Je n’ai rien contre les séries grand public. Je ne refuse pas de zapper sur les grandes chaînes, je regarde How I Met Your Mother, j’ai un faible pour Ben & Kate, j’ai kiffé Chuck, je n’ai jamais zappé House, et il m’arrive même de regarder NCIS. J’aime aussi beaucoup Fais pas ci fais pas ça. Bref, je ne vois pas ce qu’il y a de mal à faire une série qui veut divertir, qui n’a pas une ambition intellectuelle renversante, qui cherche à nous vendre du « fun » et du « sexy. » Un McDo sériel ? Pourquoi pas, tant qu’on n’en mange pas tous les midis. Et tant que c’est bien fait. En lançant No Limit, jeudi prochain, TF1 voudrait nous servir une série comme ça. M6 fera de même en décembre, avec la déclinaison télé du Transporteur*. Deux formatages sans inspiration, qui prennent le divertissement pour du bourrage de cerveaux disponibles. Deux nanars qui foutent une sacrée trouille sur l’état des séries grand public chez nous…
Toutes deux sorties de l’écurie Besson – il produit la première et la seconde est inspirée d’une de ses “franchises” les plus rentables – No Limit et Le Transporteur sont des séries d’action. Vincent Elbaz est le héros de No Limit, un ancien des forces spéciales recruté par une agence très très secrète pour faire la loi sans se soucier des lois. Il accepte, parce qu’il a une vilaine maladie qu’on lui propose de traiter en échange de ses services, et qu’en plus il va pouvoir se rapprocher de sa fille ado, qui vit à Marseille, pile là où se cache l’agence – c’est pas une chouette coïncidence ça ? Un pitch qui ferait passer Taxi pour du Rohmer, mais pourquoi pas ? Celui de Chuck, après tout, n’était pas moins improbable. Elbaz est sympa, ce n’est pas un mauvais acteur, loin de là, et on serait près à jouer le jeu avec lui. Sauf que No Limit en a pas mal, de limites, placées pour ce que TF1 considère sans doute être le grand public : des gens qu’il ne faut pas choquer, pas remuer, pas provoquer, pas étonner, pas surprendre, pas contrarier entre deux pages de pubs. Résultat, sortie les scènes d’action – gentillettes, faudrait pas troubler mémé ou le petit dernier – No Limit ne vaut pas plus que Camping Paradis ou Joséphine. C’est une comédie familiale dégoulinante de bons sentiments, inoffensive, lissée jusqu’au moindre recoin du décor, de son humour souriant à ses baffes qui caressent. On se croirait dans une pub pour un salon de jardin ou pour le club Pierre et Vacances de la Ciotat. Comme pourrait dire Patrick Le Lay, « ce que nous vendons à Ricard, c’est du temps de cerveau humain disponible. »
Que dire du Transporteur ? Récemment, je me suis emporté sur Les Revenants, au risque d’en choquer certains par mon enthousiasme (et non, je ne suis pas un agent double pour Canal+, qui n’est pas mon employeur). Je ferai de même pour les aventures télé de Frank Martin, mais dans l’autre sens. On tient peut-être là le pire nanar de mon histoire des séries. M6 ne nous a laissé voir qu’un épisode, qui a fait se gondoler l’ensemble de la salle de projection, et provoqué un concert de regards complices à la sortie – dans le genre « T’as vu ce que j’ai vu ? T’y crois ? » Pourtant, sur le papier, ça pouvait le faire. Des grosses bagnoles qui foncent, des pépées canons, des flingues, de la baston, en rangeant nos cerveaux, on ne demandait qu’à voir. On voulait un truc comme les films avec Statham, dans le genre plus c’est con, plus c’est bon. Con, ça l’est. Pour le « bon », en revanche, c’est raté. Sur tout un épisode, seule une course-poursuite tient la route (mauvais jeu de mots, je sais). D’ailleurs, on nous la ressert deux fois. Le reste : scénario hallucinant de nullité, qui commet toutes les erreurs possibles et imaginables (« ils font exprès ? », se demandait mon voisin, consterné — voyez ce qu’il en pense ici), dialogues que même Mozinor n’aurait osé inventer (il faut revoir sa vidéo sur Luc Besson, hilarante), méchants sortis d’un sketch des Nuls, réalisation partie acheter des clopes, sentiments pachydermiques, VF elle aussi digne de Mozinor… je m’arrête là.
