L’heure du bilan 1 : les drames

Treme

Les bilans, c’est pratique. Ils viennent toujours en fin de saison ou en fin d’année, à des périodes où il ne se passe pas grand-chose à Hollywood, où il n’y a pas de nouveautés, bref, une période où les blogueurs spécialistes des séries s’arrachent les cheveux pour avoir quelque chose d’intéressant à dire. Histoire de bien faire les choses, et de répartir la charge sur un mois de décembre qui s’annonce frigorifique, j’ai décidé ne vous déplaise de diviser mon bilan de l’année 2010 en cinq chapitres plus ou moins justifiables : les drames, les comédies, les séries françaises (pour ne pas en parler rapidement au détour du traitement essentiellement américain de ce bilan de fin d’année), les actrices et les acteurs. Pour plus de fun, on fera de chacun de ces chapitres un « top 5 », suivi d’un petit « et aussi » en forme de prix de consolation. A noter enfin que l’Hebdo Séries aussi fera son bilan, la semaine du Noël. Bilan qui sera bien entendu disponible sur ce blog.

Donc, comme annoncé, on commence avec les drames.

5. The Walking Dead
Appréciant beaucoup le comic book, j’attendais avec impatience sa relecture par AMC. Je n’étais pas le seul, et The Walking Dead a fait un carton d’audience. Un succès mérité. La série chapeautée par Frank Darabont est intelligente, solidement écrite, se détache rapidement du scénario de la BD, et offre quelques moments de bravoure – notamment dans un pilote très réussi. Elle ne mérite cependant pas mieux que cette cinquième place selon moi, la faute à un casting inégal (Andrew Lincoln est très bien, mais Sarah Wayne Callies et surtout John Bernthal sont tout juste passables), à quelques effets spéciaux foireux (les attaques de zombies sont un peu cheap), à un manque de gore (on nous avait promis quelque chose d’insoutenable, mais on est très loin de la violence de Dead Set) et, surtout, à un certain flottement dans le propos de la série, qui a pris plusieurs épisodes avant de trouver son ton. AMC tient à coup sûr une série addictive, puissante, aux héros forts, mais il lui faudra plus d’une saison pour en exploiter au mieux le potentiel. Ça tombe bien, une deuxième fournée est prévue pour l’an prochain.

4. Boardwalk Empire
Difficile de juger la série événement de l’année, machine de guerre qui, sur le papier, surclasse haut la main la concurrence. Martin Scorsese, Terence Winter, Steve Buscemi, Michael Pitt. A eux seuls, ces quatre-là fermeraient le clapet de tout critique décidé à se farcir leur projet pharaonique. Un critique qui serait qui plus est amadoué par la présence du formidable Michael Kenneth « Omar » Williams, un des chouchous de ce blog – et de Barack Obama. De fait, Boardwalk Empire inspire le respect. Réalisation grandiose, décors de toute beauté, morceaux de bravoure à tour de bras, acteurs exceptionnels… Ce n’est plus une série, c’est une compilation de qualités. Alors, pourquoi ne pas l’avoir mis en tête de ce classement ? Et bien, parce que c’est mon classement, un classement très subjectif, et que je ne suis pas friand des drames en costumes, aussi modernes soient-ils. J’admets la grandeur de Boardwalk Empire, mais je me précipite rarement pour voir ses nouveaux épisodes. Mea Culpa.

3. Justified
La série de FX a quelques mois d’ancienneté, mais elle reste une des grosses satisfactions de l’année 2010. De toute la vague de séries rednecks qui nous est arrivée dessus depuis la rentrée 2009, c’est la plus convaincante, utilisant avec intelligence l’ambiance Amérique profonde pour mijoter un western moderne en forme de polar rural. L’incapacité qu’à Timothy Olyphant de desserrer les mâchoires est ici un atout, et l’acteur, qui fait un sans fautes quand il porte le Stetson (cf. Deadwood) est parfait de décontraction fataliste, cowboy désabusé dans un monde pourrit comme il faut. La musique est aux petits oignions et les personnages secondaires parfaits – Walton Goggins est impeccable, et son personnage de salaud repenti redonne un coup de fouet bienvenu à la fin de saison. Nonchalante, plus solide quand elle développe une seule trame narrative – la mi-saison s’essaye à des épisodes unitaires – Justified offre aussi les scènes de fusillades les plus réjouissantes du moment, absurdes, tout en faux rythme, dont seule l’issue est prévisible : Raylan Givens (Olyphant), mâchoires serrées et flingue fumant, s’en sortira – sans doute joliment amoché. Pour les amateurs de comparaisons… fumeuses, quelque part entre Lucky Luke et John McClane.

