Mon mystère au Canada…

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Haven, série librement adaptée d’un roman de Stephen King, débute aux Etats-Unis ce vendredi, sur SyFy (elle sera diffusée d’ici la fin de l’année sur SyFy Universal, la version française de la chaîne). Ce polar fantastique se penche sur le quotidien d’une petite ville du Maine (nord-est des Etats-Unis), Haven (littéralement, “le refuge”), où cohabitent des humains dotés de pouvoirs surnaturels… qu’ils ne contrôlent généralement pas. L’agent du FBI Audrey Parker (Emily Rose, vue dans Urgences et Brothers & Sisters) est envoyée sur place pour enquêter sur un meurtre, et s’installe en ville, persuadée d’être liée aux mystères de la région. J’ai pu me rendre sur le tournage de la série, à Lunenburg, Nouvelle Écosse (photo ci-dessus), presque le bout du monde…

Normalement, il aurait du pleuvoir. Le ciel est saturé de nuages noirs, balayé par un franc vent du large. L’aéroport d’Halifax, Nouvelle Écosse, est resté à sec toute la journée, mais ça ne va pas durer. “Ici, le temps est imprévisible. On a eu des été caniculaires et des hivers avec des tempêtes de neige.” Ma conductrice, plantée avec sa pancarte “Haven” à la main, à l’air de s’y connaître en météo. Ce n’est pas la foule dans le hall d’arrivée, et pour cause. Halifax, c’est loin. L’extrême Est du Canada, presque une île. Un peu plus haut, et vous êtes en Terre Neuve. En sortant du parking, des collines vertes couvertes de résineux s’étendent à perte de vue, balafrées par les autoroutes et les zones industrielles. S’il n’y avait pas un ou deux drapeaux à la feuille d’érable pour nous rafraichir la mémoire, on jurerait être aux Etats-Unis : routes interminables, grosses voitures, fast food, tout y est. L’accent de ma conductrice me ramène à la réalité. On est bien au Canada, et je dois tendre l’oreille pour saisir ses mots. “On en a pour une bonne heure de route.” Chouette, je sors tout juste de 7h30 de vol jusqu’à Montréal, puis 2h de plus pour joindre Halifax. Sans compter le changement d’avion. Destination finale : Lunenburg, 2317 habitants, décor principal de Haven.

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Ma conductrice est bavarde. En un peu plus d’une heure et demi de route, elle monte un dossier à charge sur son beau-frère — un con — et m’en dit un peu plus sur la région. Entre les averses, on sort les lunettes de soleils. Il fait chaud, puis il fait froid. Ça sent la crève à plein nez. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les gens qui vivent ici doivent être pénards. Si vous aimez les sapins et l’air frais, la Nouvelle Écosse est faite pour vous. Pour peu que vous soyez pêcheur, ce serait même un petit coin de paradis. A Lunenburg, on mange du homard comme de la salade verte. En plus cher. Il y a un Subway en ville, preuve que la région est touristique. Lunenburg est classée au patrimoine de l’UNESCO pour ses jolies maisons colorées et son petit port de pêche. Pas pour sa météo. Quand je descend de voiture, il fait à peine 15 degrés. Et la pluie menace sérieusement. La nuit tombe lentement, et on jurerait se promener dans un bouquin de Stephen King. Pas un rat dans les rues. Le vent souffle entre les bâtisses de bois, faisant grincer les enseignes branlantes. Seuls quelques restaurants, où s’attablent des touristes égarés, percent de leurs lumières l’obscurité embrumée.

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Le jour se lève à peine. Plongée dans un épais brouillard, grelotante sous le crachin, Lunenburg rêve de couette et de chocolat chaud. Il faut pourtant s’agiter. Il est six heures du matin, en ce lundi 28 juin, et nous sommes attendus sur le tournage de Haven. Quand je dis “nous”, j’entends mes 12 collègues venus du monde entier et moi, tous chargés par nos journaux respectifs de traverser les océans (certains depuis Singapour, une sacrée trotte) pour voir à quoi ressemble le Maine fictif de l’adaptation par SyFy de Colorado Kid, un petit roman de Stephen King sorti en 2005. Il y a dans ce groupe très scolaire un Italien volubile, un Sud Africain taiseux, un Hongrois, des Japonais, un Chinois de Hong-Kong, un Mexicain, un Hollandais et quelques attachées de presse pour jouer le rôle des G.O. On nous a réservé un bus scolaire, un vrai, à l’américaine, mais en vert. Très couleur locale. Ceux qui sont malades en autocar ont le réflexe de se mettre devant. Les cancres se collent au fond. Je choisi un siège au milieu. Le décor du jour se trouve à une bonne heure de route. Il faut être patient. A peine notre chauffeur à déboité sur l’autoroute que la pluie se met à tomber.

