes oiseaux somptueuses. Hurt 2015 avatars de visages déformés par des masques en transparence, détails fragmentés, coupures, cassures, éclats et motif imprimé avec l’oeuvre de Michael Borremans.

p166-7 - MARCIO MADEIRA - AW2015-16 - HURT

 

L’ouvrage permet une plongée dans vingt-cinq ans de création où chaque défilé compose avec brio un univers particulier. Les choix de présentation, toujours très travaillés, participent à la perception d’un art total, mais la réussite majeure est que le vêtement conserve sa fonction première, celle d’être « à porter ». Undercover, sans conteste un des talents majeurs de la mode aujourd’hui.

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C Mamoru Miyazawa

C Azim Haidaryan

C Katsuhide Moritomo

C Mamoru Miyazawa

C Katsuhide Moritomo

C Marcio Madeira

C Katsuhide Moritomo

 

*La Bunka Fashion College à Tokyo est une école de mode réputée. Parmi les diplômés les plus illustres : Kenzo, Yohji Yamamoto, Junya Watanabe, Hiroko Koshino, Chisato Tsumori…

 

 

 

 

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Disparition de Sonia Rykiel

 

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Véritable institution de la mode, Sonia Rykiel en a bouleversé tranquillement et intelligemment les codes. Elle a inventé la « démode », a imaginé de mettre les coutures à l’envers, elle a habillé une vraie Parisienne avec désinvolture, audace, imposant une élégante silhouette fluide en maille. Elle a aussi créé un code couleurs multicolore, signature remarquée et combien souvent imitée. Silhouette de rousse flamboyante, elle a su insuffler l’esprit de Saint-Germain-des-Prés à la mode. Curieuse, attentive à la culture, aux livres, elle les dévorait et invitait ses coups de coeur dans les vitrines de sa boutique phare.

Si Sonia Rykiel n’avait pas existé sans doute ne me serais-je jamais intéressée à la mode. Elle fut mon Styx où je me plongeai avec délices quand je découvris dans les années 70 son style. Les chiffons qui me semblaient signe d’une superficialité et d’une féminité sans cerveau m’apparurent dans un nouvel éclairage. La mode pouvait être « intelligente ». Je demeurais impressionnée par un total look en maille avec les fameuses coutures à l’envers qui bousculait les codes d’une mode trop classique. Inaccessible financièrement à l’époque, cette rencontre visuelle fut sans doute à l’origine de la passion qui m’anima quelques années plus tard… Les hasards de la vie m’ont permis de la rencontrer, de l’interviewer plusieurs fois et de partager une esquisse d’amitié avec échange de livres. Sonia Rykiel me fit aussi le cadeau de dessiner (elle avait un sacré talent pour croquer les silhouettes) des ours délicieux pour Faux Q. C’est par quelques lignes touchantes publiées par son fils Jean-Philippe que j’apprends avec tristesse son décès. La reine du tricot n’est plus, je garderai en mémoire ses yeux ourlés et assombris de noir, sa chevelure flamboyante où se dessinaient des vagues en ondulations, ses robes noires et un sourire mélancolique aux réminiscences canailles.

C’est dans le XIVe arrondissement qu’elle débute dans la boutique de son mari Sam dont elle prend le nom, Rykiel. Elle commence dès les années 60 par des petits pulls et est vite remarquée par la singularité de ses modèles. Baptisée reine du tricot, elle s’amuse, joue de trompe-l’oeil. Elle invente une féminité parfaitement en phase avec la femme active, indépendante, de son époque. Elle bouscule les codes, elle invente, elle construit et déconstruit. Elle voit la beauté des coutures et décide de rendre visible ce qui était caché. Et l’ourlet, pour quoi faire ? Elle s’essaye au bord franc avec succès. Sa mode devient une sorte de philosophie, elle parle et (d)écrit la démode. Sa marque prend de l’élan, elle devient une référence internationale. Dominique Issermann signe ses pubs et de magnifiques portraits, en noir et blanc. Paris par elle rayonne. Quand sur les coulisses de la mode parisienne Robert Altman réalise Prêt-à-porter en 1994, elle est une, si pas la, figure majeure du film. Ses défilés sont toujours enjoués, elle demande aux filles de sourire et le final est joyeux, bande de mannequins qui expriment la joie de vivre.

