En immortalisant ce couple communiant par smartphones interposés, je savais que je tenais là mon prochain sujet d’article à partager ici, mais je ne m’attendais pas à passer autant de temps pour savoir ce qu’il fallait en dire.
Mon instinct parisien ne put m’empêcher de penser d’abord que l’on avait à faire à une preuve indiscutable de l’effet nocif des smartphones sur les relations humaines. Et d’être tenté par des conclusions hâtives sur le thème de la marche inéluctable vers un monde déshumanisé, dont la Corée avec son taux de pénétration en smartphone le plus élevé au monde, serait la tête de pont.
C’est vrai qu’à bien des égards, les Coréens paraissent de plus en plus coupés du monde qui les entourent, ou pour être plus exact, qu’ils n’y accèdent plus que sous le prisme de leurs écrans de smartphones. On peut à la limite trouver quelques circonstances atténuantes aux “commuters” qui ont les yeux rivés sur leurs écrans le temps d’un trajet quotidien d’une heure ou plus, mais il est difficile d’être plus indulgent avec ceux qui préfèrent regarder leurs Galaxy S4 plutôt que de saluer leurs voisins de palier, ou avec ces couples qui étaient partis pour dîner à deux en amoureux mais se retrouvent à quatre, ou plutôt à deux plus deux: chacun avec son smartphone respectif.
Pourtant on ne peut résumer la photo ci-dessus à de tels clichés catastrophistes. Car certes ce couple ne se regarde, ni ne se parle, mais il dégage néanmoins une certaine forme de complicité et d’affection: les mains semblent jointes par tendresse plus que par habitude, tandis que la symbiose musicale compense, dans une certaine mesure, l’éloignement que provoque l’appel de leurs smartphones respectifs.
S’aimer en Corée, société façonnée par 8 siècles de confucianisme, n’a jamais été facile, et le montrer en public encore moins. Certes, un samedi soir passé parmi la jeunesse dévergondée de Hongdae donnerait presque l’impression que la pudeur imposée par les traditions a été oubliée aussi rapidement que les années de pauvreté. Mais excepté cette parenthèse nocturne d’un des quartiers les plus dévergondés de Séoul, le quotidien des amoureux est nettement plus sobre: en public les couples ne s’autorisent pratiquement aucun autre signe de tendresse que celui de se tenir par la main ou par la taille, tandis que les baisers, même effleurés, sont inconcevables ailleurs que dans la plus stricte intimité.
L’existence du couple est d’ailleurs éphémère en Corée : elle se limite à une période commençant par le temps universitaire jusqu’au moment où naît le premier enfant. Avant cette période, l’enfer des examens rend le flirt lycéen quasi inexistant, tandis qu’après, les rôles de mari et femme sont supplantés par ceux de père et mère.
Les manifestations d’amour sont ainsi réduites à la portion congrue, peut-être parce que dès leur plus jeune âge les Coréens n’y ont pas été habitués : les parents coréens sacrifient volontiers tout leurs temps et épargne pour les études de leurs enfants mais restent avares de paroles ou gestes d’affection à leur adresse. A un jeune qui se plaindrait de ses journées harassantes entre l’école et les cours du soir, la mère rétorquera souvent un: “cham-a” (참아), expression qui serait un mélange entre patienter, endurer, et prendre sur soi.
Voilà aussi pourquoi les Coréens sont les yeux rivés sur leurs écrans de smartphones : parce qu’ils offrent un échappatoire, un espace d’expression où il est permis de s’affirmer, de partager, de s’aimer à l’abris d’une société qui voit encore d’un mauvais oeil toute forme d’extraversion personnelle.
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L’illustration figurant sur ce verre à bière coréen réussit la prouesse de rassembler à peu près toutes les forces et faiblesses de la culture d’entreprise coréenne.
La culture de la beuverie effrénée d’abord : bien qu’elle tende à diminuer sous l’action combinée de campagnes de sensibilisation nationales et de la féminisation accrue des effectifs, celle-ci reste largement répandue au sein des entreprises. Pour se rendre compte de l’étendue du phénomène il suffit de consulter le classement des spiritueux les plus vendus au monde, où deux marques de soju, l’alcool national, occupent les 1ère et 3ème place, battant à plate couture des marques telles que Johnny Walker, Absolut ou Bacardi, marques présentes dans le monde entier à la différence des ces deux sojus, dont 95% des ventes sont réalisées en Corée.
Il ne faut pas plus d’une soirée passée à Séoul pour comprendre comment ces millions de litres de soju sont consommés : vers 18h30, les restaurants se remplissent les uns après les autres de régiments de costards cravates s’attablant autour d’un barbecue de porc ou pour les occasions plus spéciales, d’un barbecue de boeuf ou d’un plat de poisson cru. Rapidement, les première bouteilles de bière et de soju sont commandées, non pas pour laisser le choix aux convives de leur boisson d’accompagnement, mais pour préparer le cocktail auquel tout le monde aura droit: le “somaek”, néologisme formé à partir des premières syllabes de “soju” et de “maekju” (bière).
Comme son étymologie l’indique, le somaek est un cocktail issu du mélange de bière et de soju. Vous l’aurez deviné, la raison d’être de ce breuvage est moins son goût complexe et raffiné que sa capacité à rendre ivre en un temps record, d’autant que la potion est généralement engloutie cul-sec, dans la cadence qui sied le mieux au caractère coréen : le pas de charge. Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour une cuite collective caractérisée, respectant néanmoins un certain nombre de règles protocolaires strictes, ce qui nous ramène à la photo du verre ci-dessus.
En réalité, ce verre n’est pas un verre à bière, mais un verre à somaek, car y figure une graduation ludique censée indiquer les proportions de soju et de bière respectives à chaque buveur en fonction de son grade selon un principe simple: plus l’on monte en grade, plus la proportion de soju, et donc le dosage en alcool fort, est élevé. Et les grades ne manquent pas dans une entreprise traditionnelle coréenne : on y débute en tant que “sawon”, pour être promu “daeri”, puis “gwajang”,puis “chajang”, puis “bujang”, et enfin pour les plus aguerris d’entre eux, accéder à un poste de directeur exécutif “imwon”, qui comporte sa propre hiérarchie: “sangmu”, puis “jeonmu”, puis “bu-sajang”, et enfin au sommet de la pyramide corporate : le sajang, ou président.
Et au même titre qu’à chaque rang correspond sa proportion de soju, à chaque rang correspond un salaire, des responsabilités, et un nombre de collaborateurs sous ses ordres déterminés. Evidemment, plus le rang est élevé, plus ces trois facteurs augmentent : une organisation “top-down” qui a longtemps réussi au capitalisme coréen, lui-même issu d’une culture confucéenne dirigiste et de 30 ans d’un régime militaire autoritaire, propices à ce que chaque collaborateur d’une entreprise, même de grande taille, obéisse au doigt et à l’oeil à un supérieur autoritaire, lui-même sous les ordres d’un supérieur autoritaire, etc. Il n’est pas étonnant dans la cadre d’une culture d’entreprise aussi rigide que beaucoup d’alcool soit nécessaire pour que les salariés puissent eux-aussi remonter certaines informations à la hiérarchie et qu’un semblant de communication en interne puisse exister. C’est pourquoi ces séances de beuverie corporate sont considérées comme une obligation professionnelle.
