Peut-on aimer le Mentalist ?

Il est de bon ton de ne guère s’épancher sur les séries de prime time de TF1 et d’M6. Les Experts Miami en on tellement pris dans les gencives qu’Horatio n’arrive plus à articuler, NCIS domine les audiences américaines dans l’indifférence critique quasi totale, Esprits Criminels est taxée de voyeurisme quand il ne fait pas le plaisir – coupable – des amateurs de serial killers… Seul House fait à peu près l’unanimité. Quid du Mentalist, qui truste les meilleures audiences et les couv’ des magazines télé ? Il profite de l’aura de Bruno Heller, autrefois créateur de Rome, et, encore une fois, d’une certaine indifférence critique. Puisqu’on ne me le demande pas, j’ai décidé de vous donner mon avis sur le regard de cocker le plus charmeur des séries, le roi de la mèche en place et de la question qui n’a rien à voir t’as vu comme je t’embrouille.

Soyons optimiste, et commençons par les qualités de ce polar, qui rentre selon moi dans la partie haute de la case de « l’honnête divertissement. »

1. Le Mentalist est drôle.
C’est quand il est en mode comique que Patrick Jane me plait le plus. Quitte à utiliser un mot banni du vocabulaire critique, le Mentalist (en français correct, ça s’écrit mentaliste, avec un « e », mais bon…) est « décalé », et plutôt bien. Il pose des questions complètement à côté (pour nous et ses suspects) et donc amusantes, mais qui sont en fait génialement pertinentes à la fin de l’épisode. D’ailleurs, il ne fait pas que questionner, il répond aussi bizarrement. Exemple : « et maintenant, on fait quoi ? » (dans le cadre d’une enquête). Réponse : « on va manger un jambon beurre. » Je ne sais pas vous, mais moi ça me fait marrer. Si Patrick Jane est si drôle, c’est qu’il est intelligent, mais surtout un poil cynique, une forme d’humour qui découle directement de son côté obscur, mécanisme d’investigation, certes, mais aussi de protection intime, pour un personnage qui refuse de se livrer émotionnellement.

2. Le Mentalist est imprévisible.
A force de bizarrerie et de « décalage », Patrick Jane est imprévisible, pour nous comme pour ses partenaires du CBI, ce FBI californien qui n’existe que dans la série. C’est forcément une bonne chose de savoir surprendre, surtout dans une série de network, systématique quoi qu’on en dise. Jane peut déraper, prendre un chemin imprévu, tourner violent, voire limite taré. Une imprévisibilité qui a ses limites, car à force d’être imprévisible, on peut devenir… prévisible. On sait que Jane s’en sort toujours plus ou moins, et que s’il est dans une sale situation, il y a une chance sur deux pour qu’il l’ai fait exprès, pour que ce soit une feinte. Du coup, on tremble un peu moins pour lui.

3. Le Mentalist évite (jusqu’ici) de flirter avec la « malédiction de Moonlightning. »
Les choses vont peut-être évoluer, mais ce n’est pour l’instant pas l’ambition de Bruno Heller et de ses scénaristes de jouer le jeu de 90% des polars « de couple », de Bones à Castle : faire flirter à l’infini le héros et sa/son partenaire de sexe opposé… jusqu’au passage à l’acte, qui peut être fatal. Jane et sa supérieure Lisbon s’aiment bien, se chamaillent, se sauvent la vie, mais ils ne semblent pas devoir coucher ou tomber amoureux l’un de l’autre. Pas encore. C’est courageux, même si, du coup, on nous sert des romances en pagaille dans le reste de l’équipe – dont le fameux coup, dans la saison 3, de la fille qui tombe amoureuse d’un méchant.

4. Le Mentalist est un homme de goûts.
Il aime Bach, boit du thé, roule en Citroën DS et porte un gilet à la Charlot. Non, ce n’est pas mon grand-père, c’est Patrick Jane. Un descendant propre sur lui de Columbo, ce qui ne peut pas être une mauvaise chose. Jane a aussi vécu la vie circassienne, et ça c’est sympa.

 

Voila pour le positif. Côté négatif…

 

1. Mentalist, ça reste un bon vieux polar de grande chaîne.
On ne va pas demander à une Mégane d’être une F1, mais on ne peut pas non plus en faire un sujet de contentement. Les intrigues hebdomadaires de la série sont au mieux correctes, au pire banales, avec des suspects un peu évidents et une enquête menée plus vite que la Redoute, dans les 45 minutes imparties. Du coup, à raison de 23 ou 24 épisodes par saison, on fatigue. Comme pour Dr House, on se prend à rêver de ce que la série aurait pu donner sur le câble, en version 13 épisodes et avec l’enquête sur John le Rouge seule. Comme ce n’est pas une option, on conclura donc que Mentalist, de temps en temps, ça va, mais toutes les semaines, c’est moins certain.

2. Mentalist abuse légèrement de son ressort dramatique central.
A chaque fin de saison, on nous refait le coup : Jane va choper ce salopiaud de John le Rouge et va lui faire la peau ! Sauf qu’à chaque fois, ben c’était pas lui, ou il s’en sort… Sans doute Bruno Heller sait qu’il sera face à un défi scénaristique majeur quand son héros se sera débarrassé de son obsession numéro 1, du moteur de toute sa vie, la traque du meurtrier de sa femme et de sa fille. Dans mes rêves, il aura l’intelligence de boucler la série sur ce qu’il a esquissé au début de la saison 4 : Jane tue pour de bon John le Rouge… mais, à la Memento, se met à traquer un autre John le Rouge, puis un autre… En gros, il perd la boule.