Pour ses 40 ans de mode et sous l’instigation de sa fille Nathalie, un extraordinaire défile est organisé ou, en plus de sa collection, un hommage lui est rendu via les créations de 40 créateurs qui réalisent des tenues dans l’esprit Rykiel avec tendresse, admiration et aussi humour.

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Ses dernières années ont été marquées par une lutte courageuse contre la maladie, celle qu’elle nommait P de P, la putain de Parkinson.

Sonia Rykiel restera un jalon majeur dans l’histoire de la mode française entrée dans l’ère du prêt-à-porter dont elle est la pionnière.

 

 

Dans “N’oubliez pas que je joue”, elle écrit :

« J’ai vécu quarante ans dans une absolue inconscience.

Artificielle, maquillée, inventée.

Personnage principal du film qui se tramait autour de moi, j’ai joué tous les rôles, j’ai parcouru le monde, j’aimais la vie, le plaisir.

J’adorais sortir, écrire, créer, j’étais heureuse (très heureuse)…”

 

 

 

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Lancôme / Sonia Rykiel

 

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L’esprit de Saint-Germain-des-Prés flotte sur une collection de maquillage Lancôme via une collaboration avec Sonia Rykiel et un code couleurs tout en rayures. Un nouvel épisode mode et beauté qui continue une jolie saga : Alber Elbaz, Anthony Vaccarello, Jason Wu, Proenza Schouler…

Si le nom de Sonia Rykiel est associé à différentes inventions comme les coutures à l’envers, la démode,… une des signatures visuelles de la marque est l’utilisation des rayures de couleurs, baptisées « multico ».*

Sous l’impulsion de Julie de Libran qui signe aujourd’hui les collections Rykiel, les rayures pour Lancôme ont été déclinées dans une gamme bleu, rouge, rose, blanc et kaki. Pour compléter la partie visuelle, André a dessiné l’univers des produits en petits croquis : une bouche, un œil, une tasse de café, un cœur, un crayon mais aussi un livre, très rive gauche et plus que jamais présent dans la boutique Rykiel du boulevard Saint-Germain. Lisa Eldridge a signé les couleurs de la collection de produits portés par les mannequins Daria Werbowy et Alma Jodorowsky.

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Un crayon pour écrire pourquoi pas au Flore où Sonia Rykiel a une table dédiée. Pour le regard, deux palettes Parisian Spirit dans un camaïeu rose, prune et Saint-Germain, bleu nuit, gris et kaki.

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Parisian Lips, un crayon à deux embouts, avec deux textures, une mate, crémeuse et l’autre brillante. Quatre couleurs : French Baiser, Parisian Audace, Parisian Spirit, French sourire et deux décors.

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Miracle Cushion également en deux boitiers ainsi qu’une édition de deux Cushion Blush, Sorbet rose et Splash Coral. Et, parmi les vernis à ongles, les couleurs des rayures : Café Philo pour le kaki et Café blanc pour le blanc. Ludique, une très jolie collection haute en couleurs sous un habit de zèbre dans un esprit Rive gauche.

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*Sur la propriété des rayures Rykiel

La rayure « multico » est une signature Sonia Rykiel

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Au nom du sac

 

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Nés anonymes, les sacs reçurent progressivement un nom de baptême. Fruit du hasard d’une rencontre réussie avec une personnalité ou choix réfléchi et calculé d’un marketing qui guigne le it bag, les sacs portent désormais des noms. Souvent en lien avec l’univers des marques, ces appellations participent à une part de rêve relativement accessible. Mais, vu la multiplication des modèles et la prolifération des noms, le sujet va devenir un véritable casse-tête.

 

Nés sans noms, les sacs portaient juste des appellations génériques eu égard à leur forme et à leur utilisation : besace, minaudière,… Le terme de sac est originaire du latin, saccus, la bourse… À partir de vêtements sans poches, les bourses firent leur apparition, portées indifféremment par les deux sexes. Avec le temps, les sacs évoluèrent, se remplirent et se décorèrent, apanage d’une féminité qui se montre. Associé à la femme, le sac peut être la cristallisation de l’opprobre de féministes qui considèrent que, par son contenu notamment en accessoires de beauté, il est symbole d’asservissement d’une femme quasi objet.

