Une soirée à Maison-Maugis avec le jeune Schumann Quartett

Du Perche à Montpellier, le Schumann Quartett amène un vent de fraîcheur sur la musique à cordes

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Quand ils sont arrivés, un peu retardés par quelques intempéries et un train vagabond, la petite chapelle de Maison-Maugis bruissait paisiblement d’heureux bavardages. Précédés de leurs boites à instruments, les garçons bruns et la jolie blonde sont passés discrètement  entre les travées et se sont glissés dans la sacristie, derrière le retable baroque. Quelques instants encore, le temps pour Jean-Claude et Micheline Leconte de revenir les présenter. Tout le restant de l’année, les attentionnés mécènes du Pont des Arts (*) écument les concours à la recherche des jeunes talents qu’ils invitent l’été à partager une soirée avec la meilleure compagnie percheronne.

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Les quatre musiciens attaquent les premières notes du quatuor en ré Majeur op 76, n°5 de Joseph Haydn. Un petit mise en oreille délicate où l’autorité du premier violon, Erik Schumann s’affirme. A 32 ans, l’aîné des trois frères a déjà joué dans les plus grands orchestres d’Europe, à Salzbourg ou Lucerne, aux côtés de Gidon Kremer, Christophe Eschenbach ou Daniel Hope. Il mène Ken, 28 ans, comme lui violoniste, Mark, 25 ans au violoncelle et, à l’alto, l’estonienne Liisa Randalu. Incroyable quadrige que ces trois frères, élevés avec attention et exigence par Robert, le père, violoniste, et leur mère, japonaise et pianiste. A quatre ans, chacun manipulait déjà son petit instrument, à 12, ils accumulaient les prix et commençaient  à jouer dans les orchestres. A eux quatre, ils cumulent à peine plus de cent bougies et déjà des milliers de concerts au sein des plus prestigieuses formations.

Formés par Günter Pichler du Quatuor Alban Berg, fondé en 2007 à Cologne, révélations de la dernière édition du Concours international de quatuors à cordes de Bordeaux en 2013, mais aussi vainqueurs en 2012 du concours « Schubert et la musique moderne » en Autriche, du concours Paolo Borciani, en Italie et 2e prix au prestigieux Concours international de musique de chambre d’Osaka, au Japon. Cet impressionnant pedigree ne se lit pas sur ces visages lisses et souriants qui se jouent des traits les plus périlleux sous les regards admiratifs du public.

Quand ils sont entrés, on s’attendrissait sans les connaître encore : « comme ils paraissent jeunes… ». Quand ils enchaînent sur le périlleux quatuor op 40, n°1 en la mineur de leur homonyme Schumann, on s’ébaubit, on s’extasie. Technique et virtuosité ne cèdent  jamais à la fluidité et à la circulation entre les pupitres. C’est un jeu délicieux que de naviguer de la touche à l’archet tout en captant les échanges de regard entre ces partenaires. Esprit de famille, travail d’équipe, synchronisation parfaite, ces quatre là semblent respirer ensemble. Et si le casque d’or de la jolie Lisa contraste avec les chevelures de jais de ses compagnons, tous trois n’en redoublent pas moins d’attention pour laisser à sa touchante sonorité d’alto la place qu’elle mérite.

IMG_3397Après un entracte bucolique, égréné à pas lents entre la chapelle, le château et le potager de Maison-Maugis, les musiciens se lancent dans le fameux et terrible quatuor op 80 en fa mineur de Felix Mendelsohn. Œuvre sublime, pétrie de souffrance et de révolte, marquée par la mort de Fanny, sa soeur, et pétrie de son tragique destin. Avec la fougue de leurs vingt ans, les  Schumann emportent la nef illuminée dans les tempêtes de cette œuvre romantique et désespérée.  Là, les graves du beau violoncelle Testore (1710) joué par Mark, lebenjamin, élève d’Heinrich Schiff et Frans Helmerson, s’affirment avec révolte, puis sérénité.

Le public, bouleversé, s’apaisera avec le bis, tendre zakouski du quatuor en ut mineur D. 703 de Franz Schubert.Il reste juste sous les fûtaies complices de Maison-Maugis le temps pour les artistes d’être congratulés par le sénateur de l’Orne, Jean-Claude Lenoir et d’échanger avec quelques musiciens venus à leur rencontre, comme Philippe Chérond, violoncelle solo à l’Opéra de Paris et élève de Paul Tortelier. Déjà, les voici repartis vers de nouvelles salles et un nouveau public : au festival Radio-France de Montpellier jusqu’au 22 juillet, puis retour en Allemagne, au festival de Schleswig-Holstein, puis au Concertgebouw Amsterdam, à Davos, en Suiss, avant le retour, le 20 septembre, au septembre musical de l’Orne, pour un programme Mozart-Winkelmann-Schumann. Nous serons fidèles au rendez-vous.

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(*) Dans le cadre de leur saison, ils recevront le trio Atanassof, le 15 août à Maison-Maugis

Crédit photo Schumann Quartet ©DR

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