Les séries américaines ont des tumeurs plein les cerveaux

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Je l’admets, l’idée de ce post est surprenante. Et glauque. D’ailleurs, rendons à César ce qui appartient à César, elle vient d’un de mes collègues, Sébastien, critique ciné (ses articles ici et ici), qui me l’a suggéré au restau mardi soir devant une bonne salade basque – vous ne voyez pas le rapport ? Moi non plus. On était encore à l’apéro. Je lui parlais de ma récente interview avec Robert Knepper, le T-Bag de Prison Break (à lire ici), et nous voilà partis sur la dernière saison (foireuse) de la série, et (attention spoiler) sur la tumeur au cerveau de Scofield. « la vache, encore une tumeur au cerveau ! » lâchait alors Seb. Et nous voilà glissant de Prison Break aux tumeurs au cerveau dans les séries télé américaines. Et bien figurez-vous qu’en y réfléchissant, il y en a partout !

Vous vous en doutez, ce qui suit est truffé de spoilers, vous allez donc continuer à vos risques et périls. Si vous n’avez pas l’esprit assez tordu pour transformer un repas entre potes en discussion sur le cancer dans les séries, voici une petite liste des séries US concernées par la question. Accrochez-vous bien : Urgences, Six Feet Under, Grey’s Anatomy, Prison Break, Medium, Heroes, Bones, Private Practice, Ally McBeal, Melrose Place, Côte Ouest, Santa Barbara… je continue ? Quitte à être un peu didactique, je développe (attention, c’est là que ça spoile sévère) :

Dans Urgences, Mark Greene en meurt (déchirant), dans Six Feet Under, Nate découvre la sienne très vite (émouvant), dans Grey’s Anatomy, Izzie Stevens a un mélanome qui atteint son cerveau (ça compte), dans Prison Break, Michael Scofield est diagnostiqué en phase terminale (c’est lui le cerveau de la série, donc c’est logique), dans Medium, Allison Dubois croit un temps que ses pouvoirs viennent de là, dans Heroes, Hiro pense à peu près la même chose, dans Bones, Seeley Booth perd un peu de sa mémoire après s’être débarrassé de la sienne, dans Private Practice, c’est le frère d’Addison, Archer, qui croit en avoir une, avant de découvrir qu’il s’agit de parasites (bon, Gregory House s’en invente aussi une jolie, mais c’est un mensonge authentique), dans Ally McBeal, Billy Thomas en meurt (dans les bras d’Ally), dans Melrose Place, elle (la tumeur) donne une bonne excuse à cette c… de Kimberly pour devenir encore plus intenable, et dans Côte Ouest et Santa Barbara, ça ne vous intéresse pas vraiment, mais il y en a aussi.

Ouf. Ceci étant dit, cette liste n’a pas qu’un petit goût morbide amusant. Si autant de scénaristes collent des tumeurs dans les cerveaux de leurs héros, c’est que ce mal est une vraie bénédiction scénaristique. D’abord, quoi de plus flippant qu’une tumeur au cerveau ? Bien placée dans la narration, dans le crane d’un personnage attachant, l’effet sera violent : au top 10 des morts atroces, avec souffrances terribles, la tumeur au cerveau fait bonne figure dans l’imaginaire hypocondriaque du téléspectateur. Avec un peu de pot, ce dernier aura un bon mal de tête à force de fixer sa télé, et s’en trouvera une, de tumeur. Effet d’identification assuré. Une tumeur au cerveau, c’est donc aussi, évidemment, un outil émotionnel efficace, car mettant en danger même la personnalité, l’âme d’un personnage. Ultimement, quand celui-ci meurt, c’est le torrent de larmes assuré. Pensez Mark Green. La plage. Sa mort dans Urgences. Rien que le souvenir de cet épisode est à fondre en larmes…