Avec l’évolution de la maroquinerie, le cuir devient la matière noble. Les sacs de jour, pratiques sont grands tandis que les formats du soir se réduisent au strict minimum.

La dénomination de sac à main est apparue au XXe siècle. Dans la maroquinerie, quelques grandes maisons sont devenues mythiques : Goyard, 1792 ; Delvaux, 1829 ; Hermès, 1837 ; Vuitton, 1854 ; Gucci, 1921 ; Bottega Veneta, 1966 … Mais, face à l’engouement pour les accessoires, toutes les maisons de mode ont développé avec succès le pôle sac, très rentable, objet de toutes les convoitises surtout quand certains modèles obtiennent le statut envié de « it bag ». Aujourd’hui un complexe travail de marketing fait que de nombreux sacs sortent de l’anonymat et sont lancés avec un nom. Dans cette nouvelle typologie du sac certaines pistes sont plus courues que d’autres.

 

 

L’esprit du lieu

Noms de villes, artères iconiques, places mythiques accolent aux sacs le patrimoine géographique des maisons de mode autour des lieux d’origine choisis par les couturiers fondateurs. Ces adresses, parfois mythiques, participent à l’univers des marques. En écho à sa boutique installée rue Cambon depuis 1921, Chanel a choisi de baptiser un modèle Cambon. Pour Dior, c’est Montaigne, l’avenue où s’établit la maison de couture. L’histoire raconte que Christian Dior ramassa une bonne étoile et décida de créer sa maison… Mais c’est aussi Granville en hommage à la villa que le couturier a habité et qui abrite aujourd’hui le musée Christian Dior. Vuitton voyage, mais n’oublie pas Paris avec l’utilisation de noms de quartiers : Odéon, Sèvres, Alma et Pont Neuf , aussi adresse de la maison. Retour à l’esprit prêt-à-porter pour Yves Saint Laurent avec son New Rive Gauche, mais aussi un Downtown. Rues, quartiers ou villes, l’espace géographique étend son empire sur les sacs. Balenciaga demeure général avec City (devenu Classic) et Town. En Italie, Fendi a élu Firenze tandis que Cavalli rend hommage à la ville et à son savoir-faire en français : Florence. Sicily pour Dolce & Gabbana et leurs liens avec l’île. Paris est toujours Paris, mais ne se dépose pas seul (une ville ne peut pas appartenir à une marque), il y a des modèles chez Lamarthe, Furla… So British pour Kate Moss qui investit son pays pour Longchamp : Gloucester, Glastonbury, Ladbroke. Phoebe Philo pour Chloé a choisi le quartier de Paddington. Anglomania aussi pour Gerard Darel avec Westbourne et Elgin (même si le Lord est plus connu que la ville). Exotisme avec le Portofino de Lamarthe, le Palm Spring de Vuitton, l’Amazona de Loewe, le Boston de Chanel,… L’incroyable Copacabana de Shiro Kuramata se dessine en étages tandis que Furla se projette en Supernova et transporte vers des galaxies étoilées. Synonymes d’évasion, les noms des sacs partent en voyage.

 

Des chiffres et des lettres

Pas de calculs mathématiques, mais des références à des dates, à des adresses pour sélectionner des chiffres quasi martingales. Plus symboliques qu’hermétiques, les nombres se multiplient. Le 2.55 de Chanel se réfère à sa naissance en février 1955, mais le matelassé rectangulaire muni d’une chaînette en métal n’a été chiffré qu’en 2005, bien après sa naissance. Imaginé par Karl Lagerfeld dans les années 80, le Timeless est proche par sa forme du 2.55 mais ajoute le double C en fermoir. Né en 1998, le 2005 de Chanel demeure un mythe d’audace futuriste malgré une destinée météorique. 2 pour 2 ans avant l’an 2000, 00 l’indicatif international et 5, chiffre fétiche de Chanel ! « Bodyfriendly », il cultive le paradoxe d’allier courbes sensuelles et technologie de moulage de coques en polyéthylène.

