Ils sont tout mignon et tout fripé, ils ont plus ou moins de dents et ils squattent les comédies américaines à nous dégouter de faire des enfants et de vivre plus de 70 ans. Les gosses et les vieux sont partout. Symboles de la manie fédératrice des grandes chaînes américaines, censés faire acheter des trucs à la ménagère attendrie et à sa grand-mère gâteuse, il font les malins, grimacent et prétendent être incorrects. Ils commencent surtout à me taper sur le système. Ras-le-bol des gosses et des vieux dans les comédies américaines !Les enfants gangrènent les comédies depuis belle lurette. Bidule indispensable à l’identification famille, ils sont l’outil marketing numéro 1, l’arme fatale pour rendre les cerveaux disponibles – regardez les pubs, y’a que ça. Parce qu’en vrai, un enfant, jusqu’à un certain âge, ça ne dit rien de captivant, la télé a eu une terrifiante manie : faire des gosses géniaux. Les pires, le genre qui parlent comme des adultes, ou plutôt comme des enfants qui liraient un texte écrit par un adulte – ce qui est le cas, en fait. J’ai fait des cauchemars pendant deux jours après le visionnage du pilote de The Goldbergs, avec son jeune héros au sourire émail diamant et naturel de cyborg.
Je ne dis pas que je n’aime pas les gosses, mais j’aimerais autant m’en passer dans mes séries. Ils braillent, ils s’agitent, ils emmerdent le monde, bref, ils s’inscrivent parfaitement dans ce qui rend 80% des comédies de grandes chaînes insupportables : l’hystérie collective, le gigotement scénaristique, cette erreur idiote qui veut que des scénaristes débarqués d’une foire à la choucroute garnie confondent humour avec bruit, cris, applaudissements, fanfare, clowns et jongleurs. Le mec qui braille et fait la galipette sur du punk des Balkans, il ne me fait pas marrer, il me casse les oreilles. Alors un gosse…
Vous me direz, il y a deux gamines dans Louie. Mais justement, ça fait partie du jeu. Et Louis C.K s’acharne toujours sur ses deux filles – qui sans doute lui feront payer cher quand elles auront l’âge de comprendre. Pas de gosses dans Community, pas de gosses dans Friends, rien dans Eastbound & Down (ou alors maltraité, forcément). Rien dans mes comédies préférées. Ouf.
Le vieux, lui, est un problème plus récent. En cette rentrée américaine, une thématique forte se dégage : les adultes qui doivent supporter leurs parents. Dads, Mom, Back in the Game, The Millers, Welcome to the Family… On ne voit que ça. Pourquoi ? Parce que tout le monde, ou presque, doit se farcir ses ancêtres, d’une façon ou d’une autre. Demandez à Freud ce qu’il en pense. Comme c’est la crise, tant qu’à faire, on se met tous sous le même toit. Horreur, donc rire ? Horreur tout court. A moins de vouloir verser dans l’humour gênant, façon Ricky Gervais, à quoi bon nous faire supporter ce qu’on ne supporterait pour rien au monde nous même ?
Je suis mauvaise langue. C’est justement ce que le vieux est censé faire. A l’inverse du gosse, qui doit attendrir et émouvoir – curieusement, ça marche mieux quand on les imagine dans des situations dramatiques, genre dans Grey’s Anatomy, avec une maladie atroce en phase terminale – le vieux, forcément aigri, est une caution politiquement incorrecte. Il est vieux, donc il est con, semblent se dire les scénaristes de Dads et Back in Game notamment. Les papas de la première sont joyeusement racistes (enlevez le “joyeusement”, en fait), celui de la seconde envoie chier tout le monde en picolant.
La morale de cette histoire, c’est que si je suis déjà un vieux con aigri qui n’aime pas les gosses et les vieux, les scénaristes des comédies américaines sont sans doute comme moi. Ils partagent leurs souffrances familiales avec nous, se défoulent sur leurs parents et sur leurs marmots. Malheureusement, pour un Louis C.K, il y a quarante auteurs médiocres. Passez tout ça au filtre publicitaire des grandes chaînes, et vous obtiendrez la recette idéal pour rendre une comédie crispante.
P.S : Maman, papa, je vous aime très fort. Mes neveux chéris, je vous aime aussi. Juste, faites pas de séries. Merci.
Image de Une : The Goldbergs (ABC)
J’avais jamais fait totalement attention au fait que les gosses soient une horreur mais c’est vrai dans les meilleures comédies du moment, selon moi, ils y sont absents, It’s Always Sunny, Parks & Recreation ou Veep. Ni même dans des shows plus irréguliers comme Call Me Fitz ou Workaholics. Je vais faire une exception pour Platane, dans cette deuxième saison, Eric nous a mis un môme et pourtant c’est peut être la meilleure saison de comédie cette année, et c’est français cocorico.
Y’a une seule “vieille” vraiment réjouissante dans les comédies us actuellement, c’est Cloris Leachman, Maw Maw dans Raising Hope.
Je crois qu’il y a une exception qui utilise bien les deux catégories dont vous parlez, c’est Modern Family. Les gamins sont géneralement bons, voir très bon, et le vieux père et marie de Gloria est juste sublime.
Sinon, je suis d’accord, et j’ajouterai qu’il y a aussi des séries dramatiques où les gamins sont parfois en trop (voir Homeland…)