“Pour sortir de la crise, écoutez les musiciens !”

 

Daniel Cohen est écrivain et professeur d’économie à l’Ecole normale supérieure de Paris et directeur du CEPREMAP (Centre pour la Recherche Economique et ses Applications).

Alors qu’une nouvelle fois, l’Europe revient au premier plan de la crise,  approuvez-vous les polémiques autour des relations entre la France et l’Allemagne ?

Il n’est pas mauvais de hausser un peu le ton mais il ne faut pas se tromper de débat. Avec ou sans madame Merkel ou monsieur Hollande, les gouvernements de droite et de gauche doivent cohabiter. Cette crise pour nous Européens, c’est le signe que l’Europe ne se gouverne pas elle même. On a voulu se doter d’une monnaie européenne au dessus des nations et au moment de régler les problèmes qu’elle a en partie générés, on découvre qu’il faut en référer encore au parlement allemand, le Bundestag. Le minimum serait de dire qu’en cas de choix budgétaire concernant disons les banques européennes, l’instance de décision, est européenne. Cette construction a minima ne s’est pas faite. Et l’Europe retombe dans tous les travers des années 30 : un régime monétaire oblige à l’austérité qui crée le chacun pour soi et fait remonter le populisme, alors que des élections européennes et nationales importantes sont programmées en 2014.

Comment réagir ?

Il faut sortir de cette course à l’austérité qui se transforme en purge. La France doit se tenir à un plan ambitieux, mais réaliste, d’une réduction progressive de 0,5% des déficits par an à partir de 2014. Peu importe que la Commission crie ou pas si l’effort promis est engagé, et tenu. Et, en contre partie des efforts demandés, les institutions démocratiques doivent proposer au peuple une boussole politique et économique. La crise économique s’accompagne d’un doute profond sur la nature de nos institutions, sur la capacité du capitalisme moderne à assurer le bien être à ses membres. Les hommes politiques n’ont pas de recette miracle. Comme leur rôle est pour l’heure d’annoncer des mauvaises nouvelles au peuple, ils doivent être irréprochables, d’où la nécessité de supprimer le cumul des mandats et les rémunérations excessives.

La croissance peut-elle revenir ?

Le gouvernement a prévu une croissance de 1,2% pour 2014. Le programme de réduction du déficit de plus d’un point de PIB va créer une nouvelle déception. On peut aménager les contraintes, mais le dynamisme industriel et la croissance économique ne se décrètent pas. Si l’on raisonne à plus long terme, il y a une incertitude radicale sur le retour de la croissance économique. La croissance dépend d’une capacité à innover, de produire du neuf qui est imprévisible. L’Américain Robert Gordon dit que la croissance du XXe siècle était une exception liée au passage de la société rurale à une société industrielle, à l’invention de trucs formidables : l’électricité, le tout à l’égout, le climatiseur, la télévision, etc. Il n’y aura pas une deuxième vague comme cela. Depuis vingt ou trente ans, l’essentiel des progrès sont liés à la révolution informatique qui créent, parallèlement, plus d’insécurité.

Alors où trouver des raisons d’espérer ?

Travailler pour produire une œuvre, c’est beau, comme disait la philosophe allemande Annah Harendt. Il faut retrouver le goût travail. Quelques pistes optimistes (*) : saisir au bond les révolutions qui se préparent dans le domaine médical (la régénération des cellules, les prothèses, la télémédecine) ; comprendre et écouter le message des musiciens qui ont déjà commencé à apprivoiser la révolution numérique. Les arts vivants, les concerts compensent la chute des ventes. Leur revenu progresse. C’est toute la métaphore du monde moderne. Le numérique, l’informatique se substituent au travail, mais dès qu’il devient complémentaire de l’homme, alors il créé de la valeur. C’est exactement ce que disait Marx, les machines, c’est du travail mort, seul le travail vivant produit de la plus-value.

NDLR : elles sont abondamment détaillées dans « Cinq Crises, 11 nouvelles questions d’économie contemporaine », ouvrage collectif du Cepremap, dirigé par Philippe Askenazy et Daniel Cohen, Albin Michel 768 pages, 24 euros.