L’avantage premier d’un tel système est la rapidité et la qualité d’exécution de tout projet émanant du haut. Et ça n’est pas un hasard si Samsung Electronics et Hyundai Motors sont passés maîtres dans l’art de battre leurs concurrents par la capacité à les rattraper en un temps record par des produits d’abord équivalents puis progressivement supérieurs. Ce système fonctionne bien tant que les modèles économiques et process industriels sont établis et que l’objectif est de gagner des part de marché face à un leader: la rapidité et la qualité d’exécution sont alors essentielles. Or la Corée est de moins en moins suiveuse et de plus en plus leader dans les secteurs moteurs de sa croissance économique. Elle ne peut plus se contenter de répliquer les stratégies gagnantes de ses concurrents mais doit créer, innover afin de préserver son avance face aux concurrents qu’elle a dépassés : des problématiques pour lesquelles le modèle pyramidal top-down s’avère beaucoup moins adapté dès lors que le moindre collaborateur est d’abord incité à obéir et bien exécuter plutôt qu’à créer ou proposer.
Ce système s’avère encore moins heureux lorsque l’ancienneté devient le critère de promotion principal : l’entreprise se trouve alors gérée par des managers autoritaires, mais pas toujours compétents. Et à cet égard, le “Old is strong” inscrit sur le verre de somaek s’avère également instructif : la règle voudrait que le plus gradé boive le somaek le plus corsé, mais pour l’auteur de de cette inscription comme dans l’esprit de la plupart des Coréens, les plus gradés sont forcément les plus âgés.
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Dans un pays profondément marqué par les clivages régionaux, le Jeolla-do a longtemps été la région mal-aimée de la Corée moderne. Aujourd’hui encore, les habitants du Jeolla-do souffrent d’une certaine mauvaise réputation auprès de leurs voisins régionaux qui, pour les plus vieux d’entre eux, les qualifient bien volontiers de fourbes, voleurs ou cruels, et vous déconseilleront de faire affaires ou de marier votre fille avec un originaire du Jeolla-do. Est-ce parce qu’il y’a 14 siècles de cela, le Royaume de Baekje, ancêtre du Jeolla-do fut défait par celui de Shilla, ancêtre du Gyeongsang-do, permettant l’unification de la péninsule coréenne, sans que les rivalités soient pour autant résolues ?
Plus près de nous, le Jeolla-do a longtemps été l’enfant pauvre de la Corée du Sud. Sûrement parce que la plupart des dirigeants du pays, à commencer par le dictateur Park Chung-hee, père de l’actuelle Présidente Park Geun-hye et de la Corée moderne, furent issus de la province rivale du Gyeongsang-do. C’est donc l’axe Séoul – Busan qui reçu les faveurs de l’Etat modernisateur, tandis que le Jeolla-do resta longtemps rural.
Mais si le Jeolla-do a longtemps été à la traîne du miracle économique coréen, il a été à la pointe de l’autre miracle coréen: celui d’une transition radicale de régime politique qui a vu un pays portant le poids de plusieurs siècles de régime monarchique féodal, suivis de 40 ans de colonisation japonaise, puis de 40 ans de dictature militaire, devenir une démocratie vibrante et établie. C’est cette contribution du Jeolla-do et de sa métropole Gwangju à la démocratisation que la Corée du Sud commémore tous les 18 mai, en mémoire d’un certain 18 mai 1980.
En ce printemps de 1980, la Corée du Sud est tout sauf démocratique. Certes le général Park Chung-hee n’est plus, assassiné l’automne précédent par le chef de ses services de sécurité. Mais le gouvernement civil qui l’a remplacé n’aura existé que quelques semaines face à l’emprise grandissante des militaires, et en particulier du général Chun Doo-hwan qui prend définitivement le pouvoir par un coup d’Etat le 12 décembre 1979.
C’est pour protester contre ce coup d’Etat, et la fermeture imposée de leurs universités, que les étudiants de Gwangju se réunissent pour manifester le 18 mai 1980. Très vite, la brutalité de la répression menée par quelques militaires parachutistes soude la majorité de la population de la ville avec les étudiants. Celle-ci s’empare de dépôts d’armes et arrive à chasser les militaires de la ville pour instaurer le temps de quelques jours un Gwangju “libéré”, autogéré par les étudiants qui assurent la sécurité et un comité des sages (pasteurs, avocats, professeurs, etc.) qui entame des négociations sur les conditions de sa reddition avec Séoul.
Mais l’expérience tourne court lorsque les renforts de l’armée reprennent la ville en quelques jours dans un bain de sang qui traumatisera pour longtemps la conscience populaire: dans les rues, les militaires ne font pas dans le détail, tuant sans discernement et parfois à la baïonnette manifestants et passants. Ce massacre passe dans un premier temps presque inaperçu auprès de l’opinion publique sud-coréenne, car si les médias internationaux rendent compte du drame de Gwangju, les médias locaux, sous contrôle du pouvoir en place, parlent de militaires secourant une ville de Gwangju aux mains de milices pro-Corée du Nord terrorisant la population locale.
Le soulèvement de Gwangju est tué dans le sang, mais il constitue le point de départ de la conscience démocratique sud-coréenne qui mit un terme définitif à la dictature. Deux ans après Gwangju est composée la “Marche pour vous”, sorte de Chant des Partisans en hommage aux martyrs de la lutte pour la démocratie. Ce chant accompagnera toutes les révoltes estudiantines qui vinrent à bout de la dictature dix ans après le soulèvement de Gwangju. Ce chant est aujourd’hui encore entonné lors des luttes syndicales ou manifestations organisées par le camp progressiste.
Il faut attendre le processus de démocratisation de la fin des années 80 pour que lumière soit faite progressivement sur le massacre de Gwangju, et le milieu des années 90 pour que les responsables de ce massacre, dont le général Chun Doo-hwan et son successeur à la tête du pays, le général Roh Tae-woo, soient incriminés. En 1997, les victimes de cette répression sont définitivement réhabilités. Certes leur nombre fait toujours l’objet de débats et se situe quelque part entre les 200 morts selon les décomptes officiels de l’époque et les 2000 selon certaines estimations plus réalistes, mais le 18 mai est déclaré journée de commémoration en mémoire aux morts de Gwangju, considérés non plus comme militants pro-Corée du Nord, mais martyrs du processus de démocratisation de la Corée du Sud.
Le massacre de Gwangju a été réhabilité dans l’Histoire, mais cette Histoire est récente au point que les acteurs de cette tragédie, y compris Chun Doo-hwan et les proches des victimes, sont toujours vivants. Et si la Présidente actuelle est étrangère aux événements de l’époque, certains hommes et femmes politiques qui composent les rangs des deux principaux partis de gouvernement, le Saenuri, parti conservateur au pouvoir et le Parti Démocrate Unifié (PDU), principal parti d’opposition progressiste, étaient déjà des acteurs de la vie politique à l’époque du massacre de Gwangju: soit en tant qu’opposants à la dictature, soit au contraire au sein de l’administration en place en tant que membres de cabinet ou haut fonctionnaire.
