A toi qui as laissé tomber Mad Men…

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A toi qui n’as jamais aimé Mad Men. A toi qui trouves la série de Matthew Weiner longue, maniérée, frime, chiante, bavarde et inutile. A toi qui avais fait l’effort, avant d’abandonner Don Draper et les siens après une saison 5 décevante. A toi qui trouves Jon Hamm mauvais. A toi qui voudrais bien qu’on lui foute la paix avec les cravates slim et les jupes tulipes. Oui, à toi. Saches que la saison 6 de Mad Men, qui démarre chez nous ce soir sur Canal+ Séries, est une merveille. Une merveille de subtilité, d’intelligence, d’émotion, de maîtrise. Un chef d’œuvre. Saches donc que tu te plantes. Je te donne 5 bonnes raisons de changer d’avis.

1. Une bouleversante mise à nu.
Non, Mad Men n’est pas une série esthétisante et froide. Elle est esthétique, mais chaude, en chair, en larmes, en sueurs, humaine. Personnage en fuite permanente, chassé nuit et jour par ses fantômes, par ses mensonges, ses trahisons, ses tendances destructrices – contre ceux qu’il aime et contre lui-même – Don Draper atteint dans cette saison 6 le point de non retour. Il sombre, il perd le contrôle, il s’écorche à sa vie d’apparences, il devient son pire, pour peut-être avoir une chance de devenir son meilleur. Pour reconnaître, comme le boxeur mis K.O, dans les brumes de ce qu’il lui reste de conscience, ce qu’il est vraiment : un être en souffrance. Après la scène du Carrousel (The Wheel, saison 1) et l’épisode de la valise (The Suitcase, saison 4), le final de cette saison 6 est le plus beau moment de Mad Men, à la sincérité bouleversante.

2. Une douloureuse réflexion sur la mort et la vie.
Les héros masculin de Mad Men sont des hommes qui tombent. Qui chutent, comme dans le générique. Qui vieillissent. La mort est partout dans cette saison 6, dans les souvenirs de Don, dans le présent des soldats qui meurent au Vietnam, dans la fatalité des destins familiaux. Mort bien réelle, petite mort ou mort métaphorique qui annonce une renaissance, la faucheuse isole plus encore ces héros à la fierté bousculée. Un des premiers plans de la saison nous montre Don Draper, face à la fenêtre de son bureau, comme près à sauter. Il y aura bien un saut ici, mais pas nécessairement celui que l’on croit…

3. Une comédie humaine drôle et juste.
Mad Men est émouvante, elle est parfois dure, cruelle, brutale, mais n’est jamais meilleure que quand elle parvient à relâcher la pression à coup de scénettes absurdes ou comiques. De fait, les bureaux de Sterling Cooper Draper Pryce ont tout du décor de sitcom amélioré. Stan et les créas, Pete (souvent à ses dépends), Roger sont des personnages hautement comiques. Bert, drôle de boss en chaussettes, est aussi une figure qui aurait sa place dans une série humoristique. On rit donc souvent dans Mad Men, occasionnellement aidé par quelques substances illégales…

4. Une interprétation magistrale.
Plus personne n’ose contester le talent de Élisabeth Moss, qui en a prouvé toute l’étendue dans Top of the Lake. James Wolk, nouveau venu dans cette saison, est une révélation depuis Lone Star (même s’il est dans The Crazy Ones). Les seconds rôles sont brillants et brillamment dirigés. Mais que dire de Jon Hamm ? Qu’il mérite un Emmy Award avant qu’il ne soit trop tard, et qu’il l’aurait mérité cette année. Son interprétation de la cassure qui s’opère chez Don Draper dans cette saison est remarquable de subtilité, autant dans son jeu, vacillant, que dans sa tenue, qui perd de sa superbe très lentement, presque imperceptiblement. Don, tout en restant Don, est de moins en moins le sublime séducteur des premières saisons, de plus en plus un type libidineux et paumé. Et il doit beaucoup à la façon dont Hamm lui donne corps.

5. Une mise en scène parfaite.
Même ceux qui n’aiment pas Mad Men le reconnaissent : c’est beau. C’est même parfait. La photo, les mouvements de caméra, la finesse des cadrages… Sans tenter le diable et se prendre pour des artistes avant-gardistes, les réalisateurs font un boulot remarquable, au service de la narration, mais sont partie prenante de l’émotion qu’elle porte. Pas la peine de faire des plans fous et des montages impossibles. Le génie est parfois dans la discrétion. On appelle ça la classe.