La mission de No Limit et du Transporteur, c’est de nous changer les idées, de nous faire passer un moment léger, amusant, voire excitant. La première fera sans doute de bonnes audiences, car c’est un formatage réussi, une proposition idéale pour ce que TF1 veut faire. Le problème, c’est que ce genre de « produit » ne fait rien pour tirer vers le haut la qualité de la création hexagonale et, comme à peu près tout ce que la chaîne propose en fiction française, conforte le téléspectateur dans une consommation de séries au mieux insipides, au pire débilitantes. Au moins No Limit est-elle, d’un point de vue de ce qu’elle semble vouloir être, une réussite – TF1 assume ses objectifs. Ce n’est pas demain la veille que la première chaîne va prendre le risque de perdre son audience pour faire plaisir aux lubies des téléspectateurs avertis et de quelques critiques.
Je serais moins étonné si Le Transporteur fait un four. Là où sa concurrente est soigneusement formatée, la série d’M6 laisse méchamment apparaître ses rouages en plastoc et ses ressorts en carton, qui jaillissent de toutes parts dans cette bécane coproduite (France, Allemagne, Canada) à coups de millions (3 par épisodes, un chiffre qui fait frissonner quand on voit le résultat). C’est un foirage absolu, presque glorieux à force de perfection. On peut s’en amuser, mais aussi y voir la marque d’un certain cynisme, d’une satisfaction dans la grosse production qui vise les pires goûts des téléspectateurs, et qui espère faire un carton en alignant les poncifs et les scènes d’action. Si le public français regarde No Limit, il se sera fait avoir, ça peut se comprendre. S’il regarde Le Transporteur, je m’inquiéterai pour lui.
Je m’inquiéterai d’autant plus que ce que font ici EuropaCorp (No Limit) et Atlantique (Le Transporteur) n’est pas sans intérêt, loin de là. Les séries hexagonales ont aussi besoin de blockbusters, de grosses séries pétaradantes. Personne n’est assez borné pour croire qu’il faudrait des Revenants ou des Ainsi soient-ils sur toutes les chaînes. Aussi, si ces deux là ne sont pas satisfaisantes, il faut persévérer. Parce que le public français a le droit de se détendre, c’est indéniable, et aussi parce qu’on espère que les bénéfices que Luc Besson pourrait se faire avec un programme comme No Limit, il les réinvestira, comme il le fait au cinéma, dans des œuvres moins rentables mais plus ambitieuses. La bonne santé de nos séries tient en partie à ce genre d’équilibre artistico-financiers.
Image de Une : Chris Vance dans Le Transporteur (M6)
* Cet article se base sur le visionnage de 2 épisodes de No Limit et d’un seul épisode du Transporteur, avec les limites que cela sous-entend.
en même temps, pour un breaking bad, combien de drama merdiques aux USA ? Pour un modern familiy, combien de sitcom de merde ?
On a un fais pas ci fait pas ça ( découverte tardive pour ma part… Je me bidonne vraiment devant, autant que modern family… Une série française aussi drôle malgré son invraisemblance totale, son jeu parfois approximatif
Et des clichés plus gros que hollande avant son régime… Quel plaisir ! ), des revenants que je dois encore voir et des mini séries souvent très drôles… ( j ai adore les bleus, aussi, et ne parlons pas des séries de canal) Comparons années 90 ou avant, c est un plaisir.
Donc d’accord avec le post, mais au mois on va dans le bon sens. Peut être ces deux séries minables permettront à une série potable de trouver ça place sur les chaînes gratuites. (enfin, avec pub)
Mais je suis un optimiste
“C’est un foirage absolu, presque glorieux à force de perfection.”
C’est marrant comme une aussi bonne mauvaise critique donne quand même un peu envie de voir le show juste pour en rigoler.
Tout à fait d’accord avec la description de No Limit dont j’ai déjà vu les deux premiers épisodes. Besson + Elbaz, ça me donnait vraiment envie de voir cette nouvelle série.
Malheureusement,je me suis posée ces questions pendant les deux épisodes vus, “qu’est ce que fait V. Elbaz dans cette galère?” et “est ce que Besson est devenu aussi formaté que ça?”. C’était d’un lisse…
Je me suis aussi dit que le coup de Marseille, c’était vraiment trop gros (sans parler de la sœur qui est forcément flic là-bas….).
En tous les cas, c’est dommage, le pitch était sympa, mais c’est vraiment trop made in TF1… et mon cerveau était tellement disponible que j’ai eu le temps de faire d’autres choses pendant le visionnage du 2ème épisode!
Merci pour la critique des Revenants, à voir…
Et après on s’étonne que la télé française meurt…