La collection artisanale de Martin Margiela demeure un univers à part et exquis en « haute couture ». Le choix de l’idée de « récupération » de matériaux existants, vintage ou neufs, flirte avec un temps passé repensé au présent. Le jeu d’assemblage donne une vie nouvelle à un vêtement, extrait de l’oubli. Paramètre aussi précieux pour donner la mesure du travail (petites mains), le nombre d’heures qu’a nécessité la création est indiqué. La classique oblitération du visage des mannequins recouverts d’une voilette à sequins ou d’un « masque » les plonge dans une forme d’anonymat. Au pied, une forme souvent revisitée avec des dérivés de tabi et geta. Cette saison le gant blanc (couleur fétiche MMM) ajoute-t-il une forme d’invisibilité, version blanche du kuroko ? À la découverte du passé, une broche de Line Vautrin et quelques uns de ses boutons jeux de mots : Maigre comme un clou, Haute comme la tour, Long comme une girafe… ; juste posés sur une chemise blanche.
Un manteau Paul Poiret , souvenir d’un costume de fête. Réinterprétation de Lampas style Louis XV. Broderies d’iris (du Japon à Van Gogh).
Broderie de homard, version démesurée en rouge et en bleu, esprit surréaliste es-tu là ? Non mais allo…
Un ballon en aluminium « I love you » brodé. Des « Souvenir bombers», retravaillés ; ces pièces du vêtement des soldats Américains en garnison au Japon étaient customisées en mémoire de leur passage. « To the best father…1949 Tokyo Japan ». Le même esprit de bombers mais en robe du soir avec des voiles brodés d’œufs de Fabergé.
Asymétrie (un bras, l’autre pas), patchworks d’imprimés, mais aussi broderies. Une collection dans le droit fil de la maison et toujours, au cœur de la couture, un espace atypique et poétique, bien à sa place.
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Rythmée, dynamique, la collection d’Alexandre Vauthier emporte les femmes sur un podium qui se traverse comme un passage pour piétons à vive allure. Si le monochrome est encore majeur, quelques imprimés, jouant sur l’opposition entre blanc et noir, construisent des graphismes projetant un esprit art déco vers un nouvel op art séduisant.
Le jaune clair, en fourrure poussin donne de la douceur ou s’effeuille en mille feuilles de mousseline.
De l’allure, de l’énergie, pour une femme qui avance, traverse la vi(ll)e à grands pas. Découpes de peaux (façon serpent) en dentelles (s)exquises où se dessine la chair, tentatrice.
Asymétrie ; une manche, l’autre pas.
Incrustation de perles pour joyeuses brillances.
Pour le jour, la silhouette joue souvent le pantalon, cigarette. No smoking ? Le soir en long avec robes à découpes géométriques et jeux de transparence. La femme Alexandre Vauthier est et sera sexy.
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Dans le décor sobre de l’oratoire de la rue Saint Honoré, la messe de la mode sera dite par Julien Fournié. Chic et élégance pour une collection sans ostentation intitulée Première Pulsion. Pour la palette des teintes : Otto Dix et pour un côté sombre et mystérieux, William Blake ? Simple et chic, la silhouette est enlevée avec élégance. Un jaune vif rebrodé d’arabesques noires.
La fantaisie géométrique d’une robe évasée en rayures bayadères roses…
Jeux de transparence pour chair cache-cache avec la dentelle.
Détails orientalistes. Un souffle de peinture et fusionnent une gestuelle à la Pollock et un héritage japonais.
L’obsession des fermetures très travaillées éclipse cette saison les zips et privilégie les boutons à pression.
Une part de lumière pour ensoleiller les ténèbres des « maléfiques » de Julien Fournié.
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Présentation atypique pour Stéphane Rolland qui propose, en guise de collection, un film. Intitulé L’échappée, le court métrage de Diane Sagnier conte la quête virtuelle d’un héros (Jalil Lespert) vers une femme (Nieves Alvarez) qui traverse Paris et porte les différents vêtements de la collection. Une vision entre noir et blanc et couleurs, Une jolie idée pour « casser le rythme répétitif » des collections dit le couturier. Travail sur les formes pour corps sculptés, jeux de velours, transparences audacieuses…
« J’ai joué avec la résille pour voiler et dévoiler le corps, sculpté le velours en suivant l’ergonomie, peint les corps à la façon d’un calligraphe japonais et ligoté le buste de milliers de chaînes d’or » le tout dans une harmonie de noir, blanc et rouges ponctués d’or. » sans oublier une présentation statique des modèles.