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La flamme de Janos Starker

Ses suites pour violoncelle de Bach dans la plus pure, la plus nue, la plus sensuelle des émotions, c’était, et c’est, cela, Janos Starker. Né à Budapest, le 5 juillet 1924, il avait fait connaissance avec son instrument en 1930, à l’âge de six ans, avant d’entrer dans la nuit, et le brouillard, où sa famille s’était engloutie. Il en était revenu. “Celui dont la flamme intéreure gèle l’air autour de lui” nous a réchauffé pendant quelques décennies de son phrasé élégant et discret, de ses rires, de ses masterclasses passionnanes et passionnées. Il nous quitte aujourd’hui, quelques mois avant de célébrer ses 90 ans, mais du paradis des musiciens, son vibrato lumineux n’en finira pas de nous éclairer.

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la grenouille qui chante

Grande nouvelle pour l’humanité. Malgré la crise, les rapports parlementaires, NDDL, le mariage pour et contre tous, etc, voilà qui une nouvelle qui nous dit combien la vie est belle : 129 espèces nouvelles ont été découvertes autour du fleuve Mékong, entre le Vietnam, le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et la Chine,  dont une… grenouille qui chante !
J’aimerais bien la rencontrer !
Reste à espérer que la déforestation et les projets du Barrage Xayaburi ne la feront pas plus disparaître que la chauve-souris au nez en forme de tube, injustement appelée par les humains “Belzébuth”.

La Puce à l’Oreille  (du Mékong)

 

 

 

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DES PIANOS POUR PEUGEOT

 

 

Au Mondial de l’Automobile, porte de Versailles, Pleyel associé au Peugeot Design Lab ont présenté en exclusivité un magnifique piano qui aligne les prouesses esthétiques, sonores et visuelles. Son mécanisme abaissé met en valeur les mains du pianiste d’où qu’on le regarde et libère l’envol du son au-delà de la caisse.  L’utilisation du bois et de la fibre de carbone allège l’ensemble sans lui faire perdre ses qualités acoustiques. Un pas vers le futur et un espoir, illusoire, sans doute : Et si on aidait chaque famille à installer, à la maison, un piano, ça ferait peut-être du boulot pour les salariés d’Aulnay ?

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Le Parler Baroque qu’on aime

 

 

 

 

 

 

Coup de coeur, coup de foudre pour  Jean-Denis Monory et sa Fabrique à Théâtre !

Ses Folies Françaises offertes ces derniers jours dans le beau théâtre de l’Epée de Bois à la Cartoucherie de Vincennes ont le goût délicieux des plaisirs éternels. Tout y concourt : la saveur douce-amère du Clavecin d’Armelle Roux, les ombres et les flammes de l’éclairage à la bougie, les Fables merveilleuses de Jean de La Fontaine. Bien sûr, on les connaît par coeur, mais quel plaisir de les retrouver articulées dans la langue des Mousquetaires.

Jean-Denis ne nous prive pas du plaisir de retrouver dès les premiers mots ce Corbeau et ce Renard, avec quelle allure ! On l’écoute croasser, on l’entend rusé comme le Compère. Et puis, la trame dessinée, on embarque avec lui sur le fleuve magique de la belle langue française… Le lion et le moucheron, Pérette, les deux Pigeons, la Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf, tous s’incarnent sur scène grâce aux mots et aux mimes de l’acteur.  Paisibles, le clavecin va aussi son chemin au fil des suites de Couperin et nous dépeint les sentiments dans leur pureté virginelle : la fidélité, la pudeur, l’ardeur…

 

 

 

 

 

 

Ces Folies Françaises offrent une mise en bouche savoureuse de la belle saison d’amours à laquelle nous invite la Fabrique à Théâtre, la compagnie de Jean-Denis Monory pendant toute cette saison 2012-2013…

Des Contes Baroques de Perrault aux Femmes savantes, en passant par la création O Amour, un voyage dans l’imagine baroque à ne pas manquer partout où il passe et à poursuivre aussi à l’Epée de Bois, à la fin de ce mois, avec Passionnément, Anna Magdalena,  les confidences d’Anna Magdalena, l’épouse de Jean Sébastien Bach. J’y cours ! J’y vole !

 

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Quel temps fait-il ?

La météo, cela vous intéresse forcément. Le sujet de conversation bateau par excellence, celui qu’on partage en premier quand on se croise dans l’escalier, en montant l’ascenseur, en prenant le taxi, que sais-je encore… pour parler de la pluie, du beau temps, de la lune et des étoiles.

Alors pour alimenter vos conversation, j’ai noté pour un vous un site très amusant. C’est le site météoparis.com. Bien sûr vous y trouvez la météo de l’Ile de France, c’est sa fonction. Les précipitations, les températures, les prévisions, mais vous trouvez aussi, et c’est le plus drôle, la météo d’hier. Par exemple, le 20 septembre, en 1897, il neigeait abondamment sur les reliefs, à Saint-Dié, Rodez, le Puy.