C’est pourquoi 33 ans après la tragédie de Gwangju, ses blessures ne sont pas toutes cicatrisées et sa commémoration toujours pas apaisée. Cette année et contrairement à son prédécesseur, la Présidente Park Geun-hye a choisi d’y prendre part afin de donner un signe fort à la réconciliation Nationale dont elle fait le voeu pour sa Présidence. Mais cette réconciliation est loin d’être achevée : le Ministère des anciens combattants qui avait la charge de l’organisation de la cérémonie a ainsi refusé d’accéder à la demande des associations des victimes de Gwangju que les participants à cette cérémonie chantent en coeur la célèbre “Marche pour vous”, préférant le choix plus sobre d’une interprétation par un choeur. Choix qui a entraîné le boycott de la cérémonie par un certains nombre d’associations et organisations politiques militantes.
lire le billetMais quelle mouche a donc bien pu piquer ce cadre supérieur d’un grand groupe coréen passager d’un vol Séoul-Los Angeles du 15 avril dernier ? Tentait-il de battre le record du comportement le plus odieux en classe affaires? Testait-il la patience et la qualité de service supposée irréprochable de la Korean Air? Sa performance, rapportée d’abord par les réseaux sociaux, puis par les médias coréens, lui permet en tout cas d’atteindre ces deux objectifs haut la main.
Tout commence avant le décollage, lorsque le passager en question s’aperçoit que le siège à côté du sien est occupé. Furieux de ne pouvoir voyager tranquillement étalé sur deux sièges, celui-ci se serait plaint en des termes peu appropriés auprès du personnel navigant, leur intimant l’ordre de le changer tout de suite de place. Le décompte final des passagers n’est pas effectué mais le personnel obtempère et propose à ce passager si soucieux de son espace vital de changer de place, lorsque celui-ci s’aperçoit qu’il est observé par un collègue (supérieur?) qui voyage sur le même vol que lui. Notre passager décide alors de rester sagement à sa place initiale.
Ca n’est que partie remise pour notre cadre supérieur décidément bien irascible, car il existe tant d’occasions de rendre la vie infernale aux hôtesses de l’air, lors des 13 heures de vols qui séparent Séoul de Los Angeles. A commencer par le premier repas où ce passager se plaint de son riz qui serait rance. L’hôtesse s’excuse platement et lui remplace son riz qui après vérification ne posait aucun problème, au contraire du passager qui renvoie également le riz de remplacement, lui aussi supposément rance.
Notre passager de mauvais poil aura au moins servi à rendre un hommage appuyé au travail difficile et ingrat des hôtesses et stewards en général et de la Korean Air en particulier, notamment à leur patience à toute épreuve, car lorsque celui-ci exige qu’on lui prépare un Ramyun (bouillon de nouilles asiatiques) en lieu et place du riz supposé rance, le même manège nourri de mauvaise foi recommence: le Ramyun devra être remplacé à plusieurs reprises, sous prétexte tantôt que les nouilles seraient crues, tantôt que le bouillon serait trop salé. Lorsqu’enfin le Ramyun préparé plut aux goûts de Monsieur, celui-ci put enfin se rassasier et se débarrasser élégamment du bol vid par terre.
Ce premier repas n’est apparemment qu’un échantillon infime de tout ce que notre passager fit subir aux hôtesses de la Korean Air: scandale parce que la température ambiante est trop élevée, esclandre parce qu’un article proposé en duty free n’est plus disponible, refus d’obtempérer lorsqu’on lui demande de retourner à son siège et d’attacher sa ceinture, le tout dans le langage familier qu’on imagine. C’est sûrement avec un sentiment mêlé de soulagement et d’appréhension que le personnel de bord dut accueillir les dernières heures de vol annonçant la fin de leur calvaire mais également la préparation du dernier repas.
Comme redouté, celui-ci partit sur les mêmes bases que le repas précédent: après s’être perdu en insultes parce qu’un plat qu’il aurait souhaité ne figurait pas au menu, notre cauchemar de passager se serait levé pour réclamer le Ramyun qu’il aurait commandé, puis excédé, aurait frappé le visage d’une hôtesse de l’air à l’aide d’un magazine enroulé.
Certes la Korean Air n’est pas une compagnie aérienne parfaite. Mais ceux qui ont eu l’occasion de voler chez eux en classe éco, affaire ou première, s’accorderont pour témoigner du caractère quasi-irréprochable de la prestation du personnel de bord: leur réactivité, leur volonté de toujours satisfaire au maximum de leurs capacités les demandes des passagers, leurs sourires trop impeccables qu’on pourrait à la limite leur reprocher de trop en faire, leur patience enfin, à supporter les passager les plus désagréables. Patience qui prit fin ici avec ce geste brutal et humiliant.
Pour autant, notre turbulent passager ne fut pas particulièrement réprimandé lors du temps de vol restant. Le personnel de bord se contenta d’informer le commandant de bord de la situation, qui lui même informa les autorités américaines de la présence à bord d’un individu quelque peu violent. Et c’est ainsi que celui-ci fut accueilli à son arrivée à l’aéroport de Los Angeles par… le FBI. On connait la capacité de discernement des autorités américaines lorsqu’il s’agit d’accueillir des individus posant d’éventuels problèmes sur leur sol. Notre passager se vit néanmoins offrir deux choix: soit d’être placé en détention provisoire et interrogé par les autorités américaines pour avoir attenté à la sécurité d’un vol à destination des Etats-Unis, soit de repartir illico pour la Corée. Notre passager dut sûrement sentir le caractère un peu bancal de sa version des faits selon laquelle c’est l’hôtesse de l’air qui se serait malencontreusement cognée la tête contre le magazine enroulé qu’il tenait à la main. Il repartit par le premier vol pour Séoul.
Cet épisode aérien resterait du registre de l’anecdote malheureuse s’il n’était pas révélateur d’un mal plus profond dont souffre la société coréenne plusieurs fois évoqué sur ce blog : l’extrême précaution, pour ne pas dire l’indulgence avec laquelle les médias coréens traitent tout sujet pouvant nuire à un Chaebol. Ce sont d’ailleurs, comme bien souvent en Corée, grâce aux médias sociaux que cette affaire a été connue du grand public, notamment par la publication des captures d’écran du compte-rendu détaillé des faits rapporté par un membre de l’équipage de ce vol sur son smartphone, très vite suivi par l’identité du passager en question. Il s’agirait d’après les informations qui circulent sur les réseaux sociaux d’un manager senior du groupe Posco.
Posco n’est peut-être pas l’un des Chaebols les plus connus hors de Corée. Il n’empêche que c’est l’un des acteurs majeurs du capitalisme coréen pour au moins trois raisons: la première, c’est qu’il est un champion mondial dans sa catégorie de sidérurgiste: 4ème producteur mondial d’acier, Posco est l’un des fleurons de l’industrie coréenne qui avait même fait brièvement parler de lui en France il y’a dix ans, lorsque feu Arcelor se défendait contre l’OPA de Mittal, et que le Coréen était évoqué comme potentiel chevalier blanc.
La deuxième raison c’est qu’en tant que producteur d’acier, Posco est le socle de nombreux secteurs à succès de l’industrie coréenne tels que l’automobile, dont la Corée est le 5ème producteur mondial devant la France, et les chantiers navals, dont la Corée est numéro un mondial. Ca n’est d’ailleurs pas anodin si Park Tae-joon, le fondateur défunt de Posco, était l’un des tout proches du dictateur Park Chung-hee, le père de la Corée moderne et de l’actuelle Présidente de la République Park Geun-hye.
