The Walking Dead de la BD à la série

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The Walking Dead débute demain soir sur Orange Ciné Choc. J’ai pu rencontrer cette semaine Charlie Adlard, le dessinateur du comic dont est tiré la série (signé Robert Kirkman, et publié chez Delcourt en VF). Avant de vous laisser lire en paix cet entretien (si vous êtes pressés, sautez ce paragraphe), je voulais juste vous dire ce que je pense de la série, rapidement.

Si j’ai aimé le pilote, qui propose quelques-unes des plus belles scènes de cette saison 2010-2011, si j’ai apprécié le souci de dessin des personnages, l’inventivité de certaines situations, j’ai été déçu par la suite de la saison. Plus on s’est approché de la fin, plus je me suis ennuyé… et j’ai été très embêté par le final, poussif, inutile, ponctué par une affreuse explosion, et par un morceau de Bob Dylan rappelant vaguement le final de la saison 1 de Mad Men… Je ne dis pas que je n’aime pas The Walking Dead. Loin de là. Je pense juste, étant donné le formidable comic (pour l’instant supérieur à la série selon moi) que les scénaristes n’ont pas encore trouvé leurs marques. Il y a là de quoi faire une grande série, des personnages, une situation, des moyens et une chaîne (AMC) au très grand potentiel. C’est sans doute parce qu’on attend mieux de The Walking Dead qu’on peut émettre des réserves sur cette première saison. Et que, malgré tout, on se précipitera sur la seconde, à venir durant l’été. (Vous retrouverez aussi en fin d’interview le dernier Hebdo Séries, où nous avons pu rencontrer Robert Kirkman, Andrew Lincoln et Sarah Wayne Callies).

N’est-ce pas étrange de voir vos dessins prendre vie ?
Si, mais j’ai l’habitude. Ce n’est pas le premier comic book à devenir une série ou un film. Je ne m’attendais pas à voir la série ressembler à mes dessins. Je ne suis pas aussi naïf !

J’imagine que vous aviez au moins des attentes, voire des craintes…
En fait, le sentiment qui domine, c’est que tout cela est surréaliste. J’étais sur le tournage, à Atlanta, en juin dernier, et j’étais complètement dépassé, ahuri de voir autant d’argent et de moyens dépensés pour adapter un comic… mon comic. Je vis dans une petite ville dans la campagne britannique. Je suis si loin de tout cela. Le buzz médiatique me passe complètement au dessus de la tête. Je travaille dans ma bulle.

Reconnaissez-vous votre travail dans la mise en scène de la série ?
On m’a dit que les gens qui travaillent sur la série s’inspirent de mes dessins, particulièrement pour les zombies. C’est flatteur, rien ne les forçait à faire ça. La série, c’est la série, le comic c’est le comic, ils auraient pu prendre leurs libertés…

N’est-ce pas une preuve de respect de l’œuvre originale ?
Absolument. Frank Darabont et ses collaborateurs connaissent bien la BD, et veulent lui rendre hommage. A quoi bon acheter les droits de The Walking Dead si c’est pour faire n’importe quelle série de zombies ? Franchement, le scénario du comic n’est pas révolutionnaire, il y a déjà eu plein de films sur une idée similaire. Ils auraient pu faire une série sans nous demander, et nous n’aurions pas eu grand-chose à leur dire. S’ils ont acheté les droits de la BD, c’est pour s’en inspirer de près.

Quand vous avez regardé la série, avez-vous pu faire des parallèles clairs avec le comic, dans la mise en images ?
Je n’ai vu la série qu’une fois, il faudrait que je m’y replonge pour vous dire ça, mais on m’a dit qu’il y avait des parallèles évidents. Je suis un dessinateur très cinématographique, j’essaye de donner à mes planches une rythmique narrative très cinématographique. J’imagine qu’il y a quelques séquences dans la BD qui peuvent se traduire très efficacement à l’image…