Bag Chanel 2005

Le Dix de Balenciaga renvoie au numéro de l’avenue George V où était située la maison. D’abord parfum, le Dix fut le choix d’Alexander Wang pour son nouveau sac, sobre et classique. 440 pour Diane de Furstenberg, le numéro de l’adresse de son studio à New York Des lettres renvoient à des noms, mais parfois ne sont comprises que des initiés ou des branchés au fait de tous les people du moment ainsi SC (Sofia Coppola) pour Vuitton. Plus simple est le choix des initiales, les PS1 et PS11 pour Proenza Schouler ou le Double T de Tod’s avec fermoir à lettres. Grand huit pour Lancel. 3.1 de Phillip Lim. Mesure du temps avec le 24 heures de Gerard Darel. Et vite avec ASSAP de Nina Ricci. À la mode avec les imprimantes, le terme 3D qualifie un Longchamp, cabas en bandoulière et désigne l’ancien Forget me not de Dior. Cernés de noir, les 3D Jump From Paper donnent l’impression d’un relief en trompe-l’oeil. Des chiffres et des lettres, formulations elliptiques, mystères pour délits d’initiés.

 

Personnalités et nobody

Porté par une princesse, un sac Hermès s’est métamorphosé en mythe. Mariée à Monaco, l’élégante Grace Kelly arbore un sac issu du modèle « Haut à courroie » à l’époque où, enceinte et jeune mariée, elle était très photographiée. Surnommé Kelly en 1956, il est aujourd’hui aussi So Kelly dans un format plus vertical. Fruit d’une sympathique rencontre entre Jane Birkin qui n’a pas le sac de ses rêves et Jean-Louis Dumas, le Birkin est lui né en 1984. Jackie O (ex Kennedy) découvre en 1964 un sac Gucci créé en 1955, elle en commande plusieurs et son nom en deviendra la référence.

jacqueline-kennedy-Gucci-TheGoldenStyle

Relooké, il sera revisité en New Jackie par Frida Giannini. Diana princesse de Galles portait un sac Dior, un Lady Di(or) avec la fusion heureuse des deux syllabes initiales en 1995.

Lady Dior as seen by Olympia Scarry

Chez Boss, un Romy, grand sac façon mallette de docteur. Chante Angie chez Chloé. Ralph Lauren a choisi son épouse Ricky avec un Ricky Bag, Soft Ricky et Ricky Drawstring. Monica ( Belluci ?) pour Dolce & Gabbana et leur italianité. Quelques références littéraires et cinématographiques s’invitent parfois : Gilda pour Marc Jacobs, Justine, héroïne de Sade pour Sonia Rykiel. Les vedettes sont de la partie : Bardot et Adjani pour Lancel, Rossellini pour Bulgari, Miss D (Deneuve) pour Roger Vivier… Entre stars et personnalités issues du mannequinat, du stylisme, les people occupent le terrain. Stam (Jessica) de Marc Jacobs, Alexa (Chung) pour Mulberry, Euge (Eugénie Niarchos) et LSD (Lauren Santo Domingo) chez Missoni ! Le choix des prénoms induit une proximité où le sac est perçu, considéré comme un ami. À l’opposé du choix de la féminité, Jérôme Dreyfuss et Lancel ont choisi avec humour des prénoms masculins pour sortir au bras d’un Gilbert, Lucien, Billy ou avec Charlie, Sam, Jules… Avec son sac en toile graffité de « Karl Who », Naco a joué sur l’humour, son sac n’a pas de nom, mais porte un prénom connu des fashionistas. Porté par Karl Lagerfeld himself, le sac est devenu iconique.

Sac Naco

 

Formes

La forme du sac peut aussi être à l’origine logique de sa terminologie. Humour et détournement d’objets pour Schiaparelli qui imagine Lanterne, Réverbère, Téléphone, Piano… Pour Nina Ricci, Christian Astuguevieille reprit l’idée de sacs objets. Dans les années 20 Hermès crée un sac de portière pour une voiture Bugatti, ce sac se nommait comme l’automobile, Torpedo. En 1982 Hermès modifie le sac et le nomme, en hommage, Bugatti mais finalement le sac sera rebaptisé Bolide en 1994. Allongé, le Baguette de Fendi fait penser à la forme du pain français. Né en 1997, ce « it bag » eut son heure de gloire dans Sex and the city et demeure un classique revisité chaque saison.

