Nom majeur de la mode en termes de créativité, Undercover a déjà vingt-cinq ans d’existence. De ses débuts à Harajuku à ses défilés désormais parisiens, le parcours de Jun Takahashi est flamboyant.
Édité chez Rizzoli avec une préface de Suzy Menkes, un ouvrage retrace ces années d’un parcours étonnant. Jun Takahashi suit les cours de la Bunka* à partir de 1988, en deuxième ou troisième année de cursus déjà il imagine et crée son label : Undercover (1990). C’est avec des tee-shirts qu’il débute dans le quartier d’Harajuku déjà prisé des jeunes et haut lieu d’une fashion galaxy aux accents kawai. En 1993 il fonde la boutique Nowhere avec Nigo (le créateur de Bathing Ape qui signe son streetwear d’une effigie de singe en référence à la planète), un vrai espace de création avec un côté grunge, notion souvent associée à Undercover. Une de ses premières collections intitulée Speed ou Last Show en 95-96 rendait hommage à Kurt Cobain et utilisait une association de cuir et latex dans une déstructure grunge.
Jun Takahashi cite deux références en mode qui ont motivé son choix de carrière, Comme des garçons évidemment et Martin Margiela dont il dit : « J’ai ressenti que ma façon de penser était validée ». Il construit et déconstruit dans le sillage d’une mode radicale et hyper créative. L’humour est souvent présent, son moto est « We make noise not clothes ». Il s’intéresse à l’art et souvent ses collections composent des passerelles avec des artistes du passé ou vivants. Il a débuté avec la mode féminine, une voie où plus de libertés sont autorisées et où il peut assumer un goût pour les rubans, la dentelle, mais évidemment pas traités classiquement.
Il papillonne aussi en dehors de la mode avec différents projets ainsi Underman avec Tetsuya Nagato et le photographe Katsuhide Morimoto. Ils ont imaginé un anti héros dont l’objectif est de « secourir les âmes de ceux qui les ont perdues, volées par les forces du mal. »
À ses débuts Jun Takahashi présente à Tokyo en défilés ou parfois simplement au moyen d’installations ou de séries de photos. Chaque collection choisit un thème décliné en moult variations. En 1996 une collection à l’allure de fin du monde aux réminiscences guerrières et peuplée de zombies. En 1996-97 un motif de barbelés définit la collection. En 1998, Drape travaille les effets de style sous forme de drapés. En 1998-99 sa collection Exchange joue sur la notion de vêtement en kit avec options de manches, de cols qui s’attachent et se détachent au moyen de zips. En 1999, il retraduit à sa façon la notion japonaise d’atari, l’usure sur des vêtements notamment sur l’indigo. Il transpose l’effet en trompe-l’oeil en jouant sur les dégradés de couleurs. Spectaculaire collection Melting pot en 2000-2001 avec motifs floraux et tartans se prolongeant en maquillage pour un total look de la tête aux pieds.
Après Tokyo, il choisit de défiler à Paris où il débute en 2002 avec SCAB ; un côté patchwork, des fils en suspension, vêtements suturés dans un esprit destroy et un final « burqa ». En 2003-2004 Paper doll s’inspire de poupées en papier avec un jeu d’attaches où le velcro singe les petites languettes de carton à plier. Parodie de la mode avec des accessoires aussi scratchés. But Beautiful en 2004-2005, un collage, assemblage d’éléments aux coutures rapiécées.
Arts and crafts en 2005-2006 met en avant un motif de têtes de mort découpées au laser. En 2006, T en hommage au rock. 2006-2007, BBV Guruguru englobe, enroule la silhouette oblitérée de tissu. 2012 Openstrings mixe en pièces uniques différents éléments dans un esprit de collage. 2013-14 Anatomic couture, accumulation de cols, de rubans, têtes de « lapins » et motifs corporels (yeux, bouches…). 2014 Cold blood avec le choix de têtes couronnées, yeux rougis, et en imprimé, une oeuvre de Markus Akessonn, The woods. Une superbe royauté en décadence baroque. 2015 Pretty hate bird, des femmes oiseaux somptueuses. Hurt 2015 avatars de visages déformés par des masques en transparence, détails fragmentés, coupures, cassures, éclats et motif imprimé avec l’oeuvre de Michael Borremans.
L’ouvrage permet une plongée dans vingt-cinq ans de création où chaque défilé compose avec brio un univers particulier. Les choix de présentation, toujours très travaillés, participent à la perception d’un art total, mais la réussite majeure est que le vêtement conserve sa fonction première, celle d’être « à porter ». Undercover, sans conteste un des talents majeurs de la mode aujourd’hui.
C Mamoru Miyazawa
C Azim Haidaryan
C Katsuhide Moritomo
C Mamoru Miyazawa
C Katsuhide Moritomo
C Marcio Madeira
C Katsuhide Moritomo
*La Bunka Fashion College à Tokyo est une école de mode réputée. Parmi les diplômés les plus illustres : Kenzo, Yohji Yamamoto, Junya Watanabe, Hiroko Koshino, Chisato Tsumori…