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Si Alexis Mabille a toujours joué de l’ambiguïté entre codes masculins et féminins, il cite en exergue cette saison Susan Sontag : « Le plus beau chez une femme féminine, c’est un peu de masculinité »…
Très féminine dans sa perception globale, sa collection joue le masculin par petites touches, une robe dérivée d’une chemise, un esprit smoking… Longues robes du soir, décolletés pigeonnants et tout un travail autour de dentelles où la chair se dessine.
Taille marquée. Subtil jeu de manches attachées dans le dos, volants, plissés, un poil de fourrure…
Robe fourreau vert empire sur corsage chair.
Broderie japonisante de branchage fleuri et oiseaux.
Une collection haute en couleurs.
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Deux lettres et un chiffre donnent le ton : H20. Le duo des On aura tout vu plonge dans un univers où l’eau passe du liquide au solide. Des créatures hybrides à fourreau en écailles de sirène sont là, naïades immobiles sur le podium, mystère. Des eaux sombres, noire surgissent robes, tailleurs, juste ponctués de cristaux. Des robes légères et vaporeuses, mousselines (e)au vent, imprimés de reflets aquatiques, jeux cristallins.
La fourrure douce et duveteuse se dessine en écume.
Le travail de broderies illumine la plupart des tenues. Silhouettes drapées. Jeux d’eaux et brillance Versailles. Éclaboussures légères. Détails de cristaux imposants, majestueux. Une ombrelle en cascade et des accessoires toujours humoristiques comme le sac masque et tuba.
Et comme le disait Donald Potard avec verve on peut les rebaptiser cette saison en « On aura tout bu ». Une collection fraîche et joyeuse, plongeon.
Photos J.-L. Coulombel
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Installé Place Vendôme dans un des lieux historiques de la maison, le nom de Schiaparelli revient sur le devant de la scène. L’Hôtel de Fontpertuis, au 21, abrite les nouveaux salons de couture et les bureaux. D’anciens objets de l’univers d’Elsa Schiaparelli et un éclectisme mâtiné de rencontres surréalistes recomposent un décor fantasque et original.
Après une première collection capsule de quelques modèles dessinée par Christian Lacroix en 2013, un directeur artistique a été choisi : Marco Zanini (précédemment chez Rochas). 60 ans se sont écoulés entre la fermeture de la maison par Elsa Schiaparelli et le renouveau avec la première collection couture présentée en janvier 2014 en tant que membre invité. Le challenge n’est pas simple, la haute couture n’est plus le secteur prédominant de la mode, mais demeure une vitrine magnifique tout en maintenant le flambeau d’un savoir faire d’exception. L’air du temps n’est pas non plus à la créativité débridée. Ce qu’a pu faire Elsa Schiaparelli en son temps n’est peut-être pas envisageable aujourd’hui. Il faut trouver le juste équilibre tout en gardant l’originalité indissociable de ce nom extraordinaire. Le travail des ateliers pour la première collection fut particulièrement remarquable et ce n’est sans doute que dans les salons de la maison que l’on peut en avoir pleine conscience. Travail d’exception, imprimés peints à la main, broderies raffinées, couleurs délicates…
Les noms choisis invitaient au voyage : Mes Garçons du jardin … (fleurs en tête de jeunes hommes), Pluie de Paris (motifs de pois), Ciel étoilé (étoiles à gogo). Les bijoux rendaient hommage à de magnifiques fleurs carnivores ou des enveloppements de feuilles de lierre.
7 juillet 2014, une deuxième collection est présentée. La première silhouette donne le ton, hausse la fantaisie, le souvenir d’Elsa est là, magique. Les matières se mélangent joyeusement. Une carrure démesurée se déploie pour les vestes tandis que des drapés ondoyants, près du corps, dessinent les fourreaux du soir.
La fantaisie règne sur la collection, les bibis (créations de Stephen Jones) participent à la joyeuse conversation. De l’alligator, de la panne de velours, des soies…
Un zeste de broderies, très Schiap et hommage aux initiales ES.
Des imprimés inventés : Dans les ombres du jardin (papillons sur feuilles de lierre), Les amis d’Elsa (ribambelle de chiens), Central Park (écureuils et rats), Les pigeons de Notre-Dame. Un festival de couleurs sans oublier un passage rose vif. Think pink comme le décor tendu de rose drapé dans un shocking maison.
Une collection pleine de fantaisie et avec des finitions dignes de la haute couture.
Et, en paraphrasant Aragon, on ne peut que souhaiter qu’à nouveau « Il ne soit Paris que d’Elsa ».