Bag Fendi 14

Chez Dior, un sac fut baptisé Cadillac reprenant le motif d’une plaque minéralogique sur laquelle figure le début du prénom du couturier, CHRIS et une date, celle de la naissance de la maison en 1947. Le Puzzle de Loewe assemble les morceaux. Le Trapèze de Céline joue l’épure géométrique. Le Saddle de Dior est remis en selle par John Galliano. Tod’s a imaginé (hiver 2013-14) Sella en référence au monde équestre avec une forme évoquant la selle et des pièces métalliques façon mors. Le sac Inro de Nathalie Hambro revisite la forme japonaise. Le long Bowling devient un classique chez Prada, Galliano, Comme des garçons, Mugler… Bao Bao (Issey Miyake) fait penser à baobab en sonorité, c’est un petit sac qui joue sur les formes géométriques et se plie astucieusement en assemblage de facettes.

Bag Bao Bao 15

Prismik de Roger Vivier joue aussi le découpage en formes géométriques depuis 2012 et a ajouté une version ZigZag. Sacs seaux en forme pour Dolce & Gabbana. Et pour dormir une forme quasi d’oreiller : Polochon de Dior et Pillow bag de Julien David. Le Barrel de Burberry évoque une petite forme de barrique, tonnelet. Le Wave bag de Tod’s ondule. Le Bamboo de Gucci (1947) arbore le nom du matériau de son anse en bambou courbé, New Bamboo en est la nouvelle version. Des allusions concrètes ou alors pures abstractions géométriques, les sacs sont en formes.

 

Autour du nom

S’il y a des familles de noms qui suivent une certaine logique, et jouent une directe filiation avec leurs marques ainsi

Diorama de Dior, le Pierre de Balmain (prénom du couturier) ou encore Dolce qui reprend un des noms du duo italien, mais aussi un de leurs parfums. Le Betty de Saint Laurent (période Slimane) rend hommage à Betty Catroux, muse du couturier avec coins repliés façon Rive gauche. Candide de Zadig & Voltaire joue la logique littéraire. Boy de Chanel fait allusion à un passage de la vie de Coco Chanel et son grand amour, Arthur Capel dit Boy, le nom joue aussi sur l’ambiguïté du genre. Chez Saint Laurent, un des sacs avec pompons se nomme Opium, écho au parfum et à ses codes orientalistes. Pour Viktor & Rolf, le lien se fait avec leurs parfums à succès où le terme bomb figure (Flowerbomb et Spicebomb) et se retrouve dans leur Bombette Bag.

 

Méli mélo

Fantaisie et humour sont aussi parfois de mise. Au début du siècle Vuitton empruntait la vague orientaliste avec Louqsor, Alexandrie… Exotisme du Mombasa d’Yves Saint Laurent période Tom Ford signé d’une anse en corne. L’Italie en sacs pour Roberta di Camerino : Casanova, Postiglione et son plus célèbre : Bagonghi. Chez Hermès : Piano, Fabiola, Bolide, Pullman,… Chez Vuitton : Keepall, Speedy, Twist, Neverfull,… Chez Céline : Boogie, Verdine, Poulbot… Domino de Rykiel. Sake de Mandarina Duck. Premier flirt de Lancel. Portrait de Bill Amberg. Tsarina de Mulberry. Trinity de Cartier. Avec une forme de calandre de voiture, Muse est un modèle créé chez Yves Saint Laurent et revisité par Stefano Pilati qui lui donne son nom. Fermés de cadenas, le Lock Bag de Valentino ou le Lady Lock de Gucci. Nightingale de Givenchy plus rossignol que Florence. Duffle Bag de Saint Laurent, sac imposant, a enlevé le coat pour mettre le bag. Varenne de Lancel, pas en fuite. Le Collège de Saint Laurent va à l’école. Pandora et Pandora Box de Givenchy, modèles très géométriques en hommage aux lignes épurées de Gio Ponti, pour ouvrir la boite de Pandore. Weekender de Vuitton pour prendre la mesure du temps de l’escapade.

