A propos de Gérard Mortier

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 Gérard Mortier, grand directeur d’Opéra, nous quitte aujourd’hui, à 70 ans. Son pancréas (celui qui crée tout…) n’a pas supporté le jour où de mauvais esprits lui ont barré brutalement barré la route de la création au Teatro Real de Madrid. Tant de chemins, pourtant auraient pu s’ouvrir encore à son talent fertile. Quelques souvenirs

 – Son bureau lumineux et discret au sommet de l’Opéra Bastille. Au large espace occupé par son prédécesseur Hugues Gall, il avait préféré une petite pièce chaleureuse et lumineuse où s’entassaient livres et partitions.

 – Sa discrétion bonhomme. Souriant et silencieux, il arrivait toujours, on ne savait vraiment d’où. Il s’excusait de courir autant, de ne pas pouvoir vous accorder tout le temps que vous méritiez, mais il avait tant, et tant à faire, disait-il de son petit accent gantois. Et puis, il s’asseyait et s’enflammait, volubile, dès qu’on évoquait avec lui la musique, la création, les arts et les lettres.

Figaro, l’Espagnol, celui qui se pose là avec son grand air ? Non, il ne l’aimait pas. Trop brusque, trop maladroit à son goût, trop matamore. Il n’en adorait pas moins, comme chacun d’entre nous, “les Noces” de Mozart, pour sa musique bien sûr, mais aussi pour ce regard moderne et dérangeant porté sur le mariage. « Imaginez, me disait-il, le scandale à l’époque : les serviteurs ne pouvaient choisir leur mariage. C’était surtout cela qu’ils réclamaient., cette liberté que la noblesse s’arrogeait encore.

Sa patiente diplomatie. Alors que tant de fauves de l’orchestre se défiaient de lui à l’opéra de Paris, il était parvenu en cinq années de mandat à apprivoiser les plus redoutables. A son départ, tous l’appréciaient. Même écho dans les chœurs qui ont, avec lui, repris du souffle. Patience encore dans son effort incessant pour éveiller le public, souvent un peu ronronnant de l’opéra. Avec lui, on apprenait à goûter les surprises, à aimer l’impair. « Je suis plutôt Méphisto, celui qui pose les questions, disait-il. Ou Thyl Ulenspiegel. C’est cette image de Thyl que je voudrais laisser.

L’émotion, ineffable, de Tristan et Isolde. Plus jamais, on n’entendra Tristan sans revoir en pensée la lumière qui transcendait la scène de Bastille. Idée géniale de Gérard Mortier : réunir deux géants, Peter Sellars et Bill Viola pour cette œuvre d’art total où la vidéo continue de l’artiste américain révolutionnait la musique de Wagner. Une renaissance ou une résurrection pour tous ceux qui ont eu le bonheur et la chance de vivre cette expérience. L’Opéra de Paris reprend cette production légendaire à partir du 8 avril, alors même que le Grand Palais rend un hommage géant à Bill Viola. Il faut en rendre grâce aujourd’hui à celui sans qui rien de cela n’existerait. Merci, monsieur Mortier, reposez en paix…

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Et ce très beau témoignage de krzysztof-warlikowski dans les Inrocks

 

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