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Des forêts. Encore des forêts. Assez de sapins pour faire des joyeux à Noël jusqu’à la fin des temps. Et, enfin, une crique. Au creux des rochers, planté au bord de l’eau, un bar, le Grey Gull (“La mouette grise”), un des décors de la série. C’est là qu’on croise les acteurs, avant de se rendre sur le tournage. Il fait un temps pourri, mais tout le monde a l’air ravi. “Franchement, d’être paumé au milieu de nulle part, ça aide, se marre Lucas Bryant, un acteur canadien qui tient un des premiers rôles de la série, un flic. On n’a pas grand-chose d’autre à faire que passer du temps entre nous, du coup ça a créé un vrai esprit de groupe.” “Ouais, tout le monde est sympa ici, confirme le très détendu Eric Balfour, vu dans Six Feet Under et 24, et qui joue ici un type étrange, magouilleur en chef de Haven. Par contre, j’en ai ras-le-bol de ce temps ! Vendredi, c’était la canicule, aujourd’hui on se trimballe en gros pull…” A travers les fenêtres du bar, l’océan boit la tasse. Même les mouettes se planquent. Dans un coin, Anne Caillon, une française (on l’a vu dans la première saison d’Engrenages). Elle joue dans trois épisodes de cette première saison d’Haven. Elle a l’air ravi de me voir. “Mais qu’est-ce que tu fous ici ? C’est loin de tout !” On est venu la chercher spécialement parce qu’elle est Française. Il faut diversifier les origines des acteurs, ce serait un bon moyen d’internationaliser la vente de la série, m’explique-t-elle.

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Au centre de toutes les discussions, Stephen King. Assis en face de Shawn Piller, le producteur (photo ci-dessus), j’ose. “Ça vous gonfle pas un peu que tout le monde parle de Stephen King, et pas trop de votre série ?” “Nan, c’est un choix. On sait très bien que ça fera parler de Haven.” King n’est pas un garçon exigent. Il aime bien qu’on adapte ses bouquins, ça l’amuse, et ça rapporte gros. On ne saura pas combien, mais Piller confirme, la “marque” King n’est pas donnée. Il sait de quoi il parle, c’est lui qui produisait déjà Dead Zone, vu sur M6 chez nous. “Stephen est assez strict sur la façon dont on adapte ses œuvres, explique-t-il. Il demande à lire les premiers épisodes, et à voir le pilote. Puis il valide… ou pas. Après ça, il nous laisse bosser en paix.” De fait, l’auteur de Misery garde une casquette de producteur. Pour la forme. “S’il voulait, il pourrait débarquer sur le set et nous donner son avis. On serait ravi“, avoue Piller. “Ça serait génial, insiste Emily Rose, l’héroïne de la série (photo ci-dessous), remarquée dans le génial John From Cincinnatti. Il devrait faire une petite apparition, pour le fun. Bon, ça nous mettrait une grosse pression, mais ça serait marrant.” King n’est pas dans la place, on ne saura pas ce qu’il en pense. On sait juste qu’il a vu le pilote de Haven, et qu’il a bien aimé.

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Du Colorado Kid de King, il ne reste pas grand-chose dans Haven. “On a juste gardé le décor, l’ambiance, quelques personnages secondaires, et on y a greffé notre histoire d’habitants dotés de superpouvoirs, qui est absente de l’original“, explique Shawn Piller. C’est donc une adaptation très libre ? “C’est aussi un peu une suite, précise Balfour. On réalise en effet dès le premier épisode qu’Audrey Parker semble liée au cas du meurtre mystérieux du “Colorado Kid”, qui s’est déroulé des années plus tôt — histoire racontée dans le roman. De King, il ne restera donc qu’une “touch”, un ton, une ambiance. C’est suffisant, explique Piller, pour coller un “d’après The Colorado Kid de Stephen King” en fin de générique. Et ça, c’est un attrape-audimat de premier choix. “Ça fera venir les gens sur le pilote, reconnait-il. Par contre, s’ils n’aiment pas, il ne resteront pas. La marque King n’est pas suffisante. Il faut aussi que notre projet plaise…