Book Accessoires Femme PE 2008 - Look 02 : Weekender GM (48,5 x 31 x 18,5 cm) en Toile Monogram Pulp jaune - Vue de 3/4

Icare donne des ailes à Vuitton. Too hot to handle de Marc by Marc Jacobs… là véritable succès avec un nom amusant.

Les fortunes des noms sont et seront diverses avec des carrières souvent éphémères. Ce qui fait le it bag, c’est aussi la main qui le porte, les marques n’hésitent pas à offrir leurs sacs à tour de bras. S’ils sont vus avec des people qui ont le buzz en poupe, les ventes peuvent décoller. C’est la part visible et émergente du monde d’aujourd’hui où créativité et qualités ont souvent moins d’importance que l’affichage au bras d’une vedette qu’elle soit star de cinéma, vedette de la télé-réalité ou même youtubeuse de renom. Désormais Saint Instagram veille sur le destin des sacs.

Les modes passent et les sacs parfois trépassent. Si le nom participe à l’histoire et à la mémoire d’un sac, il ne peut faire à lui seul son succès.

 

 

À partir d’un texte publié dans le catalogue de l’exposition Bagism au K11 de Shanghai.

Sacs de l’exposition de Shanghai.

Vue de l’exposition

  • 2005 de Chanel
  • Jackie O
  • Lady Di revisité par Olympia Scarry, The lady has arrived.
  • Sacs Karl Who Naco
  • Fendi Sac Baguette customisé par Rihanna
  • Bao Bao (Miyake) Lucent Prograffiti
  • Weekender de Vuitton avec Richard Prince

 

 

 

 

 

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Issey Miyake

 

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À Tokyo, l’exposition consacrée à Issey Miyake a donné à voir toute la richesse créative de son oeuvre. Originalité, audace, mais aussi technologie. Des vêtements d’exception côtoient la simplicité et l’universalité du plissé réinventé par Pleats Please. Exposition magistrale, elle permet de mesurer l’importance d’Issey Miyake dans l’histoire de la mode contemporaine. D’hier à aujourd’hui, une oeuvre sans cesse tournée vers l’avenir et la création.

 

L’exposition se subdivisait en trois sections.

1° Le début autour des années 70.

2° Body, autour du corps, un double dialogue entre le corps et son enveloppe ainsi qu’entre Orient et Occident.

3° L’innovation avec Pleats Please et A-POC, technologies présentes avec leurs machines.

 

Vers la mode

Après des études d’art au Japon, Issey Miyake voyage. En France, il travaille auprès de Givenchy et de Guy Laroche, mais Paris est encore un peu à l’ère de la couture. Après un passage chez Geoffrey Beene aux U.S.A. pù il découvre aussi une mode « grand public », il retourne au Japon et opte pour la mode. Une voie passionnante se dessine déjà avec le titre de son premier ouvrage : « East meets West ».

Quand Diana Vreeland parlait de lui dans la préface, elle disait : « Issey est homme de nombreuses inspirations et un vrai fils de son pays qu’il aime profondément. Il aime le mysticisme des fables japonaises, la culture japonaise, sa justesse et son sens de la qualité. Il considère que le kimono est un vêtement parfait ; mais aujourd’hui réservé seulement aux festivals. ». À ses débuts, le créateur a exploré des techniques artisanales et les a intégrées à sa mode ainsi l’utilisation du papier japonais, washi ; du papier huilé, aburagami (1984) ou encore du shibori (technique de tie and dye par ligature du tissu, par noeud). La forme des lanternes traditionnelles peut aussi ressurgir dans ses robes lampions.

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Le corps

Si l’approche japonaise globale du vêtement dans sa relation avec le corps est fondamentalement différente de l’Occident par une mise à distance (un espace est créé par le port du kimono), Issey Miyake a sans cesse interrogé cette notion. Avec ses vêtements tatouages (Tattoo 1970), le vêtement est seconde peau. Tribalité, mais aussi fusion Orient-Occident avec le choix de figures de la culture musicale : Janis Joplin et Jimi Hendrix.

