Si l’idée des plissés remonte à l’Antiquité, ce vêtement célèbre aujourd’hui les vingt ans de la vision contemporaine d’Issey Miyake : Pleats Please.
Dans les sculptures antiques se découvrent les tissus plissés. En Egypte, la kalasiris, vêtement très simple, s’orne d‘effets plissés. Au Louvre, parmi les sculptures, prie l’exquise Karomama, adoratrice d’Amon avec ailes de vautour et effets plissés. Aimée d’Amon Ré, Karomama fut son épouse, plus tard sa précieuse effigie fut acquise par Champollion.
En Grèce l’aurige de Delphes, (Vème siècle avant J-C) est le bronze d’un conducteur de char au chiton long finement plissé.
Plus de vingt siècles plus tard en Italie, le couturier Mariano Fortuny (un musée lui est consacré à Venise) réinvente le plissé avec une soie précieuse et finement travaillée. Créé aux alentours de 1907 et baptisé Delphos, le modèle emblématique de la longue robe droite rend hommage à l’aurige de Delphes. Le plissé eut alors une magnifique heure de gloire en couture avec cette soie Fortuny au procédé déposé en 1909. Marcel Proust écrit : « C’étaient ces robes que Fortuny a faites d’après d’antiques dessins de Venise » ou encore : « La robe de Fortuny que portait ce soir là Albertine me semblait comme l’ombre tentatrice de cette invisible Venise ». Aujourd’hui encore, à Venise, se perpétue le souvenir de Fortuny tandis que le catalogue du musée rend hommage à Issey Miyake, le créateur qui a réinscrit le plissé dans la modernité en lui ajoutant des qualités issues de nouvelles technologies : « Au-dessus de tout, c’est Issey Miyake, un des plus grands protagonistes de la mode contemporaine, qui a exploité les propriétés du polyester, révolutionnant les anciennes méthodes de plissage pour sa collection Pleats Please… la robe oversized finie en polyester est posée entre des couches de papier et placée dans une presse chaude et elle est plissée. Comme la Delphos, les plissés sont devenus un nouvel uniforme pour femmes à forte personnalité. »
Avec Issey Miyake, le plissé entre dans une nouvelle ère, réussissant le paradoxe de la jonction entre création et praticité. Issu de la mode, le plissé est devenu un basique de garde-robe contemporaine, le plus souvent au féminin. Nouveau pont trans-culture entre Orient et Occident, Pleats Please, avec une histoire singulière, est un vêtement à dimension universelle.
Histoire des plissés Miyake
À l’origine, les premiers plissés avaient une certaine rigidité, vêtements presque précieux, tout en étant d’une rigoureuse simplicité dans le choix de formes épurées et géométriques.
Origami Pleats, au printemps-été 89, présente le plissé en volume sur les podiums. A l’automne-hiver 89 s’écrit une nouvelle étape avec un plissé « mutant ». En 1990, dans une magnifique exposition à Tokyo et à Amsterdam, les plissés s’exposèrent à plat, inscrits dans le sol. Un rond bicolore, juste ouvert de trois fentes, une pour la tête et deux pour les bras, incarnait l’épure du nouveau vocabulaire des plissés.
Vêtement en 2D, il se découvre en 3D, une fois porté.
« Au moment de la naissance des Pleats, je concevais encore la fabrication d’un vêtement en termes de couture et de coupe. Il m’a fallu me détacher entièrement de ces notions, et j’ai déplacé ma réflexion de la conception du vêtement vers son usage : je voulais créer un vêtement qui soit en accord avec la vie, qui soit léger et d’entretien facile… »
Poétiquement, les plissés s’aventurèrent ensuite sur l’esprit d’escalier avec des effets accordéons et des collections de haute fantaisie avec multiples rebondissements allant jusqu’à sautiller : « Jump ». Ou encore évoquant des formes de lanternes japonaises.
Autour de la rencontre avec William Forsythe et le ballet de Francfort le territoire d’exploration du plissé a pris une voie nouvelle. En cherchant les possibilités de mouvement pour les danseurs, la collection s’est animée et la recherche a fait évoluer le concept jusqu’à devenir un vêtement basique et intemporel, mais toujours à la pointe de la création. Issey Miyake conçut ainsi les costumes de Loss of Small Detail en 1993, s’inspirant de ses recherches sur le plissé. Dans la continuité de ces explorations artistiques, s’est commercialisée la ligne Pleats Please Issey Miyake avec son premier vocabulaire de nouveaux basiques.
Technique
Imaginé par Issey Miyake, le plissé a évolué et est devenu de plus en plus pratique. Léger, simple à utiliser, à entretenir ; il se lave en machine. Une fois séché, sans repassage, il retrouve sa forme initiale. Techniquement astucieux et novateur, le procédé de plissage s’effectue en fin de création. Au départ, le tissu n’est pas plissé. D’abord construit (sur-dimensionné de deux fois et demie ou trois fois la taille finale), le vêtement passe sous presse pour le plissage, placé entre deux feuilles de papier. En passant, il acquiert sa taille. Pour Issey Miyake, les vêtements surgissent de la presse « comme des toasts sortent d’un grille-pain ».
Grâce à la technologie, le procédé de plissage confère une forme permanente au vêtement.
Collections hautes en couleurs
Si la gamme de couleurs a joué, pour les basiques, le monochrome et la sobriété ; les collections, revisitées chaque saison, s’amusent d’imprimés colorés, ethniques, folkloriques et joyeux. « Les plis bougent et se métamorphosent à chaque mouvement du corps. Au fil de leurs mouvements, les couleurs changent, créent une illusion d’optique semblable à celles d’un kaléidoscope ». Les iconiques « Art series » de 1994 à 1998 ont vu s’imprimer des oeuvres de Yasumasa Morimura, Nobuyoshi Araki, Tim Hawkinson et Cai Guo-Qiang. Des vêtements oeuvres d’art.
Universalité
Mais le plissé, c’est surtout un vêtement accessible (en prix) qui s’inscrit dans l’intemporalité et qui convient à tous et toutes. Jeunes ou seniors. Minces ou rondes.
Le plissé, selon Miyake, un vêtement universel comme il en existe peu. Dans le catalogue de Mariano Fortuny, Maria Luisa Frisa écrit : « Pleats Please est le parfait reflet de la vie contemporaine, mais c’est aussi le résultat de ce besoin de partage, depuis que la mode est prépondérante, d’avoir un vêtement intemporel. A la fois contemporain et classique. »
Mise en bouteille
À ce vêtement iconique et oh combien emblématique pour le grand public de la signature d’Issey Miyake en mode répond aujourd’hui un parfum. La vision du flacon traduit en 3D l’idée de plié, de plissé et le passage de la 2D à la 3D se transpose en facettes. L’exubérance de la ligne se traduit olfactivement par un bouquet joyeux avec un départ autour d’une note de nashi (fruit entre pomme et poire). Pour la première fois les parfums Miyake ont imaginé un film publicitaire, signé Nick Knight, où le plissé virevolte, danse, sarabande joyeuse.
Un anniversaire, un livre
Les éditions Taschen célèbrent les plissés et leur histoire dans un ouvrage de 500 pages autour de cette saga de la mode.
Quant aux dernières campagnes autour des plissés, elles sont savoureuses et présentées avec humour façon sushi, cornet de glace… Un délice
Happy Birthday aux plissés.