Un blog, ça sert aussi à ça. A jeter des idées qui, avec un peu de pot, se concrétiseront dans quelques années… ou jamais — auquel cas on se sera planté. Ça ne coûte rien d’essayer. Aujourd’hui, je veux prendre ce pari (pas très risqué à mon avis) : dans quelques années, une partie de la production sérielle (américaine essentiellement, mais pourquoi pas française) sera décidée par les téléspectateurs eux-même. Nous entrons doucement dans l’ère du fan producteur, une époque où les chaînes ne sont plus seulement à l’écoute du consommateur, mais répondent concrètement à ses attentes, lui laisse le choix. Au point de faire prévaloir son avis sur celui des scénaristes eux-mêmes ?
Vous me direz, ça fait belle lurette que les téléspectateurs sont maîtres en la demeure. Les audiences décident du sort des séries, quelle que soit leur qualité. Les enquêtes, les panels, les interrogatoires de consommateurs sont courantes, et une projo test peut amener des changements conséquents dans la préparation d’une nouvelle œuvre. Mon avis est que, grâce à internet, les choses vont évoluer, et ce ne seront plus quelques voix choisies au hasard (le calcul de l’audience, il faut le rappeler, est basé sur un échantillon représentatif, pas sur l’ensemble des téléspectateurs) qui décideront du sort d’une série : ce seront l’ensemble des fans connectés à la toile.
Certains scénaristes avouent déjà garder un œil sur les forums, lire attentivement ce qui se dit dans le courrier envoyé chez le diffuseur de leur série, et modifier leurs orientations en conséquence. A ce stade, on est plus proche d’une politique un poil populiste : on ne “gouverne” plus sa série en fonction de ce qu’on croit juste, efficace ou novateur, mais en fonction de ce qu’on croit être du goût du public. D’où une flopée de nouveautés sans saveur, qui caressent le vieux chien fainéant de l’audimat dans le sens de son poil fatigué. Attendons la prochaine étape : la soumission directe au public des projets en cours. Et si on postait sur le site des networks les pitchs des pilotes pour savoir lequel a le plus de chance de marcher ? C’est cette ère du “Like” facebookien qui s’annonce.
Traitez moi de pédant ou de pessimiste, mais à ce petit jeu là, l’originalité ne l’emportera jamais. La médiocrité terrassera toute opposition. La notion de “niche”, si honnie en France — à tort — et grâce à laquelle les chaînes câblées américaines continuent de nous émerveiller, n’y résistera pas. Au mieux, les vieilles niches resteront pleines, les fans d’une série A en redemandant (exemple : Grey’s Anatomy, Private Practice, Off the Map, ou NCIS, NCIS Los Angeles, etc.) et ceux d’une série B faisant de même. Le public ne créera jamais une nouvelle niche de lui-même. Il faut lui forcer la main. Franchement, combien d’entre nous aurait voté pour voir une série sur un prof de chimie cancéreux se lançant dans le trafic de méthamphétamine ?
Prenons une application concrète de cette théorie (concrète mais imparfaite, je l’admet, puisque ne touchant pas un scénario). Depuis hier, les fans de Grey’s Anatomy (et nous, et vous, et n’importe qui) peuvent voter, via le profil Facebook de la série, pour élire l’affiche officielle de la prochaine saison. Une technique marketing efficace, puisque près de 140.000 “likes” ont déjà été apportés à l’un ou à l’autre des six posters mis en ligne. Évidemment, ce n’est que mon avis, mais jetez un coup d’œil à la favorite (ci-dessous), qui l’emporte pour l’instant très largement, avec plus de 57.000 “likes”. Rien d’original. Rien de neuf. La plus réussie, la plus créative à mon sens ? Celle où la skyline de Seattle se dessine sur une bande Velpeau (en tête de post). Elle totalise pour l’instant… à peine 4.000 “likes.”
Image de Une : affiche pour la nouvelle saison de Grey’s Anatomy, ABC.com
je suis entièrement d’accord avec cet article, j’aime bien tenir un blog sur mes lectures et un peu sur les séries et films, je suis libre de donner mes humeurs car je suis certaine que cela n’influencera pas les créateurs, évidemment que le spectateur veut que tout se termine bien , si Cudy avait épousé Greg House à la première saison on serait dans “les feux d e l’amour” et pas dans cette série culte.
Ceci dit je me demande bien comment ils vont faire dans la saison 7 et j’espère qu’ils sauront s’arrêter à temps!!
Merci pour votre blog
Luocine
http://luocine.over-blog.com/
Sur cet exemple – on oublie que des series comme Grey’s fonctionnent sur la base des personnages (un autre des posters, qui finira sans doute en couv de DVD, compte quand meme 14 personnages principaux – 14!). Ces shows ont un viewership de network traditionnel – ABC, chaine Disney. Donc certes ce n’est pas tres creatif, mais c’est normal de porter son choix sur ce qui a le plus de force emotionnelle – sans surprise, d’ailleurs, uniquement des personnages originaux de la serie, aucune nouvelle tete.
A mon avis, si on transposait ce “choix” d’Affiche a une serie du cable comme Mad Men – ou meme True Blood, a la limite, d’une part la creativite serait a la base du truc, mais d’autre part le public etant lui-meme au courant de ce qui fait de cette serie un evenement en soi, choisirait peut-etre l’affiche la plus creative.
Ou les producteurs lanceraient un concours de posters, a la limite. Les communautes Mad Men ou Lost par exemple sont a la pointe de l’inventivite graphique.
Mais sur l’article, entierement d’accord. Si on m’avait dit un jour que ma serie preferee se porterait sur l’univers du foot americain dans le lycee d’une petite ville du Texas, j’aurais bien rigole. Et pourtant, chaque heure de Friday Night Lights est un bijou de dialogue, d’image, de jeu d’acteur.
Et maintenant que les Emmys reconnaissent meme les series de niche (belle moisson cette annee – mais petit regret pour Kyle Chandler et Connie Britton, quand meme), aucune raison pour que les networks n’investissent pas un peu plus dans les series qui ne sont ni policieres ni medicales!
Comme deltadawn, j’ai pas le sentiment que cette tendance va se confirmer. Pour des séries comme Grey’s Anatomy c’est pas vraiment étonnant on est dans le “plan-plan”, il y a très peu d’enjeux narratifs originaux, tout tourne autour d’histoires sentimentales qui peuvent prendre mille voies différentes.
Tout le contraire des grands succès critiques de ces dernières années qui mettent en avant le talent des scénaristes, un storytelling aiguisé et la création de personnages atypiques. Bref, plutôt des récits très écrits, pour lesquels ont salue de plus en plus des créateurs/artistes, à l’image de Matthew Weiner. Très dur d’insérer du “people choice” là-dedans.
Je pense que beaucoup de gens ne prendraient pas au sérieux ce genre d’initiatives, c’est comme si Bret Easton Ellis faisait des sondages sur un forum pour créer la trame narrative de son prochain bouquin. Ses lecteurs attendent de lui qu’il soit inspiré, or c’est un peu la mêem chose pour les séries. On cherche de plus en plus du travail d’artiste qui nous surprenne en permanence, pas un cadavre exquis bancal extrait sur des interventions dans des forums.