En 1947, toujours le 20 septembre, une vague de chaleur incroyable passait sur la France, mais en 1962, il gelait. En 1985, sécheresse. en 1987, Canicule, et en 2003, il y a tout juste 8 ans, le thermomètre affichait 30 degrés et les cerisiers refleurissaient dans la région de Grenoble. Alors si vous voulez tout savoir du temps qu’il faisait l’année de votre naissance, vous pouvez aller faire un tour…

http://www.meteo-paris.com/almanach/jour/0921.

 

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Lumière d’automne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour lire Christian Bobin, choisissez un lieu pur comme une page vierge

Amassez grains de sable, cailloux et des algues mêlées, de l’écume mousseuse portée d’indécises risées.

Ouvrez le livre, respirez

Voyez comme la lumière du matin colore l’estran

Chaque mot a sa saveur et en parfume le suivant

Observez délicatement les étoiles semées

 

 

 

 

 

 

 

 

Sans les toucher, de peur de les briser

Puis, apaisé par sa lumière inspirée, partagez

 

 

L’Homme-joie, chez l’Iconoclaste,

 

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Le Piéton de Shanghaï… à Paris

 

 

 

 

Coup de coeur pour un petit livre rouge… Il s’affirme, il ose, dans les couleurs de l’ouvrage qui fut le plus distribué dans la Chine Populaire des Années Mao. Un clin d’oeil léger et volontaire de Zheng Ruolin, écrivain chinois et correspondant à Paris du Wen Hui Bao, le quotidien des intellectuels de Shanghaï, qui publie aujourd’hui chez Denoël, “Les Chinois sont des hommes comme les autres”.

J’ai connu Ruo Lin, il y a 25 ans, dans l’immeuble ancien de son journal, sur les bords du Huang Pu. Il était arrivé à vélo et m’avait alors fait visiter l’imprimerie avec ses plombs. Deux ans plus tard, il bénéficiait d’une bourse et venait finir ses études en France. Son épouse, Chin, écrivaine et traductrice, l’a rejoint. Depuis, piéton de Shanghaï… à Paris, il promène  son regard distant, amusé et réfléchi sur ces deux mondes si proches et si complémentaires que sont la Chine et la France. Il y retourne souvent, aux côtés de ses parents, qui ont élevé son fils, Lin. Aujourd’hui, le Wen Hui Bao a fait construire une tour de quarante étages dans le quartier d’affaire et Ruo Lin roule moins à bicyclette car il fait partie des heureux, et rares, propriétaires d’une voiture en Chine. Il me raconte toujours ce qui réunit et ce qui divise nos deux civilisations : les liens entre Versailles et la Cité interdite, le goût pour la cuisine, la littérature et l’amour que partagent nos deux peuples.

Voici qu’il vient de mettre tout cela en musique dans ce petit essai qui se lit comme une fable : on y comprend tout ce qui fait changer la Chine et tout ce qui la rend immuable, ses contradictions, comme ses convictions profondes : l’amour pour la famille et la tyrannie de l’enfant unique , la valeur des études et la révélation d’internet, la passion des voitures qui bouleverse le pays et la vénération fragile pour le jade si pur. Une promenade vivifiante en compagnie d’un ami chinois pour mieux comprendre, et accepter, nos voisins du milieu.

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AUTO BOTOX

Puisque l’air du temps est brûlant, puisque nous dansons sur un volcan, prenons le parti d’en rire et passons la tête au-dessus des étoiles… La Puce à l’Oreille prend aujourd’hui le relais du Point du Jour, notre rendez-vous quotidien de la saison passée.  Chaque jour, c’est promis, une idée, une nouvelle,  une pensée pour rire ensemble, rire à faire tinter les étoiles !!

AUTO-BOTOX, disais-je… Kesako ? Certes, elle a fière allure, la nouvelle Fiat 500 4X4 ! Nous la verrons bientôt pour de vrai, au Mondial de l’auto. Mais que dirait sa vénérable grand-mère, l’historique, la mythique boite à oeuf qui peuplait jadis les pavés ?

Métamorphosée, maquillée, caparaçonnée, difficile pour un carrossier d’antan d’y reconnaître encore ses petits…

O Tempora, O Mores, phénomène d’époque. Tout doit être lisse, gonflé, botoxé, désormais. Les joues, les yeux, les pare-chocs de toutes et tous…C’est ainsi que l’on a vu grandir et grossir un autre mythe, la Mini… devenue Maxi…

 

Image du monde

parfait ????

