Mon interview avec Lars Lundström, le créateur de Real Humans

Après un an de “buzz” et une campagne de promotion agressive, la série suédoise Real Humans arrive enfin sur nos écrans, demain soir sur Arte. Cette série de science-fiction aux effets minimalistes met en scène la relation conflictuelle entre les habitants d’une banlieue suédoise et les “hubots” avec lesquels ils cohabitent. Nous sommes dans un futur proche, et ces robots humanoïdes sont partout, pour aider aux tâches ménagères, pour travailler à la chaîne, pour nous tenir compagnie, voire plus si affinités. Alors qu’une poignée d’entre eux prépare une rébellion, d’autres impactent la vie d’humains tolérants, et celle d’un groupe extrémiste qui lutte pour leur disparition. Une série intelligemment produite avec des moyens raisonnables, divertissante, et qui soulève de nombreuses questions aussi bien philosophiques que sociétales. J’ai pu rencontrer, l’été dernier lors du premier Festival Série Series, à Fontainebleau, son créateur, Lars Lundström.

 

Quand on parle d’une vague nordique, il est souvent question d’œuvre hyper réalistes. Real Humans est une série de science-fiction…
Oui, mais une œuvre de science-fiction réaliste. Il existe déjà des robots humanoïdes, et je pense qu’on ne devrait pas tarder à avoir à nos côtés des machines aussi perfectionnées que celles de la série. Le monde dans lequel évoluent les personnages est très proche du notre, de sorte à ce que l’existence des robots, ou « hubots », comme on les appelle, soit crédible, authentique. C’est aussi, pour être honnête avec vous, une question de budget. On ne peut pas inventer un monde, on doit travailler avec ce qu’on a.

Les robots sont des figures majeures de la littérature et du cinéma de science-fiction depuis plus d’un siècle. Qu’avez-vous de neuf à apporter ?
Je crois que ce qui est nouveau dans Real Humans, c’est que les robots sont des objets de consommation courante. On achète des « hubots », on les utilise sans que cela semble surprenant pour qui que soit. C’est entré dans les mœurs. La plupart des contes sur l’humanisation des robots me semblent plus futuristes que ma série. Je veux mettre en scène la réaction d’une société comme la notre, si elle était confrontée à ce genre de révolution technologique.

La réflexion sociétale semble aller bien plus loin que la simple question des robots, non ? Il y a là un épais sous-texte métaphorique…
Comme le titre de la série l’indique, c’est avant tout une réflexion sur ce qu’est être humain. C’est un titre paradoxal, parce que les hubots ne sont pas humains. Mais ils questionnent, en creux, ce qu’est l’humanité. Au-delà de ça, nous utilisons les robots pour développer tout un tas de métaphores, l’immigration notamment.

On pense à d’autres minorités, pas seulement raciales, mais aussi sexuelles…
Plus globalement, maltraiter un robot, c’est en quelque sorte maltraiter un humain. Si on ne peut être humain envers une machine, notre humanité envers nos semblables est discutable.

Les robots sont parfois considérés comme l’avenir de l’homme… mais aussi comme la source de son extinction, comme dans Terminator. Où vous positionnez-vous ?
On touche un peu à ces deux options. Je ne veux pas faire une série monochrome, où les robots sont méchants ou gentils. Il y a dans Real Humans des machines dangereuses, mais aussi des humains plus dangereux encore. L’idée de base, c’est que nous autres humains, nous avons inventé ces… choses, et maintenant nous en sommes responsables. Les hubots sont nos enfants, ils peuvent nous aimer ou nous détester à jamais, mais on ne pourra s’en prendre qu’à nous.

Quand on parle robots, on parle souvent de Isaac Asimov. Est-il présent dans vos sources d’inspiration ?
Je ne suis pas un grand amateur de science-fiction, mais les machines sont contraintes, dans la série, par un ensemble de lois qui ressemble assez à celles déterminées par Asimov*. Le problème, c’est que les humains trafiquent ces robots, les changent, altèrent leurs données, et qu’au final ils se mettent à commettre des crimes… sans laisser d’empreintes ou d’ADN, évidemment.

Plusieurs histoires se mêlent dans cette première saison, et plusieurs genres…
Oui, je n’aime pas m’en tenir à un seul genre. Je mélange le thriller, le drame, la comédie, les histoires de famille, etc.

Avez-vous espoir que vos robots tiennent face à la concurrence des vampires et des zombies, des monstres bien plus populaires ces derniers temps ?
Je ne suis pas friand de fantastique. Je n’aime pas les choses qu’on ne peut pas croire. Les vampires sont une pure métaphore, sans aucune justification réaliste. Scientifiquement, les zombies sont impossibles. Quand on est mort, on est mort, on pourrit, mais on ne se relève pas. Les robots, eux, sont crédibles.

Au début de cette interview, vous précisiez que votre budget est limité. Comment faire une bonne série de science-fiction sans argent ?
Sans faire d’effets spéciaux. Les comédiens qui jouent les hubots consomment une bonne partie de notre argent, parce qu’il faut énormément les maquiller. Nous avons quelques effets de post-production. Pas plus. Tout l’aspect futuriste repose sur les hubots et leurs accessoires, et ça suffit à créer un décalage avec notre réalité…

Real Humans, jeudi à 20h50 sur Arte.

A noter que je recevrai Lars Lundström une heure durant sur Le Mouv’ à 17h ce samedi, dans “Saison 1, Episode 1.”

* 1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger.
2. Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première loi.
3. Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la Première ou la Deuxième loi.

2 commentaires pour “Mon interview avec Lars Lundström, le créateur de Real Humans”

  1. Je n’ai pas encore essayé cette série, mais votre article me fait penser à une sorte de combinaison entre “Black Mirror”, de Charlie Brooker, et d'”In the Flesh”, diffusé depuis trois semaines sur BBC3, qui a remplacé “Being Human”.
    Je ne sais pas si vous l’avez vu, mais “In the Flesh” (qui parle de zombies, pas de robots), est aussi très métaphorique, sans pour autant en faire des tonnes… Je l’ai trouvé évocatrice et bien ficelée– c’est un peu une réponse à “The Walking Dead” (que j’aime beaucoup au demeurant)!

  2. @Camille, oui j’ai vu In the Flesh, pas mal du tout. C’est en effet dans un style comparable, toutefois généralement un poil plus léger (In the Flesh n’est pas franchement hilarante…)

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