3. Mentalist n’est pas aussi solide sur le banc.
C’est un défaut commun à pas mal de polars : les personnages secondaires sont en net retrait par rapport au héros. Soyons honnête, Lisbon est pas mal du tout, et on aime le fait qu’elle semble porter la culotte. Le reste de l’équipe joue le rôle des gens sympas, divertissants, presque attachants, mais qu’il faudra bien zigouiller un jour ou l’autre pour relancer la dramaturgie (pas tous, hein, mais au moins un des membres de l’équipe). Ce n’est donc pas un défaut particulier au Mentalist, qui s’en sort correctement.

4. Mentalist n’a pas la même notion de la justice que moi.
Ok, si un type bute ma femme (que je n’ai pas) et ma fille (que je n’ai pas non plus), je verrai peut-être rouge. Mais, en attendant, j’ai un problème avec la loi du Talion (œil pour œil, etc.) soutenue pas Patrick Jane, un des pires fléaux de l’humanité, qui pousse des familles et, pire, des peuples entiers à se faire la guerre depuis des siècles. Plus douteux encore (attention spoiler), quand Jane abat un type qui se fait passer pour John le Rouge mais qui était en fait un « simple » psychopathe violeur, il est satisfait. Un sale type de moins, ça ne peut pas faire de mal. Ça ressemble à une validation de la peine de mort, ce qui n’est pas une surprise venant d’une série américaine, mais qui ne me plait pas plus que ça. Les assassins et les violeurs, on les met en taule, c’est aussi bien.

Mentalist, saison 4, sur TF1 le mardi à 20h50.

6 commentaires pour “Peut-on aimer le Mentalist ?”

  1. Et bien merci, tu viens de mettre des mots sur ce que je pensais de la série.
    Comme tu le dis, Mentalist, est une série attachante par la seule personnalité de l’unique personnage principal.
    Et personnellement je regarde plus la série comme une sorte de comédie centrée sur Jane plutôt qu’un polar dramatique traitant du désir de vengeance. (Et là encore, dans les deux cas, tout gravite autour de Jane).

  2. Définitivement, je n’accroche pas du tout a Mentalist.
    Le problème, plus que le format classique (après tout on est prévenu, même si là l’originalité c’est que… ah oui, il n’y a rien d’original du tout en fait) c’est le personnage principal. Je ne peux pas le supporter, avec ses questions de mec qui a lu le script et son air au delà de l’arrogance. Pourtant j’adore le cynisme d’un House (et je partage votre rêve de le voir fait par une cha^^ine câblée.), le pragmatisme infect d’un McKey ou l’arrogance décalée d’un Sherlock. Mais lui je peux juste pas.
    Et quand on est face à une série aussi héros-centrée, c’est assez rhédibitoire.

    Mais bon, les gouts et les couleurs…

  3. Tout pareil!! Je matte Mentalist quand j’ai le temps car de toute façon, l’intrigue générale n’évolue qu’au début et à la fin de la saison.
    Depuis la saison 3, je commence à m’ennuyer ferme devant Mentalist mais dans le genre polar, je le classe avec des séries du type Castle. C’est quand même mieux que les différents CSI.

    Maintenant pour que la série retrouve de l’intérêt, il faudrait soit tuer un des personnages secondaires, soit leur donner plus d’importance. Le personnage de Cho me fait marrer aussi et avec lui il y a de la matière!!

  4. Tiens je suis surpris par le point 4 côté négatif. Je partage le même avis et j’ai beaucoup de mal pour le faire accepter par mes amis (quand j’y arrive, invariablement on me sort le coup du méchant est un vrai salaud). Du coup je me demandais ce que tu penses de Dexter ? Et dans un autre registre, 24 est ce que ce n’est pas l’apologie de la torture ?

  5. Très bon article !
    Comme les autres qui ont commenté, je retrouve parfaitement ce que je pense de cette série.
    Sans être exceptionnelle elle offre du divertissement. Mais il est clair que le fait que la série soit uniquement centrée sur le héros et sa quête (qui n’avance vraiiiiment pas), est un poil lassant.

    Par contre, agréablement surprise de l’évolution du personnage de Cho. Il apporte une nouvelle petite dynamique humoristique grâce à son duo avec la blonde (dont j’ai oublié le nom xD).

    Et un énorme “plussoiment” en ce qui concerne votre avis concernant la loi du Tallion appliquée par Jane. J’avoue que ça me dérange aussi, dans la mesure où le héros est présenté comme quelqu’un de cultivé mais qui applique une idée qui aussi archaïque. Ca me fait un peu tiquer.

  6. Quel point de vue étonnant !
    Je tiens à préciser avant tout que je suis personnellement opposé à la peine de mort. Le rôle de cette réponse est d’être l’avocat du diable.

    Ce qui m’étonne dans cet article, c’est le parti pris sur la loi du Talion. Pire encore les ravages annoncés par le pire fléau de l’humanité… Je pense qu’un père qui apprend que sa progéniture a subi des violences d’un ancien détenu dira que son pire fléau est sorti de prison, non ? Je m’interroge sur cette idée -judéo-chrétienne ?- qui est de postuler : Non ce n’est pas bien de punir à vie un criminel qui va recommencer à tuer. Où est-ce écrit ? N’est-ce pas là une condamnation à mort des prochaines victimes ?

    Dans le cas qui nous occupe, le Mentalist sans e, il s’agit d’une série. Un domaine de fiction. Chouette ! On peut y voir des choses impossible dans la vie. Comme apprécier un tueur en série comme Dexter. Cela ne veut pas dire que l’on cautionne n’y qu’on veuille y réfléchir. Sinon on peut aller loin dans l’analyse : Je n’aime pas cette série car la référence à Cho n’est ni plus ni moins qu’une allégorie au personnage qui trahit Harry Potter à cause de la torture. C’est pourtant facile de deviner que c’est lui le complice de John Le rouge…

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