La boîte à séries

Festival-TV-de-Monte-Carlo-2010-les-series-dramatiques-nominees_diaporamaLes séries télé n’ont pas leur Festival de Cannes. Difficile de juger une œuvre sur un seul épisode, il faudrait que le jury s’enferme des semaines… et puis, si l’avis des professionnels de la profession des séries (techniciens et journalistes) intéressait qui que ce soit, il y aurait plus d’émissions et de magazines sur les séries. Du coup, il y a Monaco. Le Festival de Télévision de Monte Carlo (c’est son nom en entier) a été créé il y a pile 50 ans, et c’est ce qui se rapproche le plus du rendez-vous immanquable pour le spécialiste des séries qui veut faire son boulot. On peut y rencontrer les plus grandes vedettes américaines du moment dans une sorte de gigantesque “press-call”, une suite de courtes interviews, et leur parler un moment. Un moment seulement. Car, les séries étant devenues un business porteur, tout le monde a le droit à sa part de gâteau. Pas si simple, dans ce cas, de combler son appétit.

A Monaco, tout le monde est de bonne volonté. La preuve, tout le monde veut faire au mieux. Les journalistes, qui savent que c’est une occasion en or de mettre en boîte des interviews, les attachés de presse, qui peuvent faire une communication massive en un temps record, les acteurs, qui sont royalement accueillis, et même les “entourages” des vedettes, pour qui “Monaco” sonne forcément princier. Problème : les intérêts des uns ne sont pas ceux des autres. Et le Festival ressemble à une énorme partie de tirage de couverture avec, dans le même lit, une foule de journalistes venus de toute l’Europe, un paquet de communicants (surtout américains) et plusieurs demi-douzaines de vedettes. Du coup, ils sont pas mal à se retrouver les fesses à l’air passé minuit…

En général, tout se finit bien. Les dix minutes d’interview promises (on n’obtient rarement plus, le planning est très serré) avec chaque “talent” (on dit comme ça, même quand le comédien en question n’a pas le moindre “talent”) sont honorées. En grands professionnels, les Américains, vedettes comme attachés de presse, font les choses avec le sourire, et offrent même quelques jolies répliques. Tenez, rien qu’aujourd’hui, j’ai appris que Ian Somerhalder, le Boone de Lost, aurait voulu jouer Sawyer, qu’Ice-T, le rappeur qui chantait autrefois Cop Killer et joue aujourd’hui… un flic dans New York Unité Spéciale, pense toujours que les flics sont des salauds (il a grandi dans le ghetto, et selon lui ça vous forge un caractère de rebelle à l’autorité), et que Dana Delany, alias Katherine Mayfair, partait pour de bon de Desperate Housewives (elle tient la vedette d’une série à venir à la rentrée, Body of Proof, sous-Dr House dont on renifle l’annulation précoce à 10km à la ronde…). Mais… parce qu’il y a un “mais.”

Mais dans la précipitation et les changements de “box” (on passe d’un enclos pour acteur à l’autre, dans une sorte de grand hangar), quelque chose meurt. Quelque chose que les moins de 40 ans (dont je fais partie) n’ont jamais connu, et qui manque ici cruellement : le temps. Le temps de s’installer, de discuter, de dépasser ses questions… Le temps pour le journaliste de ne plus penser “combien de temps me reste-t-il, quelle question ais-je oubliée“, et celui pour l’interviewé d’oublier sa comm, de sortir de ses postures tendances. Le temps de saisir ce qui fait l’essence d’une bonne interview : l’inattendu. A Monaco, tout le monde est prévenu, tout le monde est heureux de pouvoir parler à Simon Baker (Mentalist), Larry Hagman (Dallas), Ice-T, LL Cool J (NCIS LA), Julie Benz (Dexter), et tellement d’autres. Tout le monde sait que c’est une chance unique. Mais chacun, y compris les acteurs eux-même, se dit qu’un café, une terrasse, un silence, le temps qui passe entre deux questions, une vraie discussion, ce serait tellement mieux. Un constat qui ne s’applique pas qu’ici, au soleil de la Principauté, mais à la quasi totalité d’un monde médiatique (télévision et cinéma) où l’on pense que les longues interviews n’intéressent plus personne (la génération zapping…) et où, de toute façon, on n’a pas le temps de les faire…

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