Il l’écoute, il la regarde, il la soutient, jamais il ne l’oublie, ni ne la délaisse. Sa main est berceau, sa baguette caresse. Il met le monde à ses pieds et il s’oublie pour elle, il l’aime du murmure à l’extase, du premier au dernier souffle. Dans l’ombre de la fosse, le chef Daniele Callegari est un grand amoureux. Ses racines milanaises l’aident-il à exprimer toute la sensualité du tempérament italien ? Il est le seul dans cette glaciale tragédie de Madama Butterfly à exprimer sensualité et tendresse. En symbiose avec lui, les musiciens de l’orchestre habillent le plateau quasi-nu de l’Opéra Bastille d’un foisonnement de timbres, de couleurs, cascades et guirlandes. Comme ces fleurs que Butterfly arrache au jardin pour en joncher le sol de sa pagode. Butterfly, de l’aveu de Puccini lui même, est son opéra « le plus sincère et le plus expressif ». Après La Bohème et Tosca, Puccini se passionnait pour ce portrait de femme, la fragile et troublante Cio-Cio San (madame Papillon en japonais). Comment ne pas être bouleversé par le destin, inspiré par les innombrables petites fleurs japonaises, vendues au XIXe siècles pour quelques poignées de yens à des officiers américains et rapportées par une nouvelle de John Luther Long.
Braise et glace, retenue et passion, c’est ce qui fait la magie de cette production légendaire de l’opéra Bastille. Il y a un peu plus de vingt ans, en 1993, Bob Wilson file jusqu’à l’extrême la métaphore du papillon dans une mise en scène à la perfection idéale. Scène vide, tuniques et postures hiératiques qui mettent à nu les âmes, de l’égoïste inconscience de Pinkerton à la détermination sacrificielle de Butterfly pour mieux les nimber de halot colorés, traduction de leurs émotions.
Sur scène, pour sa prise de rôle, avec la vigueur de ses 31 ans, Teodor Ilincai incarne cash un Pinkerton à la voix aussi tranchante que le sabre des samouraïs. Du grand air de la nuit de noce, à la fin du 1er acte, jusqu’à la terrible fin de Butterfly, ses aigus percent mieux que la pointe de l’entomologiste. Sans jamais le toucher, ni l’effleurer, Svetla Vassileva marche à tout petits pas vers sa dernière heure, portant en grande tragédienne, les deux airs les plus beaux du répertoire, de « un bel di », un beau jour, et « con onor muore » , (que meure avec honneur). Sharpless (Gabriele Viviani) et Suzuki (Cornela Oncioiu) tiennent honorablement leur place, compatissants, mais impuissants à adoucir la sombre destinée de l’éphémère et adorable papillon.
Paris, Opéra Bastille, jusqu’au 12 mars 2014. Giacomo Puccini (1858-1924) : Madame Butterfly, opéra en trois actes de sur un livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa. Mise en scène et lumières : Robert Wilson ; costumes : Frida Parmeggiani ; chorégraphie : Suzushi Hanayagi. Avec Svetla Vassileva, Cio-Cio San ; Cornelia Oncioiu, Suzuki ; Teodor Ilincai, F.B Pinkerton ; Gabriele Viviani, Sharpless ; Carlo Bosi, Goro ; Florian Sempey, Yamadori ; Marianne Crébassa, Kate Pinkerton ; Scott Wilde, lo Zio Bonzo. Orchestre et choeur de l’Opéra National de Paris (chef de choeur : Alessandro di Stefano), direction : Daniele Callegari
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