Mad Men, saison 6, le mercredi à 22h25 sur Canal+ Séries.

12 commentaires pour “A toi qui as laissé tomber Mad Men…”

  1. Très bon article pour une très bonne saison!

    La série prend des risques (comme faire divorcer le couple central dès la 3eme saison), mais elle maintient un niveau d’exigence hors normes. Dommage pour ceux qui sont partis, ils ratent des épisodes exceptionnels: “The Other Woman” ou “For Immediate Release” cette saison.

    Et personnelement je n’ai absolument pas été déçu par la saison 5. Alors oui, Don est (relativement) “heureux” ce qui change la dynamique de la série, mais après cette saison 6, je pense que c’était volontaire pour rendre la chute de Don encore plus violente. Je vois la saison 5 comme une bulle de bonheur au milieu d’une série sombre, parfois très sombre comme le prouve cette gigantesque saison 6.

  2. Mince, ça va être dur, vu que j’ai laissé tomber après 8 épisodes. J’ai déjà essayé de la regarder deux fois, et là ça me donne presque envie de m’y remettre. Même s’il faudrait que je rattrape quand-même 6 saisons et je suis pas sur de pouvoir le faire sans péter un cable hahaha!!

  3. Je ne savais pas que la saison 5 était considérée comme “décevante”. Est-ce une opinion partagée par beaucoup de personnes?

    @ignigoweb : les saison 1-2 sont plus faibles amha. Tu peux commencer par la 3.

  4. Pas décevante pour moi la saison 5. Juste,un peu plus “normale” en ce sens qu’elle décrit une vie courante un peu plus courante. Peu d’événements dramatiques en effet ce qui rend le travail réalisé encore plus remarquable.

  5. Si je peux me permettre, j’ajouterai à ce très bon article, un point 6 : la dimension historique. Les 6 saisons nous font basculer de la fin des années 50 à l’amorce des années 70. L’arrière plan historique est subtil tout au long des 5 premières saisons et de nouveau dans la 6ème. Il n’est qu’à comparer le traitement de l’Histoire dans Mad Men et dans une série “historique” comme Downtown Abbey. Là où cette dernière, à la fin de la première saison, annonce l’éclatement de la première guerre mondiale avec la subtilité d’une pièce de mauvais boulevard (le comte débarquant dans la garden party, la mine déconfite, et annonçant à la cantonade : “la guerre est déclarée”)

    Et un 2 bis également : “une douloureuse réflexion sur la mort la vie et la filiation”. L’échange de regard entre Don et sa fille à la fin de saison, le soulagement dans leurs yeux respectifs, est une absolue merveille. Une image qui reste gravée dans la mémoire. Et moi, au final, ça m’arrive assez rarement avec des séries ou avec des films de conserver une image aussi longtemps.

  6. “douloureuse réflexion sur la vie et la mort” ah ouais rien que ça ? Tu as mal devant ton écran ? Je suis pas du tout d’accord avec le reste de l’article sinon, cette série est prétentieuse. Elle veut se la jouer super classe mais elle se plante à mes yeux, parce que justement elle essaye de plaire, sur tous les tableaux. Dès la saison 1 le personnage de Don Draper est usé : on le sent quand ils tentent de faire des flashback sur son enfance, c’est nul. Toutes les autres saisons de la série ne sont que de recyclage d’idées et oui, je peux le dire haut et fort : je suis fier d’avoir abandonné cette série. Mort à Don Draper, Mort à Mad Men, vive Dora l’exploratrice.

  7. Et les personnages féminins ils n’existent pas?

  8. @Prune : http://www.telerama.fr/series-tv/elisabeth-moss-mad-men-m-a-offert-une-notoriete-publique,105058.php

  9. Le verbe savoir ne prend pas de -s à l’impératif.

  10. À toi qui A laissé tomber…

  11. C’est long, c’est chiant.

    Je dois être trop impatient que pour apprécier vraiment. C’était pareil avec The Wire.

    J’adore, que dis-je, je suis dingue des Soprano et Six Feet Under. Certains m’ont dit, eux, que c’était long et chiant. Je les ai traité de fous.

  12. @ marco

    Non, monsieur.

    à toi (sing. 2) qui (pronom relatif qui renvoie à toi) AS.

    moi qui ai
    toi qui as
    lui (elle) qui a
    nous qui avons… etc.

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