Enfin la dernière raison majeure qui fait de Posco l’un des fleurons du capitalisme coréen, c’est la relative bonne image institutionnelle dont le groupe jouit auprès des Coréens, et notamment auprès des jeunes générations pourtant plus enclines à poser un regard critique sur les omnipotents Chaebols. Posco arrive généralement en tête des classements des entreprises lorsqu’elles sont jugées en fonction de leurs performances en matière d’entreprise citoyenne ou de développement durable (un comble pour un sidérurgiste). Le groupe arrive également souvent en tête des sondages auprès des étudiants, sur l’entreprise où ils préféreraient être embauchés, devant les habituels Samsung ou SK.
C’est cette belle image qui aurait pu être égratignée lors de ce vol Séoul-Los Angeles du 15 avril dernier, s’il s’avérait que le passager en question fût effectivement un dirigeant de Posco. Bien sûr il serait injuste d’incriminer un groupe tout entier du fait du comportement condamnable de l’un de ses dirigeants, ou d’en déduire quelques enseignements sur la culture d’entreprise qui règne au sein de Posco . Il n’empêche, être cadre dirigeant d’un Chaebol en Corée, c’est être dans la position sociale du dominant par excellence : c’est avoir sous ses ordres une armée de petits ou gros bras dévoués et corvéables à merci ; c’est être choyé par les fournisseurs, sous-traitants, partenaires, et prestataires de toute nature, trop contents d’avoir un client aussi prestigieux ; c’est aussi en général être un homme âgé de la cinquantaine dans une société profondément patriarcale. C’est en somme jouir d’une position sociale telle, qu’elle pourrait procurer un sentiment d’impunité propice à se comporter n’importe comment.
Face à ces informations circulant sur Internet, le rôle de tout média d’information serait d’en vérifier l’exactitude afin de confirmer ou d’infirmer. En l’occurrence, il semblerait que le passager en question soit effectivement un dirigeant de Posco dans la mesure où des journalistes de la chaîne TV SBS ont recueilli une déclaration du groupe prenant la défense de son dirigeant, confirmant implicitement l’identité et les informations liées au passager en question.
Que la version des faits rapportés sur Internet soit exacte ou pas, il est donc confirmé qu’un cadre dirigeant de Posco est impliqué dans une affaire de trouble à bord d’un vol international ayant provoqué l’intervention du FBI. Or aucun média coréen n’a pour l’instant eu le courage de mentionner le nom de Posco, préférant parler d’un grand groupe coréen, et ainsi préserver l’image d’un des plus puissants acteurs économiques de la Corée.
Et ça marche: sur la rubrique news de Naver, le Google coréen, la requête “Posco” ne renvoie aucun résultat ayant trait à l’affaire du vol Séoul – LAX, alors que cette même requête sur les rubriques blog, ou forum de discussions de ce même Naver ne renvoie pratiquement qu’à cette affaire. Voilà pourquoi le concept de journalisme citoyen est né en Corée à la fin du siècle dernier: pour palier aux lacunes coupables d’une presse traditionnelle aux ordres de puissants annonceurs locaux.
Pour terminer sur une note plus légère: une habituée d’Air France se demande sur Twitter si le comportement du malotru aurait été similaire à bord d’un vol de la compagnie française. Sûrement pas pense-t-elle, vu que lors de ses voyages, elle remarque de nombreux mâles coréens, la cinquantaine, complètement flétris devant les physiques imposants des hôtesses d’Air France, se contentant de manger docilement tout ce qu’on veut bien leur donner lors des repas.
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Je sais bien qu’il serait de bon ton d’écrire ici quelques lignes sur les tensions en Corée : l’angoisse qui doit régner à Séoul et ses environs où quelques 24 millions d’habitants vivent à un vol d’oiseau de la frontière nord-coréenne; la ruée vers les supermarchés à la recherche de produits de première nécessité; la présence militaire ou policière plus marquée dans les rues, les regards tendus et inquiets des passants.
Le problème, c’est qu’il n’en est rien, à part peut-être pour la présence militaire il est vrai un peu plus marquée. Pour le reste, les couples s’attardent devant les forsythias et les cerisiers en fleur qui annoncent enfin l’arrivée du printemps. Dans les artères de Gangnam ou près de l’Hotel de Ville, la circulation est aussi dense qu’à l’accoutumée. Et le fait que les restaurants ou bars paraissent un peu moins bondés s’explique avant tout par le ralentissement économique plutôt que par la crainte d’un bombardement. Bref, beaucoup sont dans l’état d’esprit de ce moine bouddhiste à qui l’on demandait comment il interprétait les menaces proférées par Kim Jong-Un et qui répondit : “comme un bâtard qui aboie dans une rue déserte…”
Si les Coréens du Sud semblent si immunisés contre les tensions avec leurs voisins du Nord c’est également parce que celles-ci ne sont que les dernières d’une longues séries de provocations, menaces et affrontements sporadiques qui ont jalonné le demi-siècle qui s’est écoulé depuis l’armistice de 1953. Et si pour l’opinion mondiale, les tensions semblent n’avoir jamais été aussi élevées cette fois-ci, c’est aussi parce qu’elle a oublié, à la différence de la plupart des Coréens, celles qui les ont précédés.
L’épisode de 1994 par exemple, sous l’ère de Kim Il-Sung, grand-père de Kim Jong-Un et père fondateur de la Corée du Nord. Lorsque soupçonné par la communauté internationale de conduire un programme nucléaire clandestin, le régime de Pyongyang décide de se retirer du Traité de non prolifération nucléaire, l’administration de Bill Clinton envisage sérieusement une attaque aérienne préventive contre les installations nord-coréennes, au risque du déclenchement d’une deuxième guerre de Corée que le secrétaire d’Etat à la défense de l’époque William Perry admet et assume publiquement.
De nombreux Coréens se remémorent cet épisode en avouant que cette fois-là, oui, ils y ont cru au début d’une nouvelle guerre, parce qu’attaquée par les Etats-Unis, la Corée du Nord n’aurait eu d’autre choix que celui de se défendre. Comme ils se souviennent (pour les plus âgés) du commando de 31 soldats nord-coréens qui s’infiltra en 1968, avec pour objectif d’assassiner le Président du Sud, pour être arrêté en plein Seoul, aux abords du palais présidentiel lors de combats de rue faisant 68 morts côté Sud. Ou plus récemment le bombardement de l’île de Yeongpyeong qui fit les première victimes civiles depuis la fin de la guerre de Corée.
Un ami à qui je demandais s’il n’était pas inquiet par la Corée du Nord, me répondit: “mais il n’y a aucune raison de s’inquiéter! parce que si la guerre éclate vraiment, alors on mourra tous ensemble et en même temps !” Voilà au cynisme près, l’autre raison majeure pour laquelle les Coréens du Sud ne s’en font pas trop : une sorte de fatalisme face à un voisin qui représente une menace réelle, mais contre qui l’impuissance prévaut. Et la nouvelle donne nucléaire n’ajoute finalement pas grand chose au sentiment d’insécurité d’une population sud-coréenne, dont une bonne moitié vit entassée depuis un demi-siècle, sous la menace de plusieurs centaines de pièces d’artilleries qui provoqueraient des dégâts considérables.
