Déjà magistral dans Pigalle, la nuit, Simon Abkarian est une des principales satisfactions des Beaux Mecs, qui débutent ce soir sur France 2 (20h35). Il y incarne Antoine Roucas, dit “Tony le dingue”, gangster à l’ancienne (un “beau mec”), qui s’évade après 25 ans de taule. Écrite par Virginie Brac et réalisée par Gilles Bannier, deux anciens d’Engrenages, Les Beaux Mecs marque une avancée intéressante dans la qualité de la fiction de France Télévisions, malgré ses imperfections. On aime son “buddy movie” drôle et touchant entre Tony et son partenaire d’évasion, Kenz, petite frappe des cités. On est un peu moins friands de ses nombreux flashbacks, qui racontent la vie de Tony. Avant de donner la parole, mercredi prochain, à Mhamed Arezki (Les Bleus), qui incarne Tony jeune, voici quelques mots de Simon Abkarian…
Le crime, c’était mieux avant ?
Non, le crime ça reste le crime. Y’a pas de bon crime. A l’époque des beaux mecs, les codes étaient différents. Il y avait bien plus d’espaces illicites en France, on pouvait faire ce qu’on voulait. Aujourd’hui, tout se sait. A l’époque, il y avait des lignées de gangsters, où les codes se transmettaient de génération en génération. Ces codes-là ont disparus, tout est sauvage, à l’image du capitalisme…
Les beaux mecs, ceux des années d’après-guerre, ne sont-ils pas des créations de la fiction, du cinéma notamment ?
Il y a une part de fantasme autour d’eux, car ils étaient invisibles, on ne savait pas grand-chose de leur réalité. Ils s’étaient eux-mêmes inventé un monde, un langage, un code qui a quelque chose de dramaturgique.
Du coup, il y a quelque chose de théâtral dans leur tenue…
À force de non théâtralité, de non-représentation, on arrive à tomber dans le quotidien, le plat, quelque chose sans relief. La théâtralité permet le plein et le délié. Aujourd’hui, quand on dit que quelque chose est théâtral, c’est presque une insulte, ça veut dire que ça sonne faut. Personnellement, j’en ai rien à foutre de voir un documentaire incrusté dans une fiction. Je veux qu’on me raconte quelque chose avec des acteurs qui se tiennent et qui jouent… tout en faisant disparaître leur jeu. C’est un paradoxe, mais c’est essentiel de jouer.
Quels sont les éléments qui définissent ces personnages ?
Ça change en fonction des époques, mais disons l’honnêteté, le panache, l’amitié, la fidélité. Ce sont des garde-fous. Ces gens s’étaient inventé un cadre, une prison dans laquelle ils pouvaient se créer une liberté – des règles discutables d’un point de vue moral et éthique, mais des règles. Aujourd’hui, les gens ont moins de limites, du coup ils existent moins. C’est un peu comme dans la comédie : si vous sortez du cadre de la caméra, vous n’existez plus…
Dans « Tony le dingue », il y a « dingue. » Comment faire transparaitre cela à l’écran sans en faire des tonnes ?
L’intérêt de ce côté-là, c’est qu’il magnifie, paradoxalement, l’humain. C’est comme dans les films de guerre : face à l’excès, on reparle de l’humain. C’est la beauté de Tony le dingue, qui est excessif dans sa violence comme dans sa manière d’aimer. Quand il est plus âgé, j’ai travaillé sur sa fatigue, car plus il est épuisé, plus la moindre étincelle de violence dans son regard est visible.
Au-delà du crime, les valeurs des beaux mecs vous correspondent-elles ?
Sur l’amitié, l’engagement amoureux, la promesse tenue, j’essaye de respecter des valeurs similaires. En revanche, je ne fais pas de l’argent la finalité de ma vie. L’argent, pour moi, c’est un outil. Eux voulaient ressembler aux gens qu’ils braquaient. Les beaux mecs étaient souvent de droite, racistes, sexistes, réactionnaires… Moi, je ne suis rien de ça. Et je ne suis pas de droite.
Mhamed Arezki « vous » ressemble-t-il dans la série ?
Oui, parce que ce qui a été écrit créé une véritable continuité entre lui et moi. Au début du tournage, je lui ai dit : “il faut que tu joue ce qu’il y a d’écrit, la ressemblance, on s’en branle. Si on suit la feuille de route du scénario, on arrivera à créer quelque chose”. Enfin, on s’est mis d’accord sur un détail, un seul, que Tony devrait garder entre sa jeunesse et l’âge adulte : il a toujours les jambes écartées quand il s’assoit (il mime, en s’asseyant, buste droit, jambes écartées, ndlr). C’est un signe d’ouverture et de virilité.
Images de Une : Simon Abkarian dans Les Beaux Mecs, France 2.
“Ces codes-là ont disparus, tout est sauvage, à l’image du capitalisme…”
Faudra qu’il nous explique en quoi c’était mieux avant ?
De même en terme de macroéconomie, en quoi les systèmes précédents étaient plus avantageux pour le peuple ?
“Les beaux mecs étaient souvent de droite, racistes, sexistes, réactionnaires… Moi, je ne suis rien de ça. Et je ne suis pas de droite.”
Marrant le fait d’insister par 2 fois qu’il n’est pas de droite !
[…] et ces films de gangsters aux codes des “nouveaux truands.” L’occasion, après Simon Abkarian la semaine dernière, de nous entretenir avec Mhamed Arezki, découvert dans Les Bleus, et qui incarne Tony le Dingue, […]