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Excentrique, extravagante, fantasque et talentueuse, Elsa Schiaparelli fut une des figures majeures de la couture du XXe siècle et sans aucun doute la plus originale. Amie de nombreux artistes dans la mouvance surréaliste, elle travailla avec Dali, Léonor Fini, Cocteau…
Épouse d’un théosophe, l’intrigante Italienne débute en 1927. Elle apporte immédiatement un vent de fantaisie avec une collection de maille en trompe-l’oeil.
Courtesy Museum of arts Philadelphia
Elle imagine ensuite des accessoires hautement farfelus. Un tissu imprimé de larmes dessiné par Dali devient vêtement de pleureuse. Le motif du homard (l’emblématique crustacé du Téléphone aphrodisiaque du peintre) se brode sur une robe portée par Wallis Simpson.
D’improbables chapeaux voient le jour. Elsa Schiaparelli met sur la tête des élégantes des formes de côtelette, de chaussure ou de cerveau. Le bibi vient ponctuer la silhouette comme un point sur le i.
En parfums, elle a imaginé les collections les plus originales du siècle. Débutant sous le signe de la lettre S, une première fragrance S, ensuite Soucis, Salut et Schiap… Avec Shocking, la femme bustier est surmontée d’une couronne de fleurs de Léonor Fini et la forme du corps rend hommage à l’opulence d’une de ses clientes célèbres, Mae West (surnom ensuite des gilets de sauvetage des soldats américains !).
Avec Zut, le jupon tombe sur des jambes inspirées de Mistinguett. Snuff en forme de pipe renvoyait peut-être au jeu de mot de Magritte. Sleeping tenait la chandelle… Un patrimoine extraordinaire.
Le surréalisme a souvent innervé ses inventions, un collier aspirine en porcelaine avec Elsa Triolet, un bracelet métal et fourrure avec Meret Oppenheim… Des gants sertis d’ongles maquillés, une robe à tiroirs, un collier insectes… Dans les années 30, Elsa Schiaparelli règne sur la mode et fait la couverture du Time en 1934.
La créatrice a aussi « inventé » une couleur et lui a donné un nom passé à la postérité, le rose shocking, un rose vif et joyeux.
Sa maison s’arrête en 1954 et s’endort. Seuls les parfums ont ensuite un peu continué et ont été relancés à petite échelle.
En 2007 un nouveau grand tournant est amorcé, la belle endormie voit son nom et ses archives rachetés par Diego Della Valle (qui avec le nom de Roger Vivier a réussi à créer une marque de chaussures importante dans le paysage de la mode).
Le souvenir du patrimoine de la maison est vivace dans un site internet façon scrapbook depuis mai 2014 unissant passé et présent.
Quant à l’humour de Schiap, il manie l‘ironie notamment dans ses 12 commandements adressés aux femmes.
4. Souvenez-vous – 20% des femmes ont un complexe d’infériorité. 70% ont des illusions.
10. Ne jamais adapter une robe à un corps mais entraîner le corps à s’adapter à la robe.
Robe broderies Lesage (dessin Cocteau) Courtesy Museum of arts Philadephia
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Très jolie surprise avec le défilé de Stéphanie Coudert. Une inspiration féminine et médiévale capture le souvenir d’Aliénor d’Aquitaine et chevauche vers l’Orient avec le mot Croisade, thème de la collection. Chapeautée, enturbannée, la silhouette pourrait osciller entre Moyen-Age et années 40, mais le vêtement est résolument actuel. Des volumes très construits, recomposés, basculés, bousculés dessinent un très beau travail de coupe. Une gamme de couleurs sobre et chic.
Parfois le vêtement s’enroule autour du corps, l’enveloppe en un joli cocon. La silhouette se ponctue de liens, de chaînes, mais avec légèreté. Une jolie carte du tendre pour un parcours contemporain. Invitée dans le calendrier, la créatrice a réussi l’exercice haut la main, adoubée couture. Le passage discret d’une boutique de Belleville au podium pour couturière en chambre (des dames).
Photos Etienne Tordoir
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Invitée dans le calendrier de la haute couture, Fred Sathal défile a nouveau après quelques années loin des podiums. Fidèle à ses leitmotivs, elle continue l’exploration du fil, cousu, recousu, innervant les tissus dans de nouveaux méandres. Les expériences de teintures dans un esprit tie and dye ajoutent une dimension artisanale. Beaucoup de broderies, de sequins, de paillettes jusqu’au total look brillant.
Mini robes ou longues tenues du soir, un poil de fourrure avec notamment un poncho en queues de renard.
Un zeste d’humour avec la robe gorille (gare au…).
Une haute couture réversible, travail au petit point, onirisme et bohême entre sombre et brillants.
Photos Olivier Claisse
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