Du fatalisme et beaucoup d’indifférence aussi, en particulier chez les jeunes qui n’ont connu ni la guerre, ni la misère qui en a résulté, et pour qui la Corée du Nord évoque à peine plus qu’un turbulent voisin partageant la même langue et quelques vagues héritages historiques communs. Pour cette génération-là, une guerre semble tout simplement inconcevable justement parce que leurs parents en ont trop souffert et qu’ils ont oeuvré toute leur vie pour que leurs progénitures ne connaissent jamais ni les morts, ni la misère qu’eux-mêmes ont eu à subir.
Leurs efforts ont bien payé. Trop peut-être, car si aujourd’hui leurs enfants ne manquent de rien et peuvent se consacrer tout entier à leurs réussites personnelles, ils réinventent aussi une conscience nationale qui s’arrête au 38ème parallèle. Quel serait l’intérêt d’une réunification pour cette génération pour qui la réussite individuelle prime sur tout et qui ne se sent aucune affinité avec le Nord? Qui n’a connu la guerre qu’au travers des récits de leurs grands-parents, et qui n’est séparé d’aucun membre de sa famille par cette frontière infranchissable, à part peut-être pour le cas d’un grand-oncle éloigné ? Certains étudiants avec qui je discute n’hésitent pas à tenir un discours décomplexé sur la question et à rejeter ouvertement la réunification.
Les perspectives d’une réunification ne pourront que s’éloigner au fur et à mesure que cette génération arrive aux commandes. Déjà beaucoup semblent l’évoquer comme un voeu pieux : une réunification à condition qu’elle ne soit pas au détriment de la prospérité économique, à condition qu’elle ne signifie pas une marée d’immigrants venus du Nord prenant les emplois de ceux du Sud. 13 siècles d’unité nationale sont finalement bien peu de choses face à 20 ans de prospérité.
lire le billetC’est un ami Français de passage en Corée pour une conférence qui me fit la remarque en regardant les participants: “il y a moins de femmes dans l’assistance qu’en Arabie Saoudite!” Quelque peu surpris par cette réflexion, je regardai à mon tour les quelques 300 personnes réunis dans le “Grand Ball Room” de cet hotel 5 étoiles: effectivement pas une seule femme parmi les participants.
Pourquoi cette absence féminine ne m’avait-elle pas semblé flagrante? Sûrement parce que j’étais anesthésié par ces deux années passées en Corée ; aussi parce qu’en réalité, la présence féminine n’était pas nulle. Les femmes étaient même nombreuses, mais du côté des organisateurs ou de l’hotel et affectées aux tâches subalternes: hôtesses, serveuses, parfois quelques interprètes…
Finalement, cette conférence était un reflet assez fidèle de la situation de la femme en Corée: elles y sont visibles, offrant dans les rues une image épanouie, décomplexée même, si l’on se fie à la longueur des jupes qui rétrécit d’année en année et aux cigarettes fumées sans aucune gêne en public, alors que ceci aurait été impensable il y’a une quinzaine d’années. Mais lorsqu’on entre dans l’intimité des foyers et des entreprises, la réalité de la condition de la femme en Corée est plus inquiétante.
Une réalité qui rend assez pertinente la remarque de cet ami de passage: dans le dernier classement des 135 nations établi par le Word Economic Forum en fonction de l’égalité des sexes, la Corée du Sud se situe au 108ème rang, derrière les Emirats Arabes Unis. Une place de cancre malvenue pour un pays qui voue un culte immodéré aux classements en tout genre pour se féliciter des nombreux progrès accomplis en si peu de temps.
Le progrès épargne donc encore la condition de la femme dans ce pays imprégné de plus de 7 siècles d’un confucianisme qui aura été désastreux pour l’égalité des sexes. Aujourd’hui beaucoup d’hommes coréens ont encore une idée peu éloignée de la conception confucéenne traditionnelle selon laquelle si l’homme est le ciel, la femme est la terre. Pour eux, il ne fait pas de doute que la femme est l’inférieure de l’homme, son faire-valoir, dont l’existence n’a de sens que si elle est dédiée à la réussite et au bonheur de son mari et de sa progéniture. La femme coréenne doit ainsi être douce, docile, fertile, besogneuse, mais surtout pas cultivée, ni talentueuse, ni trop intelligente.
On comprend mieux pourquoi plus de la moitié des femmes coréennes en âge de travailler ne participent pas à l’activité économique du pays, et pourquoi lorsqu’elles le font, leurs salaires sont inférieurs de moitié à ceux de leurs collègues masculins à un poste équivalent. Pour la femme coréenne moderne, vouloir s’épanouir professionnellement relève du choix cornélien que me décrivait une amie occupant un poste dans le “middle management” d’un grand groupe: pour que sa carrière progresse, celle-ci doit faire preuve d’encore plus de zèle et de motivation que ses homologues masculins afin de convaincre ses patrons que sa dévotion à l’entreprise passe avant tout, et surtout avant un éventuel projet familial. Mais à trop vouloir exceller au travail, elle en vient à projeter sur ses collègues et ses patrons mâles une image de femme suspecte : trop carriériste, trop ambitieuse, trop indépendante, bref trop contraire aux valeurs confucéennes archaïques qui voudraient que la femme vertueuse ne s’épanouisse que par le succès de son mari.
Voilà pourquoi la réussite professionnelle de nombreuses femmes est au détriment de leur vie personnelle. Combien de fois ai-je entendu de la bouche de femmes ravissantes, intelligentes et à la situation professionnelle enviable: “je finirai vieille fille parce que ma réussite fait fuir les hommes!” Aujourd’hui encore, de nombreuses femmes ne conçoivent pas le travail comme un moyen d’épanouissement personnel car pour être épanouie encore faudrait-il recevoir l’assentiment de la société coréenne. Or cette société est trop patriarcale et conservatrice pour ne concevoir la place de la femme ailleurs qu’en retrait de son mari. Les femmes coréennes travaillent donc, mais la plupart s’arrêtent au moment où elles se trouvent un mari. Pour lui faire des enfants, puis assurer la bonne marche de son foyer.
lire le billetJ’ai décidé de partager ici le récit d’une cérémonie funéraire d’un proche à laquelle j’eus le privilège malheureux de participer, parce que comprendre comment les Coréens enterrent leurs morts, c’est apercevoir un peu de ce qui reste au fond d’eux-mêmes, débarrassés le temps d’une parenthèse de trois jours, de la course effrénée à la prospérité qui les accapare tout le reste du temps.
Le temps est une donnée relative. Trois jours pour faire le deuil d’un proche peut paraître court aux yeux des Français et aussi de certains Coréens qui se plaignent de ce que les contraintes de la vie moderne empiètent sur l’intégrité des rites traditionels. Mais trois jours, pour la majorité des Coréens qui marient leurs enfants en deux heures ou qui ne partent jamais en vacances plus longtemps qu’un weekend prolongé, c’est énorme.