2. Rubicon
Rubicon est lente. Il ne se passe rien dans Rubicon. On s’em… ferme en regardant Rubicon. Voilà à peu près ce que disent les détracteur du défunt thriller d’AMC. Et ils n’ont pas complètement tort. Rubicon fait partie de ces rares œuvres dont la patience, l’intelligence, le sens de l’ambiance auront sans doute été trop exigeantes pour le public, qui demande un peu d’amusement, un peu de divertissement, même dans les séries d’auteurs – je pense aussi ici au puissamment obscur John From Cincinnati. Cet anti-24h Chrono reprend les codes, le ton, la lenteur de ses modèles, les films d’espionnage comme Les Trois jours du Condor. On ne comprend l’intrigue qu’au bout de plusieurs épisodes. Rien n’est dit clairement. Si un indice vous échappe, vous êtes perdu. Comme trop peu de séries, Rubicon fait appel à l’intelligence du téléspectateur. Fait fonctionner notre capacité d’analyse. Joue, subtilement, avec nos nerfs. Pourtant taiseux, ses héros sont d’une rare épaisseur, losers magnifiques, dépressifs, chargés de traquer les terroristes enfermés dans une salle de réunion glauque, avec vu sur l’autoroute, et à partir de paquets de dossiers (l’informatique est presque bannie de leur quotidien). Servie par une photo de toute beauté et un casting brillant, Rubicon a été pour moi l’expérience sérielle la plus addictive de l’année. Une œuvre inachevée, annulée à tort par AMC.

1. Treme
Au départ, il y avait l’excitation du fan. David Simon, après deux chef d’œuvres, l’immense The Wire et l’exceptionnel Generation Kill, était de retour, toujours sur HBO, et sur un sujet qui promettait : la Nouvelle-Orléans de l’après Katrina. Une autre Amérique que celle de Baltimore, toujours à la marge et pourtant toujours symbolique d’une nation composite, dont les racines sont sans cesse tiraillées, arrachées, négligées. Celles de la culture afro-américaine, du jazz, du rythm & blues et du blues tiennent avec Treme leur champion. Hommage poignant à une ville et à sa culture, la série de David Simon est bien plus qu’une tribune politico-culturelle – tribune qui est d’ailleurs sa faiblesse, à force de lourdeur militante. C’est un portrait croisé d’une rare puissance, sur des personnages dessinés par un des maîtres de la narration télévisuelle, ici épaulé par Eric Overmyer, déjà son bras droit sur The Wire, et par une bande de romanciers de la Nouvelle-Orléans. Il n’est aucune série qui puisse actuellement tenir la comparaison avec Treme en terme de dialogues. Rares sont celles qui possèdent un casting d’une telle densité – de Wendell Pierce à John Goodman en passant par la poignante Melissa Leo. Il y a mille raisons d’aimer Treme. Tant de raisons qu’on s’y perd un peu. Ce qu’on retiendra, en attendant la saison 2, c’est la cohérence de l’ensemble, la vie, l’énergie qui s’en dégage, la puissance de cette musique unique, complexe et tellement simple à la fois, désespérée et pleine de joie.

Et aussi…
The Pacific, impressionnante mini-série d’une violence physique et émotionnelle à vous dégouter (pour de bon) du fantasme de la guerre photogénique. Lone Star, annulée bien trop vite par la Fox, qui aurait pu devenir la meilleure nouveauté des networks de la rentrée (qui l’est peut-être d’ailleurs malgré son annulation), Terriers, en mauvaise situation après la fin de sa saison sur FX, mais qui mérite l’attention du public, polar original, juste déglingué ce qu’il faut, Detroit 1-8-7, autre polar pas mal du tout, dans une veine réaliste casse-gueule mais crânement assumée grâce à une dose d’humour et à Michael Imperioli ou encore My Generation, tentative bancale de docu-fiction, inachevée mais intéressante.

Image de Une : Treme, HBO/Orange Cinéma Séries.

12 commentaires pour “L’heure du bilan 1 : les drames”

  1. Vous avez oubliez au niveau des nouveautés de 2010:

    The Pacific,
    How to make it in America (je le classerais en Drama),
    Spartacus (à partir de l’épisode 3, c’est géniale),
    Sherlock Holmes (il ne faut pas oublier les séries UK),
    Luther,
    etc…

  2. tout pareil !! même classement et même ordre 🙂
    (on peux bien aussi signaler quand on est d’accord avec tes jugements ^^ )
    j’apprends par ton biais la mort de Rubicon et j’en suis triste… “une œuvre inachevée” c’est tout à fait ça tant elle avait un développement possible immense…

    je mets un petit billet sur “Raising Hope” pour la catégorie suivant 😉

  3. En regardant Rubicon je me suis dit “mais comment vont-ils faire pour la 2e saison, il ferais mieux de n’en faire qu’une saison” puis en voyant le dernier épisode j’ai vraiment eu l’impression qu’ils nous avaient préparé autre chose mais qu’ils avaient changé leur plan pour laisser une ouverture vers une probable 2e saison, puis après j’ai appris qu’il n’y aura pas de 2e saison.

    Ils auraient mieux fait de ne faire qu’une seul saison, intense qui serait monté en crescendo, là l’avant dernier épisode est géant on est à l’apogée on se demande comment ils vont faire pour le suivant, et le suivant fut…beaucoup moins bon.