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Federica Matta fait de la poésie avec les enfants

Lune-soleil, Feu-follets, farfadets, fleurs-totem, sirènes géantes, tortues marines ont transformé de la base sous-marine de Bordeaux. Jusqu’au 8 juillet, avec son armée de la paix, Federica Matta entraînait ses visiteurs en voyage imaginaire dans ses Mondes Nomades. Pendant toute l’année scolaire, elle a accompagné 450 jeunes des quartiers Bacalan et Grand-Parc de Bordeaux pour préparer l’exposition qui anime et colore le U-Bunker construit par les Nazis entre 1940 et 1944. Son travail personnel inspiré par toutes les mythologies du monde se mêle aux oeuvres qu’ils ont réalisées. Au centre de la première alvéole qui recevait les sous-marins semeurs de mort, un immense mandala signe leur présence. Les écoliers y ont peint leurs “chamanimaux”, des silhouettes vertes, colorées, lumineuses qui  allument des points de lumière partout sur le béton noir. Ce bestiaire merveilleux parsemé de poèmes et proverbes venus du monde entier se visite comme un immense jeu de piste et réussit l’incroyable pari de semer dans cette forteresse de béton armé des fleurs d’amour et d’humour.

La Yemanja chasse les peurs

Quand elle vivait au Brésil, Federica Matta a été fascinée par la Yemanja, sirène mythique que les Brésiliens vénèrent. A Bordeaux, comme à Saint Nazaire où sa statue de 8 mètres trône toujours devant la base sous-marine, la déesse aquatique est reine de son univers. Avec les écoles primaires, Federica Matta a imaginé qu’elle guidait les bateaux des esclaves et chassait leur peur. Les enfants ont eux aussi réalisé leur sirène. Exposée dans l’une des alvéoles de la base, cette sculpture en papier mâché est entouré d’une forêt de bandelettes multicolores qui portent leurs vœux secrets. Transformée en mystérieuse cathédrale, l’une des salles qui présente l’œuvre de l’artiste permet de découvrir la Yemanja sous ses différentes formes et illustre cette pensée d’Edouard Glissant : « délaisse l’écume et regarde avec l’œil de la mer ».


L’abécédaire de l’esclavage lave les cauchemars du passé

Dans les quartiers, les mots ségrégation, racisme, exclusion appartiennent au vocabulaire quotidien. Avec Federica Matta, les élèves du collège Edouard Vaillant et leurs professeurs Eric Frétel et Cécile Collet ont unis leurs talents pour se pencher sur le thème douloureux du commerce triangulaire. Ensemble, ils ont dessiné l’abécédaire de l’esclavage, fragile rempart d’encre et de papier, pour rêver, illusoirement peut-être, que de telles actes ne se perpétuent plus. De A comme Abolition à Z comme Zombie, en passant par F comme Femme ou L comme Liberté, il se dresse, saisissant, face à un mur noir, criblé de balles, au plus profond de la base sous-marine. Après l’exposition, Il rejoindra le musée d’Aquitaine.

 

Le labyrinthe et l’arbre à poèmes apprivoisent les mots

Albanais, tamoul, espagnol, peul, arabe, portugais, chinois, plus de 18 langues cohabitent dans les quartiers de Bordeaux. « Que fais-tu de ta langue si personne ne la comprends ? », a demandé Federica Matta à ses apprentis. Pour les aider à apprivoiser le français et l’écriture, elle a proposé des formules adaptées à chacun. Les plus petits ont dessiné des fresques exposées dans le labyrinthe des mots qui amène chacun à s’interroger sur lui-même. Les plus grand ont traduit en français des proverbes de leur pays qu’ils ont ensuite calligraphiés. Leurs œuvres forment les fruits merveilleux du grand arbre à poème, inspiré par les poètes Rumi et Fernando Pessoa. On peut y lire notamment cette devise tamoul : « Ne me dis rien qui fasse plaisir, mais dis moi seulement ce que tu vois » et aussi ce poème inventé par une petite fille : « Toutes les places seront celles où tu m’as donné la main »

« Les voyages imaginaires et les mondes nomades de Federica Matta » jusqu’au 8 juillet à la Base sous-Marine, boulevard Alfred Daney, 33300 Bordeaux. Tél. 05 56 11 11 50. ou www.bordeaux

 

 

 

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