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Avec son bustier en FRP (fiber reinforced plastic) moulé de 1980-81, le « vêtement » se superpose dans une vision idéalisée d’un corps sublimé.

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Cette illusion matérialisée du corps, Plastic Body, a été immortalisé par Robert Mapplethorpe sur le corps de Lisa Lyon. En 1981 carapace de bambou, Rattan body via l’artisanat met le corps à distance, en cage.

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« Rien ne me donne plus de joie que travailler avec le corps et le vêtement en même temps. » Chez Miyake, le vêtement demeure vêtement, même s’il répond au mouvement du corps. Dès le départ, le vêtement est juste une simplification extrême, a piece of cloth, une pièce de tissu plus bras. Plus tard le concept deviendra A- POC, vêtement sans couture né d’un tissage tubulaire pré-découpé. Créative, la mode de Miyake est aussi en quête de minimalisme. « Peeling away to the limit » disait déjà Arata Isozaki à son propos.

 

Technologie

Recherche technologique pour découvrir un tissu pratique d’entretien, confortable et atteindre à une forme d’universalité ? Pari réussi avec le plissé permanent des Pleats Please nés en 1988. Ces vêtements, aussi parfaits pour le mouvement, sont mis en chorégraphie par William Forsythe dans Loss of small Detail en 1993. Idéal pour la femme active, pour l’artiste, les plissés peuvent ajouter aussi l’humour d’imprimés ainsi que dans des campagne de pub particulièrement poétiques et drôles (la série des animaux, des fleurs, des sushis…). Un savant jeu de 2D se transforme en 3D par la pose sur le corps. Techniquement, le vêtement est d’abord conçu, avant de passer à la presse où il est rétréci et devient plissé permanent (facile d’entretien). « Faire des vêtements que tout le monde puisse porter cela signifie faire des vêtements pour les gens qui vivent avec nous, les gens de notre époque. Je veux faire des vêtements pour tout le monde. Je ne désire pas que tout le mode porte mes vêtements, mais je souhaite que tous ceux qui ont envie de les porter puissent le faire naturellement. »

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Les plissés ont aussi joué la carte de l’art avec les Art series. D’abord une collaboration avec Yasumasa Morimura et son magnifique travail sur La Source d’Ingres en y mêlant son corps. Nobuyoshi Araki en fleurs et avec un portrait de femme. Tim Hawkinson avec un motif d’oeil et une stylisation de corps. Cai Guo-Qiang lui mit en scène un motif issu de ses expériences sur le feu. Cette année une nouvelle collaboration a eu lieu avec l’oeuvre d’Ikko Tanaka, célèbre artiste graphique et le choix de trois motifs : Nihon Buyo (1981), un hommage au 200ème anniversaire de Sharaku (1995) et Variations of Bold Symbols (1992).

Avec A-POC s’est dessinée une nouvelle page de création. Les lettres reprennent l’idée première du créateur avec « a piece of cloth » dans un procédé de fabrication visant à éliminer les chutes de tissus et leur perte. Un tubulaire pré-découpé dessinait en pointillé les modèles à découper aux ciseaux (au début par le client). Lors d’une première présentation en défilé, les mannequins, reliées les unes aux autres, formaient une incroyable chenille processionnelle.

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Avec 132 5, la science et les mathématiques jouent un grand rôle ainsi qu’une dimension écologique avec le choix de matériaux recyclés. Un travail mathématique sur le pliage, avec la collaboration de Jun Mitani et son travail sur « la modélisation des formes géométriques assistées par ordinateur ». Le choix du 1 pour a piece of cloth. 3, les 3 dimensions, résultat final quand le vêtement est déplié. 2 le pliage et retour en 2D à plat. 5 aller plus loin dans un nouvelle dimension et suggérer la métamorphose, la transformation.

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Rêve éveillé, une exposition magnifique qui mériterait de voyager et de venir à Paris…

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Photos de l’installation : Masaya Yoshimura.

Flying Saucer et N°10 Skirt. C Koji Udo

Tatoo Printemps été 1971 C Hiroshi Iwasaki

132 5 N°1 Dress C Hiroshi Iwasaki.

 

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