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Après un nouveau voyage en bus, nous voilà enfin sur le tournage. C’est le déluge. Dans une autre petite crique, un bateau de plaisance a jeté l’ancre. Il arbore un large drapeau américain, histoire de bien nous faire croire qu’on est dans le Maine. Quelques voitures de police marquée “Haven Police” sont garées au bord de la route. Une ambulance aussi, plus bas, à côté du yacht. On tourne une scène macabre, où Rose et Bryant découvrent le corps sans vie d’un pêcheur, les deux bras et les deux jambes brisés. “C’est un épisode un peu vaudou, se régale Piller. En fait, un personnage a le pouvoir d’agir sur autrui en dessinant son portrait sur une feuille, puis en le torturant à son goût. Là, la feuille a été pliée en deux, cassant les jambes du type, puis en quatre, lui brisant les bras.” Charmant. Pour éviter l’averse, qui noie littéralement les techniciens planqués sous leurs parkas, je me réfugie sur le bateau. On y prépare la victime du jour, jambes violacées, prête à se glisser sous un drap et à faire le mort.

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Sous l’averse, la scène se déroule sans accroche. Les parapluies n’étaient sans doute pas dans le script, mais ils collent avec le décor. Et bizarrement, ça n’a pas l’air de déranger qui que ce soit — sauf le maquilleur, qui doit repasser par là à chaque goute de pluie mal placée. Après une grosse demi-heure de trempette, on retourne à notre bus. Il nous reste une dernière étape avant la quille : les décors du commissariat d’Haven. A une autre heure de route. Le coin est sympa, les paysages authentiques, mais il faut aimer voyager. Le QG des héros de la série est au frais, lui aussi. En plein centre d’un stade de hockey (voir photo ci-dessous). Les joueurs sont sans doute en vacances. Planqué sous les planches, un vrai petit bureau, avec salle d’interrogation, salle de réunion, accueil et tout ce qu’il faut pour faire vrai, jusqu’aux coupures de presse sur les murs, qui disent, si on y regarde de plus près : “qbfiuzbevizieuvbo zoeizev aieubvaei.” Ou quelque chose comme ça. Frustrant pour ceux qui voulait faire une pause littéraire. Collé au commissariat, l’intérieur du bateau du personnage d’Eric Balfour. L’extérieur est amarré dans le port de Lunenburg. Le grand luxe. Du 100 mètres carrés flottant, décoré dans un joli style colonial, tout en ébène. Si ce n’était pas un décor, on achèterait.

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Quand on ressort du stade, la pluie s’est arrêtée. Ça tombe bien, la journée est finie. On laisse Haven, Stephen King, Emily Rose, Eric Balfour, le brouillard, la pluie, le froid, les parkas, pour se réfugier dans un café. A la télévision, la Coupe du Monde de foot. Le Brésil rencontre le Chili. Dehors, il se remet à pleuvoir. Il est à peine 17h, et déjà la nuit tombe sur la Nouvelle Écosse. Quelque part, de l’autre côté des bois, un figurant aux jambes fracassées pour de faux, une actrice au regard mystérieux et une bonne trentaine de techniciens trempés jusqu’aux os font semblant d’être dans le Maine…

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Sous le drap bleu, une nouvelle victime mystérieuse…

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Emily Rose, en pleine pause maquillage.

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A gauche, Lucas Bryant, à droite, Emily Rose.

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Photos : Pierre Langlais.

Image de Une  libre de droits.

4 commentaires pour “Mon mystère au Canada…”

  1. Rien qu’à voir les photos et à attendre l’évocation des paysages et de l’ambiance, ça donne envie… pour la curiosité.

  2. TROP COOL ! T’as dû passer un super moment 😉
    ++

  3. d’accord avec Roxy..Bon maintenant, une fois vu le résultat final du pilote, la série ne restera vraiment pas dans les annales et je trouve qu’il y a plus d’ambianc edans ce billet que dans la série..

  4. Oh yeah ! J’ai vraiment vraiment hâte de pouvoir regarder ce que ça donne !

    (Accessoirement, article fort sympathique !)

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