    Une idée de la date de sortie de Treme en France en dvd (j’imagine qu’elle sera diffusé sur une obscure chaine de orange…) ? Il me tarde de pouvoir voir cette série !

  4. Treme est déjà passée en France, sur Orange Cinéma Séries effectivement, début octobre. Pas de date pour le moment pour le DVD.

  5. En effet, The Pacific a sa place. Je le rajoute. Merci pour cette précision. HTMIIA sera dans les comédies (il s’agit d’une comédie dramatique selon moi), je ne suis pas friand de Spartacus, je n’ai pas vu l’excellente Sherlock (une grave erreur, je compte y remédier) et Luther est bonne mais pas suffisante à mon goût. Merci pour vos suggestions.

  6. J’avais complètement oublié une des nombreuses séries qui m’a vachement plu. Je peux le comparer au Six Feet Under d’HBO.
    Je parle bien sûr de

    Big C.

  7. +1 pour Treme, le choc esthétique de ce début d’année (je ne connaissais pas – encore – The Wire) et +1 aussi pour The Big C, belle série d’été, qui a su, en 13 épisodes, parler du cancer comme on ne l’avait encore pas fait, tout ça porté par la lumineuse Laura Linney.

  8. J’approuve entièrement le classement, l’exception de Trème que je ne connais pas (encore).
    En revanche pas de présence de Breaking Bad dans ce classement, alors que la saison 3 est un chef d’œuvre en matière d’évolution d’un personnage et de l’intrigue.

  9. D’accord avec Sherlock, dont le seul défaut aura été d’être trop court (mais “more to come” comme on dit..)

  10. @Johny : nous parlons de nouveautés ici cher Johny. Donc de nouvelles séries. Pas de nouvelles saisons.

  11. completement d’accord pour Rubicon, surtout pour son acteur principal qui était déjà le seul que je reconnaissais dans the Pacific. Pareil pour Treme, qui envoyait très fort dès l’intro du premier épisode.
    Et au passage, merci pour Louie que j’ai découvert ici et dont j’ai regardé la saison 1 en une journée, un bijou d’humour…

  12. En voilà un joli top!
    Je m’attendais pas à être déçue par The Walking Dead, mais hélas c’est le cas. Pour ce que vous soulignez: les acteurs sont mauvais, et ça manque de gore (bon pour ça, j’avoue, je n’aurais sûrement pas du passer mon mois d’octobre à regarder Braindead ou des films de Fulci, ça a du influencer mon opinion sur la série). Le pilote était pas trop mal mais après je trouve pas la série très intéressante. Dead Set était bien plus réussite et surprenante à mon goût.

    Rubicon c’est lent. Oui et non. Je crois que ça dépend du spectateur cinématographique qu’on peut être à la base. C’est lent pour de la télé parce qu’on y est pas habitué. Et c’est justement parce qu’elle est atypique et qu’elle a une atmosphère singulière qu’elle est si intrigante. Et finalement, vous l’avez décrite de la meilleure façon qui soit en la qualifiant d’expérience sérielle.

    Il faut que je m’attaque à Justified alors? Damn it, I got no time!

    C’est pas facile de peaufiner un top si tôt je trouve (parce qu’il me manque encore un ou deux épisodes de Treme, Boardwalk Empire et Rubicon à voir) et que du coup, moi, bien casse-pied, si je fais un top, je n’aime pas y compter des saisons que je n’ai pas vu en intégralité. Et en plus je mélange avec les séries UK, parce que je vois plus de séries UK que US. Donc, moi ton top pourrait bien changer d’ici quelques jours, mais pour l’instant:
    5) Sherlock. Parce que les acteurs sons géniaux, que la réalisation est pas mal, et surtout, que les scénarios sont bons (un peu moins pour le 2nd épisode mais c’est pardonnable). J’ai cependant un peu peur que la 2ème saison ne soit pas de la même qualité s’ils font plus d’épisodes… Sit & wait comme on dit.
    4) The Silence. Mini série britannique absolument magnifique! Une série où un grand travail sur le son est enfin fait (car cela raconte l’histoire d’une jeune fille sourde). Une vraie bonne surprise de l’été!
    3) Money. Ou la mini-série que personne n’a vu (j’exagère peut-être un peu). Avec Nick Frost et Vincent Kartheiser. L’histoire n’est peut-être pas exceptionnelle mais elle est magnifiquement mise en scène.
    2) Terriers. J’en pleure encore.
    1) This is England ’86. Parce que j’aime recevoir des claques, et ne penser à rien d’autre pendant des semaines qu’une bonne série. Parce que j’ai besoin qu’un drama me bouleverse, ne me laisse pas indifférente, et là c’est pari réussi.
    Mentions honorables à Dive et Five Daughters. Et puis, oui si j’avais déjà fini Rubicon, elle serait dans ce top. Treme aussi d’ailleurs. Pour Boardwalk Empire, j’ai un peu plus de réserve.
    Je blablate, je blablate un peu trop même non?

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