Jour 1
La première journée commence avec le décès du proche survenu en début de soirée. La famille du défunt organise alors l’acheminement du corps vers le funérarium où vont se dérouler la plupart des événements qui suivront. Il faut ensuite louer la chambre funéraire: une grande salle pour accueillir les proches, et une chambre attenante où est installé l’autel du défunt. Celui-ci n’y repose pas. Il est matérialisé par un portrait photo placé dans un cadre orné de rubans noirs trônant derrière un mur floral et devant un pot d’encens.
Le défunt laisse une veuve et deux filles, toutes deux mariées. Ces trois femmes et en l’absence de fils, les deux gendres seront les cinq hôtes dont le rôle sera prépondérant dans le déroulement de la cérémonie. Le rôle du funérarium est également essentiel: en plus des prestations classiques qu’on lui connait en France, il fournit les costumes traditionnels de deuil que la mère et les filles ne quitteront plus pendant les trois jours. Il offre également le service de restauration qui permettra aux invités de ne jamais manquer de rafraichissements, d’alcools ou de nourriture. Enfin il alloue une personne dédiée à temps plein durant les trois jours, et dont la mission sera le bon déroulement de la cérémonie funéraire dans le strict respect des rites funéraires hérités de la culture confucéenne.
La soirée est assez avancée lorsque toute l’organisation est mise en place. La famille est là, les proches commencent à affluer. Chaque visiteur se rend d’abord dans la chambre funéraire pour offrir un dernier hommage au défunt selon un protocole déterminé: allumer un bâton d’encens, puis sous le regard des cinq hôtes, offrir le plus respectueux des hommages au défunt : deux “Jeol”, geste de prosternation, genoux, mains et front à même le sol, suivi d’un salut debout, tête baissée, le corps incliné à 45 degrés. Il se tourne ensuite vers les cinq hôtes et échangera avec eux un dernier Jeol comme marque de reconnaissance, respect, affection.
D’autres expressions de condoléances et de soutien seront échangées. Mais les Coréens ne sont ni très tactiles, ni très à l’aise dans l’expression verbale spontanée de leurs sentiments. C’est dans le Jeol, cette forme de rabaissement de soi en face de celui qu’on salue, qu’est contenue l’essence coréenne du respect, de l’affection, et du soutien.
Jour 2
Les visiteurs affluent progressivement et bientôt, toutes la salle se remplit de proches ou de moins proches: les amis de toujours, les collègues de travail, la famille éloignée qui pour l’occasion a affrété un bus pour monter à la capitale pendant la nuit, depuis leur village du sud de la Corée. Tous se retrouvent pour saluer le défunt avant son “long voyage” et pour lui offrir ainsi qu’à sa famille cette denrée précieuse, peut-être la plus précieuse d’entre toutes dans la vie du Coréen moderne: leur temps.
Il y a presque une forme de soulagement après deux années à vivre dans un Séoul en ébullition, de voir tous ces gens prendre enfin le temps d’être ensemble: une journée entière pour la plupart, alors que la trentaine de très proches prolongeront par une veillée nocturne, puis par la crémation et l’enterrement le lendemain. Tous sont assis à même le sol autour de tables où sont servis tout au long de la journée et de la nuit du riz, du porc fumé, de la soupe de boeuf et de poireaux (yukkaejang), des gâteau de riz (tteok), et des fruits frais. Le soju et le magkeolli, les deux alcools nationaux, coulent à volonté car il faut boire: pour oublier la perte d’un proche, mais aussi pour marquer ce moment si singulier où tous se retrouvent et prennent le temps de partager ce moment essentiel et singulier.
D’autres visiteurs, amis d’amis, ou famille très éloignée, n’auront jamais rencontré le défunt de son vivant mais se succèderont tout au long de la journée pour le saluer ainsi que sa famille, et surtout pour laisser une enveloppe contenant généralement entre 40 et 100 euros : contributions non négligeables au financement de la cérémonie et autres frais liés au décès.
Est-ce parce que le décès du défunt est plus un soulagement après une lente agonie qu’un choc brutal? L’ambiance n’est ni aux lamentations ni aux larmes. La tristesse est contenue et digne malgré les quantités d’alcool consommées, notamment par les amis soixantenaires du défunt. Des enfants en bas âges jouent sagement à côté de leurs parents et leurs amis de longue date qui malgré la tristesse de l’occasion, sont heureux de se retrouver après tant d’années.
Au milieu de l’après-midi, la famille proche s’éclipse pour la mise en bière, le moment le plus intense et éprouvant des trois jours. La mise en bière n’est en fait que la dernière étape d’un rituel qui prépare le défunt pour son dernier voyage et qui se compose traditionnellement du lavage du corps, puis de son habillage d’un costume de chanvre réservé aux morts, puis d’un dernier moment que les proches passent avec le défunt ainsi vêtu, avant son enveloppement dans un linceul pour enfin, le placer dans le cercueil.
Les contraintes modernes d’hygiène et de temps font que lorsque la famille prend place dans l’antichambre pour assister au travers d’une vitre, au début de la cérémonie, le corps du défunt est déjà lavé et repose sur une table médicale recouvert d’un linceul. L’employé du funérarium qui nous est préposé ainsi qu’un assistant font leur entrée et procèdent d’abord à l’habillage du défunt. Les gestes sont délicats et précis ; la synchronisation entre les deux exécutants est parfaite afin de respecter la dignité du défunt et faire qu’aucune parcelle de son corps, à l’exception des pieds et de la tête, ne soit dévoilée à l’assistance.
Une fois habillé, le visage du défunt est lavé, rasé, puis maquillé, ses cheveux peignés, afin de lui donner une apparence la plus présentable possible aux membres de la famille qui sont maintenant autorisés à pénétrer dans la salle afin de lui dire un dernier adieu. Traditionnellement, cette séquence est codifiée au point que l’emplacement de chaque membre de la famille est prédéterminé en fonction de sa proximité et de son rang vis-à-vis du défunt.
Puis l’assistance repasse dans l’antichambre pour l’enveloppement final du corps. Là encore, l’exécution est parfaite: elle respecte des règles strictes de pliage, d’ornement, et de nouage d’un nombre défini de rubans, afin d’aboutir à une esthétique fidèle aux traditions mortuaires confucéennes. Finalement,, les membres de la famille repassent dans la salle, et six d’entre eux placent le corps dans le cercueil, qui sera fermé au bout d’une cérémonie qui aura duré une heure et qui aura permis au défunt d’être déjà un peu dans l’au delà. Alors peut se tenir le premier “Jesa”.
Le Jesa, c’est le banquet en l’honneur des morts, dont le menu et la disposition des mets sont strictement codifiés. Ce banquet a lieu à l’anniversaire de la mort de l’ancêtre, traditionnellement chez l’aîné mâle de la famille: celui qui porte le flambeau d’une lignée familiale généralement plusieurs fois millénaire. Le rite du Jesa simule très concrètement le repas des esprits : avant d’y procéder, on ouvre les portes du foyer pour que les esprits puissent s’introduire ; entre chaque Jeol de leurs descendants, les couverts sont déplacés de plat en plat afin que les esprits goûtent à tout, tandis que les membres importants de la famille se succèdent pour remplir les verres d’offrande d’alcool de riz.
