Signature : “Oui, mais…”

Après un “pour ou contre Spartacus” à l’image de la série, sans pitié, prenons un peu de recul pour notre second face à face : Signature. La série de Hervé Hadmar et Marc Herpoux, malheureusement boudée par les téléspectateurs vendredi dernier (une très mauvaise nouvelle pour le futur de la fiction sur le service public), ne mérite pas qu’on soit “contre.” En revanche, qu’on n’en soit pas pleinement satisfait… Ce sera donc un “oui” et “oui… mais” en compagnie de Caroline Veunac, collègue de l’Hebdo Séries et ancienne de Générique(s). Et vous, vous en pensez quoi ?

Caroline Veunac de l’Hebdo Séries dit « oui » à Signature.
J’aime Signature parce que c’est une vraie proposition d’auteur(s), assez gonflée dans le contexte d’une fiction française tétanisée par l’audimat. Hadmar et Herpoux n’ont pas peur de poursuivre un rêve. La formule peut paraître mièvre, mais c’est rare d’avoir une vision (au sens : voir quelque chose) et le courage de la concrétiser. En tant qu’auteur mais aussi en tant que diffuseur (chapeau France 2 !), il faut de l’audace pour imposer en prime time une série plus atmosphérique que narrative, au risque de dérouter son public. Surtout quand le rêve est du genre cauchemar contemplatif et violent.
J’aime Signature parce qu’elle m’emmène ailleurs, un ailleurs qui n’est pas seulement géographique. C’est l’île de la Réunion filmée comme un espace mental, c’est aussi un ailleurs de la fiction télé telle qu’on a l’habitude de la voir. Signature s’extrait de la polarisation entre l’hyper-efficacité à l’Américaine et l’académisme à la Française, mais ne renie rien. Ni sa fascination pour les séries US, qu’elle métabolise à coup de références explicites et d’évocations sensorielles (la jungle et le climat sonore de Lost, le monologue intérieur de Dexter). Ni sa filiation avec un cinéma d’ascendance européenne où la recherche formelle prime sur le storytelling.
Comme un film de Lynch ou de Claire Denis, Signature fait appel à notre perception, plus qu’à notre rationalité immédiate. Les dialogues sont rares. Ça ne signifie pas que rien n’est « dit ». Dans le silence, la caméra s’empare des corps, de l’eau, de la chaleur, pour nous parler de désir et de retranchement. Pour nous parler d’un homme (impressionnant Sami Bouajila), pour qui l’insularité est avant tout intérieure. C’est plus bouleversant de le ressentir d’abord. Après on entendra des mots nous l’expliquer. OK, la voix off est inégale. Mais les ratés (il y en a d’autres), on s’en fout. C’est le prix de l’ambition.

Je dis « oui… mais » à Signature.
Je ne serai pas « contre » la nouvelle série – minisérie, en l’occurrence – de Hadmar et Herpoux, presque par principe. Parce que la fiction française a besoin d’auteurs et de techniciens de leur trempe, parce qu’à eux seuls, depuis Les Oubliées, ces deux-là ont redonné de l’espoir à ceux qui désespéraient de voir des œuvres plus ambitieuses sur nos écrans.
Ceci étant dit, je suis déçu. Sévère, parce qu’Hadmar et Herpoux méritent qu’on soit exigeant avec eux, mais néanmoins déçu. Pas seulement parce que j’aurais aimé voir un vrai duel, un affrontement sauvage entre Bouajila (par ailleurs très bien) et Bonnaire (beaucoup moins bien), un corps à corps en pleine nature, une randonnée mortelle où le sauvage aurait découvert son humanité et l’urbaine son côté sauvage.
Je suis déçu parce qu’il y avait encore plus à tirer du décor de la Réunion, en s’amusant un peu moins avec l’hélicoptère et en s’abandonnant un peu plus à la terre. Je suis déçu parce que j’ai ressenti peu d’empathie pour les héros de Signature, à la différence de Pigalle, la nuit ou Les Oubliées. Or, cette empathie est un élément clef de la narration lente et onirique d’Hadmar et Herpoux. Quand on redescend des séquences planantes, muettes, il faut s’intéresser aux personnages. Toman ne m’a pas fasciné. Daphné m’a franchement agacé.
Je suis déçu parce qu’il y a dans Signature, paradoxalement, trop d’explications inutiles, trop de plans sur les parents de Toman assassinés, une intrigue secondaire – les corps retrouvés nus sur la plage à la fin de l’épisode 2 – peu crédible et une chute qui m’a peu satisfaite – et dont on taira ici la nature.
Évidemment, Signature est au-dessus de la masse des séries françaises et, considérée comme un troisième volet d’une trilogie qu’elle formerait avec Les Oubliées et Pigalle, est une œuvre intéressante, riche, une proposition originale, osée, qui aurait sans doute pu donner une fiction captivante, enivrante, prenante. Sans doute ceux qui la soutienne pleinement ont ils pu embarquer dans le « trip » proposé par Hadmar et Herpoux. Je suis malheureusement resté à quai.

Signature : le vendredi à 20h35 sur France 2

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