Il y a beau avoir écrit « spécialiste des séries » sur ma carte de visite, je n’ai pas tout vu, et je ne peux pas tout voir. Alors, je tends l’oreille, et j’entends ce qu’on me dit. En tout cas, je fais de mon mieux. Quand on me dit « faut que tu vois Utopia, c’est vachement bien », je vais voir à quoi ça ressemble. Utopia a débuté il y a un mois sur Channel 4, en Grande-Bretagne, et raconte l’enquête inquiétante et folle de quatre héros improbables, empêtrés dans une affaire de comic book lourd de secrets. Et, oui, c’est plutôt pas mal du tout.
Vous n’avez pas tout compris au pitch d’Utopia ? Je vous le refais, et je vous glisse une petite vidéo juste après : dans un futur proche (ce n’est pas notre réalité, mais on en n’est pas loin) Becky, Ian (Nathan Stewart-Jarrett, de Misfits) et Wilson Wilson, la vingtaine, sont fans d’une BD hallucinée, Utopia (The Utopia Experiments, de son nom complet), chacun pour une raison propre. Sur un chat, ils apprennent d’un certain Bejan possède le volume 2 d’Utopia, manuscrit unique, et décident de se rencontrer. Problème : ledit manuscrit cache visiblement la vérité sur une machination médico-industrielle (voire pire), et tous ceux qui le touchent finissent par se faire descendre. Qu’est-ce que cache Utopia exactement ? Qui est Jessica Hyde, cette femme fantomatique que les tueurs semblent traquer ? Mais comment tout cela finira-t-il ? Assez de question pour s’accrocher à cette histoire…
Les détracteurs d’Utopia trouvent cette minisérie en six parties artificielle, tape-à-l’œil (je vous rassure, ils ne sont pas super nombreux). C’est en effet une œuvre hyper stylisée, qui aime les effets. Elle ressemble en fait à un comic book, jusque dans son écriture visuelle : « cases » serrées, fascination pour les paysages symétriques, jeux sur les perspectives, ralentis, travail omniprésent sur les couleurs, souvent saturées et choisies volontairement pour marquer les contrastes… Il y a de quoi faire une thèse, d’autant que les trois réalisateurs (Marc Munden, Wayne Che Yip et Alex Garcia Lopez) ont aussi visiblement aimé le travail de David Lynch – le décors du bureau des méchants de l’histoire est terriblement lynchien.
Le côté comic d’Utopia n’est pas purement visuel – ce n’est pas un hasard si elle s’ouvre dans un comic store. Ses personnages sont pour certains de purs personnages de BD. Ses méchants – le big boss s’appelle juste « Lapin » – ses tueurs pas possibles – un type en costard avec la banane et un bedonnant essoufflé – et surtout la superhéroïne de l’histoire, Jessica Hyde (Fiona O’Shaughnessy), physique étrange (on pense ici à Tim Burton) et froideur de guerrière, habituée depuis le plus jeune âge à fuir, à se cacher, et à se battre s’il le faut. Le conspirationniste qui a changé de nom pour être moins facilement traquable sur internet (Wilson Wilson), le branleur faussement arrogant (Ian) et l’universitaire faussement candide (Becky) font une formidable bande de pieds-nickelés – une autre BD… (ils sont bientôt rejoint par un garçonnet mutique mais plein de ressources).
Pour sa seule beauté et la complexité de son intrigue, l’atmosphérique Utopia mérite le détour. Ses acteurs, impeccables, et sa bande-son étrange, qui accompagne parfaitement la mise en scène, ne font rien pour me déplaire. On s’y plonge comme dans un labyrinthe, à la fois excité et inquiet, étonné, effrayé et amusé. C’est un joli puzzle, qui exagère à peu près tout, de sa réalisation à son histoire en passant par les réactions de ses personnages, mais dès le moment où le côté comic book est accepté, c’est un pur plaisir. C’est aussi une démonstration (une de plus) du culot des Britanniques, qui osent une fois encore une création originale “anxiogène” (je hais ce mot quand il est synonyme de “qui va faire fuir les téléspectateurs”), complexe, sombre, et d’une violence extrême – les meurtres sont brutaux, et chaque épisode s’ouvre sur une horreur. Nul doute en tout cas qu’elle sera diffusée prochainement chez nous, bien aidée par le Fipa d’Or qu’elle a reçu en janvier à Biarritz.
Image de Une : Utopia, Channel 4.
Ha !
Je me demandais quand vous alliez en parler.
En effet c’est une série intrigante mais c’est ce que l’on aime pas vrai ?
En écoutant le podcast de la semaine dernière j’ai découvert “Banshee”. Il vrai que c’est le justified du pauvre mais le héros n’a pas autant que ça le charisme d’une endive au jambon. A voir encore un ou deux épisodes pour se faire une idée.
Rassuré après le visionnage du premier épisode d’ “House of cards” . Je sens que cela va être le plaisir coupable de ces prochains mois. On va adorer détester Kevin Spacey. L’écriture me parait plus simple et abordable que “Boss” et l’ambiance moins diabolique. C’est vrai que c’était une force de la série de Chicago, mais la production Fincher opte pour un humour noir particulièrement jubilatoire et ce n’est (à mon sens) pas plus mal.
A plus !
J’avais aussi très envie de regarder cette série… j’ai regardé et vraiment aimé jusqu’à la fameuse scène des yeux…
je suis capable de regarder Django Unchained sans fermer les yeux.. mais là c’était insupportable.
L’image est superbe, les personnages sont incroyables, l’histoire semble intéressante, mais ce niveau de torture avec cette ambiance malsaine… je peux pas
Dommage, j’aurais vraiment aimé continuer
mais j’en ai même fait des cauchemars (on ne rigole pas svp ;))
@eleocleo
Bon je viens de voir les quatre épisodes (donc la première saison il me semble).
Je te confirme que tu as bien fait de t’arrêter.
J’ai rarement vu une série aussi troublante par son mélange de violence physique/psychologique. Et pourtant comme toi j’en ai vu d’autres et il m’en faut beaucoup. (sourire)
Angoissante et paranoïaque cette série gêne par moment.
Je continuerai à la regarder malgré tout pour l’intrigue très intéressante.
P.S : L’acteur qui joue le taré dans la série joue aussi dans un film qui s’appelle “kill list” sorti l’année dernière. Un des film le plus effrayant de ces dernières années pour moi. Bref le gars doit pas se marrer tous les jours au taf…
Petite correction cette première saison compte six épisodes…
@ bobinhao
Ah! Bonne nouvelle alors.
Merci
C’est en 6 épisodes.