L’été approche, et avec lui le dégonflement progressif (et provisoire) de ce blog. Parce qu’il ne se passe plus grand-chose au pays des séries… et parce que moi aussi je prends des vacances. Comme on n’y est pas encore, je me suis dit qu’après The Slap, je prendrai aujourd’hui le temps de vous parler d’une autre série non-Américaine – si si, ça m’arrive – en l’occurrence d’une anglaise, Hit & Miss. J’aurais pu vous causer de The Newsroom, mais j’ai déjà donné mon avis ailleurs, et face à la polémique, j’attends d’en avoir vu un peu plus pour prendre parti définitivement – en gros, pour l’instant, j’aime bien, même si ce n’est clairement pas du grand Sorkin. Bref, en attendant, un mot de Hit & Miss.
Pour ceux qui n’en auraient pas entendu parler, Hit & Miss suit Mia (Chloe Sevigny), une tueuse à gage transsexuelle qui flingue pour payer l’ultime opération dont elle a besoin, celle qui lui permettra de se débarrasser du pénis qui demeure, excroissance encombrante, au milieu de son corps de femme. Un plan bien huilé qui se complique largement quand elle apprend que son ex, de l’époque où elle était encore un homme, a un fils d’elle, et qu’elle est mourante. Et Mia la tueuse urbaine de se retrouver seule avec ce fils et ses trois frères et sœurs sans ressources dans la ferme isolée où ils ont grandis.
Le pitch de Hit & Miss est au mieux surprenant, au pire improbable. Une transsexuelle tueuse à gage mère de famille malgré elle dans une ferme paumée ? WTF, comme dirait l’autre. Sauf que c’est Paul Abbott, le créateur de Shameless, qui a eu cette idée. Un scénariste qui sait faire naître, sous le chaos et les excès, l’émotion de personnages à vif, subtils, touchants. Abbott a lui-même grandi dans une famille nombreuse, septième d’une fratrie de huit délaissée par des parents largués. C’est de cela qu’il parle, encore une fois, dans Hit & Miss, de gosses abandonnés – ici d’orphelins – qui doivent se démerder, à la dure mais non sans amour et sans humour.
Dans Shameless, c’est Fiona, la grande sœur, qui gérait la famille. Ici, c’est Mia (les prénoms se ressemble un poil) qui va enfiler la veste de l’adulte responsable. Pour cela, il va lui falloir se faire accepter par ces enfants en détresse, dont son propre fils. Mais se faire accepter aussi pour ce qu’elle est : une mère de substitution, pas un père… quoi qu’un peu le père de son fils. Pour arranger les choses, les transsexuels ne sont pas nombreux dans la région et le propriétaire de la ferme est un rustre connard…
Il y a bien des scènes de meurtre dans Hit & Miss, plutôt belles, calmes, froides, pour nous prouver le savoir-faire et la violence rentrée de Mia. Son job n’est pas anecdotique, il apporte une dose d’adrénaline et de tension dramatique, mais il n’est pas essentiel. Hit & Miss est avant tout une histoire familiale, et celle de Mia face à son identité et son corps. Abbott ne cherche pas à faire du spectaculaire avec son sujet. Il y a bien ces scènes où Mia, nue, corps de femme avec sexe d’homme, déambule chez elle, s’observe, souffre face à cette chair impossible, elle qui voudrait tant n’être que femme. Crues, elles marquent indéniablement. Mais c’est sous les regards de Chloe Sevigny, qui décidément aime se « mettre en danger », que le trouble nait.
Qu’est-ce qu’être femme ? Qu’est-ce qu’une famille ? Abbott interroge, brouille les cartes, fait doucement naitre les sentiments, amitié, amour, haine, dans un décor aride, quasi vide, une ferme au milieu de nulle part. Il n’est pas aisé de voir, sous le regard tour à tour dur, tendre et triste de Chloe Sevigny, l’homme qu’a été Mia. Ce n’est d’ailleurs pas la question : Mia est une femme à part entière, qui traine malgré elle des bouts d’homme – dont son pénis. Sevigny sait laisser pointer ces reliques – sans mauvais jeu de mots – dans ses éclats de rage (une incroyable scène où elle frappe son pénis) et dans ses soucis de coquetterie parfois excessifs… A moins que ce ne soit le téléspectateur qui ne les cherche lui-même.
Diffusée sur la chaîne câblée Sky Atlantic, Hit & Miss est une série osée, à tous les sens du terme, qui prend à contre-pied nos attentes – j’ai cru au départ qu’elle serait un sorte de thriller avec un transsexuel – pour construire une famille et des identités à partir du désordre, des murs usés de sa ferme à la peau inconfortable de son héroïne. Et une preuve de plus du génie britannique…
Image de Une : Hit & Miss (Sky Atlantic)
Premier commentaire sur ce blog que je suis pourtant depuis belle lurette!
J’attendais que vous parliez de cette série que je viens de découvrir et dont je me “délecte”.
Merci pour cette belle critique, juste et bien écrite.
Superbe découverte qu’est cette série anglaise. Je ne peux que la conseiller. Enfin aussi une série où la question de la transsexualité n’est pas traitée à coups de clichés irritants.
Seul petit bémol à mon sens: le côté tueuse à gage n’apporte rien, en tout cas pour le moment. Autant je tire mon chapeau à Chloé Sévigny, autant je ne la trouve pas crédible en tueuse, même si cela nous éclaire sans doute sur certains de ses côtés sombres qu’on aperçoit ci et là… à suivre donc.
Sinon, vous n’allez quand même pas nous abandonner tout l’été? 🙂
@Claudia : le blog sera très calme sur juillet, mais je twitterai du Comic Con de San Diego (@MrSeries), et je reprendrai ma charge bloguesque dès début août.