Le premier Jesa du défunt a lieu devant l’autel de la chambre mortuaire, en présence de tous les invités qui se succèdent pour offrir leurs deux Jeols suivi d’un salut debout, le corps incliné. Certains participants, dont la religion protestante assimile ce rite à de l’idolâtrie, se contenteront de s’agenouiller pour prier. Le défunt n’ayant pas de fils, je me demande à qui reviendra la tâche de perpétuer sa mémoire les années suivantes.
Jour 3
“Dora gada” (돌아가다), signifie revenir, retourner, rentrer, retrouver. C’est également le terme respectueux pour signifier décéder. Est-ce de son héritage bouddhiste et de sa conception cyclique de l’existence que le Coréen emprunte cette expression? Celle-ci me semble en tout cas fort appropriée alors que nous nous trouvons tous au crématorium par le matin ensoleillé du troisième et dernier jour de ces funérailles. La crémation ne va pas de soi en Corée, où le confucianisme assimile l’incinération du corps à une deuxième mort. Mais il faut vivre avec son temps et prendre en considération les contraintes pratiques, économiques de ceux qu’on laisse derrière soi. C’est pourquoi notre défunt, comme un nombre croissant de Coréens, émit le souhait d’une crémation.
La quasi-totalité des personnes présentes a passé la nuit ensemble au funérarium à discuter, manger et boire, puis à s’assoupir un peu à même le sol. Les yeux sont rougis par la nuit blanche, les visages hagards, certaines bouches pâteuses aux relents de Magkeolli. Tous sont rassemblés dans une salle d’attente, les regards figés sur un écran plat LG dernier cri qui permet de visualiser en direct l’entrée de la chambre d’incinération par où le cercueil fut introduit. Il ne se passe strictement rien à l’écran, si ce n’est que sur sa partie gauche un compteur indique le temps restant avant la fin de l’incinération, tandis qu’en bas défilent des messages d’informations, parmi lesquels celui qui signale que des chargeurs de smartphones gratuits sont à la disposition des visiteurs à la cafétéria. Personne à part moi, ne semble trouver ce message quelque peu incongru.
Enfin commence le dernier trajet terrestre du défunt dont les cendres ont été recueillies dans une urne en marbre. Je me souviens de la réaction surprise d’une touriste coréenne visitant la Bourgogne et réalisant que les cimetières se trouvaient généralement juste à la sortie des villages ou attenants à l’église. En Corée, les cimetières sont perdus dans la montagne, comme s’il fallait marquer par cette distance la séparation du monde des vivants de celui des morts.
La destination finale du défunt est un cimetière situé non loin de Seoul et donc du domicile de ses filles. Certains membres de la famille du défunt auraient préféré qu’il repose dans son village natal au sud de la Corée, auprès de ses parents et de tous ses ancêtres, tout comme ils auraient préféré qu’il ne fût pas incinéré. Mais les contraintes de la vie moderne ont encore une fois joué en leur défaveur: pour le défunt, mieux valait faciliter le quotidien de ses filles et leurs visites, que respecter les traditions ancestrales.
Mais le coeur des traditions reste intact: la famille et les très proches sont tous là, derniers témoins de ces trois jours de deuils, réunis autour de la dernière demeure du défunt. Alors qu’en France c’est à ce moment qu’affluerait le plus grand monde, en Corée ce dernier hommage ne réunit que les plus intimes qui offrent un ultime Jesa. Les dernières larmes sont versées, les derniers Jeols sont offerts, avant de reprendre le bus et finalement le cours normal de la vie qu’impose la Corée moderne : sans répit, violente parfois, mais trépidante aussi.
Je me dis qu’en France une telle épreuve inciterait au moins pour quelques semaines à plus d’introspection, de temps pour soi et ceux qu’on aime, à réfléchir au sens des choses et de son existence. Je pressens qu’ici, l’effet sera contraire ; que chacun mettra encore plus d’ardeur aux tâches de la vie quotidienne: étudier, travailler, réussir. Parce qu’en observant les proches du défunts, cette famille soudée autour de la dernière demeure de l’un des leurs, je comprends une fois de plus qu’en Corée, l’individu a moins sa place qu’en France, que chacun n’est que le maillon d’un tout : au même titre que le citoyen s’efface au nom de l’intérêt supérieur de la Nation, l’individu sacrifie son intérêt personnel au profit de celui de sa famille. Parce que son existence n’a de sens que s’il trace un trait d’union entre ses ancêtres et les générations futures.
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Rien de tel que d’être dans les confidences d’un Coréen pour comprendre plus qu’en surface comment marche la société coréenne. Celles de cet ami par exemple, à qui je demandais les raisons de sa rupture après six ans d’une relation sérieuse qui, étant donné l’âge des deux protagonistes et la pression de se conformer à la norme qu’impose la société coréenne, était logiquement vouée au mariage, puis aux enfants.
Le problème c’est que l’ami en question, gérant d’un restaurant italien dans un quartier branché de Séoul, fit faillite. Une faillite soudaine suite à un conflit brutal avec son associé. Un coup dur professionnel qui aurait pu aux yeux d’occidentaux non avertis que nous sommes, entraîner la compassion et le soutien de ses proches afin de l’aider à remonter rapidement la pente. Dans le cas présent et en guise de soutien, l’ami malheureux en affaires fut convoqué par le père de sa bien aimée. Une rencontre solennelle dont l’ordre du jour avait au moins le mérite de ne pas y aller par quatre chemins: quel était l’état de son compte en banque et quel était son plan pour redresser très vite la barre et redevenir le candidat au mariage convenable pour sa fille.
Notre ami défendit comme il put son bilan et ses perspectives d’avenir mais rien n’y fit. Le futur ex-beau père décréta qu’il ne méritait pas sa fille. Cette dernière se conforma d’ailleurs facilement à la décision de son père plutôt que de prendre la défense de son fiancé, et le malheureux en affaires devint par la même, malheureux en amour.
Cette histoire reflète la réalité à laquelle sont confrontés de nombreux Coréens avant de se marier. Ici, la réussite matérielle est une condition nécessaire à la réussite d’un mariage. Condition tellement sine qua non que lorsque je demandai à mon ami s’il n’était pas profondément agacé de l’ingérence du père dans une relation adulte et du ralliement docile de son ex à l’avis paternel, celui-ci me répondit qu’au contraire, lui se sentait désolé de n’avoir pas été à la hauteur des attentes normales de son ex-fiancée.
La réaction facile serait de porter un jugement rapide sur le matérialisme et la superficialité excessifs de la société coréenne. Mais n’oublions pas qu’en Corée, la génération des parents en âge de marier leurs enfants, et un grand nombre de ces derniers ont connu la misère et la faim. Et que si cette faim a disparu, son souvenir et plus généralement la crainte de toute privation matérielle sont encore présents dans les esprits. Si bien qu’il n’est pas anodins qu’au moment de saluer une personne âgée, l’une des formules de politesse toujours usitée soit: “avez-vous soupé ?”