N’est-ce pas agaçant de se dire que pour des millions de téléspectateurs, qui n’ont jamais lu la BD, Rick Grimes a le visage de Andrew Lincoln, pas celui que votre imagination lui a donné ? Ne vous sentez-vous pas dépossédé de votre personnage ?
Je ne suis pas assez naïf pour croire que les responsables de la série vont essayer de trouver des comédiens qui ressemblent aux personnages du comic. Ce serait impossible, et stupide. Je pense qu’on ne s’en sort pas si mal, d’ailleurs. Glenn est troublant de ressemble. Dale est aussi très proche de l’original… notamment grâce à son bob ! D’autres sont différents. Quand j’ai appris qu’Andrew Lincoln jouerait Rick, j’ai été surpris… et puis j’ai réalisé que l’essentiel, c’était que Rick soit un héros ordinaire, pas une brute épaisse, plutôt quelqu’un de fragile, et Andrew correspond tout à fait à cela. Ce qui compte avant tout, c’est que les personnages se comportent comme dans la BD. Pas qu’ils leur ressemblent.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que bien plus de gens verront la série que le comic. Ils sont 50.000 maximum aux Etats-Unis à connaître la BD, et plus de 5 millions, avec les rediffusions, ont vu la série. The Walking Dead, la série, n’est pas une œuvre de Robert Kirkman et Charlie Adlard, mais une œuvre de Frank Darabont, et c’est très bien ainsi. La série appartient à celui qui a décidé de l’adapter. Pas à nous. Personne ne s’intéresse aux auteurs d’un roman ou d’une BD adaptée, sauf quand il s’agit de J.K Rowling ou Stephen King !

Quelles sont selon vous les principales difficultés à affronter lorsqu’on adapte un comic book ?
La présence d’images, de références visuelles, est un obstacle majeur. Quand vous adaptez un roman, vous n’avez que des mots, au pire une illustration sur la couverture. Vous suivez des descriptions, mais avec une certaine liberté. Ici, il existe une définition visuelle claire : les dessins. Dès lors, faut-il coller aux dessins ? Faut-il s’en éloigner ? S’en éloigne-t-on pour faire mieux ou juste pour être différent ? C’est une problématique complexe…

Il semble que la série ne puisse jamais atteindre la violence des comics…
De ce que j’ai vu, ces six premiers épisodes, je ne trouve pas que la série soit moins violente que les comics. J’ai été au contraire impressionné par la dose de violence que l’on semble pouvoir montrer à la télé de nos jours ! Ce qui est essentiel, c’est qu’il y ait assez de violence pour créer un choc initial, pour faire rentrer le téléspectateur dans le monde de The Walking Dead. Ensuite, la violence n’a pas besoin d’être visible. Elle peut être hors champ, car l’esprit peut faire naître des images bien plus choquantes que n’importe quelle fiction…

Pour finir, soyez honnête et donnez-moi votre avis sur The Walking Dead, la série…
Honnêtement : j’ai aimé ce que j’ai vu. Je comprends que la série s’éloigne de la BD. S’il fallait qu’elle soit une pure adaptation, tout le matériel serait écoulé en 4 ou 5 saisons maximum, car la narration télé est plus rapide que celle du comic. Je pense que toutes les grandes lignes narratives de la BD seront reprises dans la série, et que la série pourra ajouter d’autres événements que nous n’aurions pas eu le temps de glisser dans la BD… Par exemple, les deux derniers épisodes de la première saison ne sont pas du tout dans les livres, et sont une déviation intéressante… mis à part l’affreuse explosion, à la fin (rires) ! Personnellement, j’aurais fait un autre choix de mise en scène (rires) !

La plupart des critiques (dont moi) trouvent ce dernier épisode franchement raté. Pas vous ?
Pour moi, The Walking Dead est avant tout une histoire humaine, réaliste, crue, et c’est vrai que c’est surprenant qu’ils se soient aventurés sur ce terrain presque SF… Ils ont sans doute fait ce choix pour marquer leur différence avec la BD, et peut-être pour dire aux fans du comic que la série a quelque chose d’autre à leur apporter.

Image de Une : The Walking Dead, AMC/Orange Cinéma Séries/Delcourt

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