Le souvenir, justement, voilà l’autre grande « force » de la tumeur : les personnages peuvent y perdre leur mémoire. Or, dans une série, c’est souvent là que réside l’émotion. Dans les souvenirs que nous partageons avec les personnages, bien souvent concrétisés dans des flashbacks. Un héros qui perd la mémoire et se bat pour la retrouver, c’est comme s’il ne voulait pas nous perdre – les amis, la famille de sa réalité et donc, par correspondance, nous, téléspectateurs. La mémoire qui déraille suite à l’apparition d’une tumeur au cerveau, c’est aussi la quasi certitude de l’hallucination et du « fantôme », grand classique depuis Six Feet Under, utilisé avec abondance dans Grey’s Anatomy avec le « retour » de Denny…

Bref, une tumeur au cerveau, c’est extrêmement glauque, triste, violent, et désormais un sommet de manque d’originalité dans les séries US. Presque une sorte de « shark jumping » médical – c’était complètement le cas dans Prison Break, qui pourtant s’y connaissait en sauts de requins. Aussi efficace soit l’apparition de ce mal à fort potentiel lacrymal, ce post pas joyeux veut se conclure sur un appel aux scénaristes (Américains ou pas) : arrêtez les tumeurs au cerveau. Faites comme Vince Gilligan (Breaking Bad), filez un cancer des poumons à votre héros, c’est plus sympa.

Image de Une : Anthony Edwards dans Urgences, NBC/France 2.

9 commentaires pour “Les séries américaines ont des tumeurs plein les cerveaux”

  1. Vous avez oublié de citer ma tumeur “préférée” : celle de Joyce dans Buffy.

    La tumeur de Joyce est remarquablement traitée (scénaristiquement, pas médicalement, puisqu’elle en meurt). C’est inquiétant quand on la voit s’évanouir pendant quelques épisodes, c’est poignant quand on apprend ce qu’elle a et qu’on voit la détresse de Buffy, qui peut botter le cul de vampires mais qui reste impuissante face à la maladie. On est soulagé quand on croit Joyce sauvée après la réussite de son opération, puis c’est le choc, horrible, quand elle meurt subitement, offrant à la série l’un de ses plus grands épisodes.
    La tumeur de Joyce est l’une des voûtes de la saison 5 de Buffy, car elle sert aussi au développement de l’arc mythologique (Joyce voit la vraie nature de Dawn quand elle délire à cause de sa tumeur) et introduit une bonne dose de réalisme dans une série fantastique, ce qui donne un mélange des genres des plus efficaces.

    Pour moi, avec il s’agit de la tumeur la mieux écrite des séries télé, avec celles de Nate dans Six feet under et de Mark Greene dans E.R.

  2. Excellent !!

  3. Ce que j’ai préféré de cette note? La dernière phrase!!!

  4. Je suis étonné que vous ne parliez pas de Lynette Scavo dans Desperate Housewife. ^^

  5. @Aioros @Silvio. Ah ouais, la vache, gros oublis… Merci pour ces ajouts.

  6. je pense que c’est l’aspect esthétique (on ne voit rien) qui se combine au côté irrémédiable car un cancer du poumon où le type crache tout ce qu’il a, ils ne vont pas aimer sur ABc..

  7. Les Sopranos ont aussi beaucoup de cancers, mais pas au cerveau :
    – Jackie Äprile,
    – Johnny Sac’,
    – Oncle Junior,
    – Le père de Bobby Bacchala
    – Le père de Carmela aussi il me semble

    A moins que tony ait réellement eu aussi un cancer, dans la 5ème saison, il se fait enlever un truc sur la tête, il dit que c’était une tumeur.

  8. Malgré le sujet franchement pas drôle… Je me suis marrée pendant toute la lecture de ce post ! Merci pour le listing, je n’avais pas remarqué qu’il y avait autant.

    Dans les conséquences (et souvent cause du diagnostique), il y a aussi le changement soudain et très marqué de personnalité. Changement de personnalité qui permet de redonner un bon coup de fouet au personnage de Billy dans Ally McBeal pour le faire partir en beauté.

  9. Ca a remplacé les cancers du sein qui ont été très à la mode pendant longtemps et depuis Love Story… mais c’est sûr que pour les mecs..; côté identification.. ça le faisait pas!

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