N’oublions pas non plus que derrière les apparences policées et les devantures de magasins rutilantes au service impeccable où le consommateur coréen est roi, chaque Coréen vit sans filet. Qu’il a moins le droit à l’erreur que son homologue français. Ici, un pépin de santé peut être fatal non seulement au malade mais à toute sa famille, telle celle de cette amie dont le père mourut d’un cancer lorsqu’elle avait 14 ans. Toute l’épargne du foyer passa dans les soins vains d’un père agonisant. Les funérailles passées, la mère, femme au foyer, et sa fille durent quitter leur trois pièces pour un studio. Au lycée, cette dernière sautait un repas sur deux et renonçait aux cours de soutien si précieux pour accéder aux meilleures universités.
La société coréenne est telle que la décrit l’écrivain Yann Moix: non aggressive mais violente. C’est pour s’en protéger et non par pure vénalité qu’au moment de se marier, l’argent compte plus qu’en France.
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Qu’il est regrettable pour les étrangers s’intéressant à la Corée, que le principal journal anglophone du pays, le Korea Herald, soit d’un niveau encore plus médiocre que la plupart des médias en langue coréenne, dont la qualité laisse déjà à désirer.
Alors qu’on pensait avoir été abreuvé des moindres détails de l’anniversaire de Lee Keun-hee, chairman du groupe Samsung, fêté en grande pompe au Shilla hotel, propriété du groupe et dirigé par Lee Boo-jin, fille aînée du chairman, le Korea Herald n’en a visiblement pas eu assez et nous rapporte dans un article en page d’accueil de son site web des compléments d’informations précieux : le lendemain de cette fête d’anniversaire réussie et avant la fermeture temporaire de l’hôtel pour cause de travaux de rénovation, la fille du patron de ce conglomérat qui contrôle 20% du PIB coréen aurait réuni tout le personnel de l’hôtel et leur aurait offert un repas où pour une fois, les managers de l’hôtel faisaient le service pour le petit personnel.
Sans oublier de louer les talents de management de Lee Boo-jin, et de préciser que pendant les travaux, aucun personnel de l’hôtel ne sera mis à la porte, le journal rapporte que celle-ci aurait été émue jusqu’aux larmes, reconnaissante de la dévotion et des efforts de son personnel. Bref, nous ne pouvons nous empêcher d’être nous-mêmes gagnés par l’émotion devant tant de grandeur d’âme et d’humanité dont fait preuve le management de l’hôtel (donc de Samsung) et nous imaginons que c’est parce que toute la rédaction du Korea Herald fut tétanisée par l’émotion qu’il aura fallu mobiliser deux journalistes pour pondre ce qui doit être un copier-coller intégral des paroles d’un responsable de la communication de l’hôtel.
Si cet article a une vertu, c’est qu’il permet aux non coréanophones d’avoir un aperçu de la déférence avec laquelle la plupart des médias traitent les Chaebols et le groupe Samsung en particulier. Car dans un contexte de prise de conscience générale de la domination excessive des Chaebols sur l’économie coréenne, si vraiment on voulait traiter ce quasi-non-événement que constitue l’anniversaire du patron de Samsung ou des travaux que l’hotel dirigé par sa fille aînée est sur le point d’entamer, il y aurait mille et un angles beaucoup plus intéressants de le faire que celui de s’extasier devant la magnanimité des dirigeants de Samsung, à commencer par celui du coût d’une telle fête privée ou encore de l’identité de celui qui paiera l’addition.
Cet anniversaire de l’homme le plus puissant de Corée du Sud aurait pu être également l’occasion de se demander pourquoi 50% de l’économie coréenne et plus de 80% de ses exportations sont entre les mains d’une dizaine de groupes, eux-mêmes contrôlés par des familles qui se transmettent le pouvoir depuis trois générations grâce à des schémas opaques de participations croisées.
Non pas qu’il faille poser un regard inquisiteur sur tous les faits et gestes de familles, aussi puissantes soient elles, dans leurs sphères privées ou les soupçonner systématiquement d’être mal intentionnées. Mais au moins, faire preuve de vigilance et d’esprit critique lorsqu’on choisit d’en parler. Car à force de faire passer docilement tous les messages que les dynasties régnant sur l’économie sud-coréenne souhaiteraient voir diffusés pour soigner leurs images, le Sud se retrouverait rapidement avec une presse digne de celle du Nord.
lire le billetDans le désormais célèbre refrain “Oppa’n Gangnam style !” du hit planétaire de Psy, attardons-nous sur le terme “Oppa”.
La version simple d’abord: “Oppa” signifie grand-frère. Le grand-frère biologique bien entendu, mais également l’ami qu’on appellera grand-frère. Car nous sommes en Corée, une société où l’inférieur doit toujours appeler le supérieur par un titre honorifique : Président Kim, Docteur Park, Professeur Lee. Dès lors que l’âge est un élément déterminant des rapports hiérarchiques, il serait très mal venu d’appeler Mincheol, l’ami âgé d’un an de plus que soi, par autre chose que “Mincheol oppa”, soit “Grand-frère Mincheol”.
Mais si vous êtes de sexe masculin, gardez-vous d’appeler votre ami “Mincheol oppa”, car oppa désigne le grand-frère d’une personne de sexe féminin et dans son acception plus large, son ami ou son petit ami plus âgé. C’est ce dernier cas qui s’applique pour le “Oppa’n Gangnam style” qui signifie “ton mec est (=je suis) Gangnam style”.
Grand-frère biologique, ami proche, petit-ami… Autant de relations, toutes intimes mais toutes de nature différente que couvrent les nombreuses nuances de “Oppa”: si un beau jour, la belle coréenne à qui vous faites les yeux doux vous appelle “Oppa”, c’est que vos efforts ont porté leurs fruits et qu’elle se considère déjà dans une certaine mesure comme votre petite amie. Si par contre, lassée qu’elle reste indifférente à vos avances, vous décidez de lui déclarer votre flamme, ce à quoi elle vous rétorque: “mais tu sais, j’ai toujours pensé que nous étions comme “Oppa – Dongsaeng”, c’est qu’elle déclare vous considérer comme un grand-frère biologique (Dongsaeng” signifiant petit-frère ou petite-soeur) , bref c’est l’excuse classique dont l’équivalent français serait “mais je t’ai toujours considéré un peu comme un frère”, pour refuser poliment vos avances.
La subtilité d’utilisation de “oppa”, n’est qu’un aperçu de la complexité des règles de formalisme à respecter lorsqu’on s’adresse à autrui dans la société coréenne, y compris au sein de la famille. Avant d’interpeller un oncle, une cousine ou une belle-tante, alors qu’il suffirait au Français de se rappeler les prénoms de chacun, le Coréen devra trouver le particule adéquat déterminé en fonction des rapports hiérarchiques qu’instaurent les différences d’âge et de sexe: chaque oncle ou tante aura ainsi une dénomination différente selon son âge relatif et selon qu’il ou elle sera du côté du père ou de la mère. Ces rapports hiérarchiques peuvent être très subtils: imaginons que votre épouse ait un grand-frère plus jeune que vous. Vous serez quand même tenu de l’appeler “grand-frère” parce que c’est son âge relatif à celui de votre épouse qui prévaut.
Ces règles sont parfois si complexes que même les Coréens s’y perdent. Supposons que ce même beau-frère soit marié. Demandez à un Coréen comment appeler cette belle-soeur par alliance: il se grattera la tête, risquera une réponse hésitante, pour finalement avouer que lui-même n’est pas très sûr de la réponse.
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