Ce type-là va mal finir. Ce n’est pas moi qui lui ferait mal, mais un jour, une de ses cibles va craquer et lui en coller une. Kurt Sutter, le créateur de Sons of Anarchy, ancien de The Shield, possède la plus grande gueule du monde des séries, le caractère le plus trempé, et le blog le plus incroyable du moment, où il envoie balader tous ses détracteurs à coups de petits noms pas toujours raffinés. Et comme si ça ne suffisait pas, il twitte. Personnage entier, forte tête, auteur d’une bonne série, Sutter mérite le respect. Sa prose, elle, laisse pantois, à la fois sidéré, hilare, accablé et rafraichi. Ce lundi, j’ai décidé de vous traduire son dernier post, où il s’en prend violemment… aux critiques de séries. Morceaux choisis. Attention, âmes sensibles s’abstenir.
“Oh Mon Dieu, cette série craint trop à mort !” (ça c’est le titre).
“Le titre original de ce post était “Pour tous les enculés qui n’arrivent pas à voir plus loin que les traces de sperme sur leurs claviers”, mais puisque j’essaye d’améliorer ma réputation de grande gueule, je l’ai changé. Ça fait du bien de grandir. Au cas où vous l’ignoreriez, je suis un homme très sensible. Je suis facilement blessé, et je pleure beaucoup. Je rumine, je réagis. Je ne tape jamais sur des humains ou des animaux, mais je défonce volontiers un mur, une porte ou une fenêtre (…) Hier, j’ai appris que mon preneur de son démissionnait avant la fin de la saison (…).Maintenant, il y a un trou dans le mur du club house.
Je tenais à vous raconter ça pour que vous compreniez pourquoi je préfère ne PAS lire les critiques. Quand je bosse 70 à 80 heures par semaine, mal nourri, super fatigué, et quand ces opinions déboulent, c’est difficile de les prendre à la légère. J’ai tendance à être boosté par les bonnes critiques, puis à tout remettre en cause suite aux mauvaises… C’est malsain pour tout créateur, et encore plus pour moi. (…)
J’ai déjà lu des critiques de Sons of Anarchy qui étaient très réfléchies, bien construites et très juste… pour ceux qui les avaient écrites. Même si c’est douloureux, je respecte les gens qui dépensent du temps et de l’énergie pour écrire une critique. C’est ça, être un bon critique. Les critiques analysent, c’est leur forme d’art. Malheureusement, ce n’est pas comme ça que bossent la plupart des critiques, qui n’auraient toujours aucune idée de ce qu’est une critique même si on leur ouvrait le crane et qu’on foutait des connaissances là où leur cerveau est censé se trouver. La blogosphère est pleine de ratés frustrés qui n’ont pas réussi à devenir de vrais journalistes ou de vrais écrivains. A mon humble avis, il y a à peine 10 bons critiques aux Etats-Unis. Je ne donnerai pas leurs noms (mes couilles ne sont pas aussi grosses que ça…) J’ai décidé de faire ce post après avoir lu quelques mauvaises critiques. J’ai été frappé par leur ignorance et leur simplicité. Malheureusement, une de ces critiques est l’œuvre d’un chroniqueur d’un quotidien national, et sa prose est comparable à celle d’une ado de 14 ans. Son article était bourré d’émoticons et de “Oh Mon Dieu, Diiinnngue.” (…)
Si vous êtes téléspectateur et que vous n’aimez pas une série, vous changez de chaîne, mais si vous êtes critique, votre boulot n’est-il pas de remonter vos manches et d’essayer de comprendre l’œuvre dans son contexte ? Comparer toutes les séries avec la même grille de lecture est une belle putain de preuve de fainéantise. Bon, je n’ai rien contre me faire enculer tant que celui qui m’encule prend un peu de temps au préalable pour inspecter l’intérieur et l’extérieur de mon fion (ok, cette comparaison me fait aussi frissonner).
Voici donc un petit mémo pour les pénétrateurs non éclairés — et j’insiste, je ne dis pas que Sons of Anarchy ne mérite pas de mauvaises critiques. Elle en mérite sans doute. Elle n’est pas meilleure ou pire que tout ce qu’on voit à la télé — ceci est juste une précision pour quand vous vous assoirez face à votre clavier avec la malice au cœur et une dealine à respecter : Sons of Anarchy, ce n’est pas The Shield, ce n’est pas Les Soprano, c’est encore moins Mad Men. Si je devais la comparer à un autre drama, ce serait Battlestar Galactica (…) Les deux séries sont “bigger than life.” Elles reposent sur une thématique riche, mythologique, et costumée (…) C’est fun et dramatique à la fois (…) En tant que scénariste, j’ai toujours adoré jouer avec les genres, les pousser dans leurs retranchement. C’est ce que j’essaye de faire avec Sons of Anarchy. Je promet aux téléspectateurs que je ne me laisserai pas influencer par l’opinion des autres. Je n’abandonnerai pas ma vision de cette série, je prendrai des risques. Je défierai votre capacité à supporter la violence, le drame et l’absurdité. Et, à l’occasion, je vous ferai ricaner comme une gamine de 14 ans…”
Pour lire le post en entier (ce qui est vivement conseillé), c’est ici, en anglais.
Image de Une : Kurt Sutter (à gauche) avec Charlie Hunnam, sur le set de Sons of Anarchy. Fox.
Je suis directement allé sur son blog pour lire le post en entier et en Vo, et j’espère que ça lui a fait du bien de l’écrire.
Quoi qu’il en soit, je suis de tout cœur avec lui. Sa série est “one of a kind” et je pense qu’il n’a pas à rougir de la comparaison avec les œuvres qu’il cite, même si sa modestie l’en empêche.