A plusieurs égards les élections parlementaires qui viennent d’avoir lieu en Corée du Sud rappellent les élections présidentielles de 2007 en France. Dans les deux cas, la majorité se trouvait engluée dans les affaires et affaiblie par l’usure du pouvoir. Mais dans les deux cas, l’opposition a souffert de divisions et de manque de leadership. Et dans les deux cas, c’est une figure issue des rangs de la majorité qui a su incarner le changement.
En Corée il s’agit de Park Geun-hye, 60 ans et fille de Park Chung-hee, le Président de la Corée du Sud entre 1961 et son assassinat en 1979. L’héritage de Park père est aujourd’hui encore matière à débat, considéré comme un Pinochet asiatique par les progressistes, et vénéré comme le père fondateur de la Corée prospère et moderne par les conservateurs. Sa fille fut candidate malheureuse aux primaires de son parti pour les élections présidentielles de 2007 aux dépens du Président actuel Lee Myung-bak. En retrait depuis cette défaite, Park a su progressivement se démarquer du pouvoir actuel et se poser en recours possible aux yeux d’une opinion publique plus préoccupée par les difficultés économiques, notamment la baisse du pouvoir d’achat, la montée du chômage (notamment celui des jeunes), et la mainmise des grands conglomérats (Chaebols) sur l’économie aux dépens des PME, que de la menace nord-coréenne.
C’est la perte par la majorité de la mairie de Seoul qui offre une opportunité à Park de reprendre la main. Celle-ci prend la tête d’un parti désemparé et mal engagé dans une année 2012 cruciale qui prévoit successivement le renouvellement du Parlement (les élections de mercredi dernier) puis du Président coréen en décembre. La décision de Park de monter en première ligne semble risquée: les sondages prédisent une victoire de l’opposition lors des élections législatives, un échec dont Park devrait endosser la responsabilité, ruinant ses ambitions présidentielles. Mais Park n’est jamais aussi bonne qu’en campagne électorale: elle procède à une rénovation express de son parti qu’elle rebaptise “Saenuri” (nouvelle frontière), puis sillonne sans relâche le pays à la rencontre de la Corée d’en bas. Elle prend également soin de se distancer du bilan d’un Président du même bord, mais impopulaire et réputé proche des Chaebols, ces grands groupes omnipotents qui ont acquis leur position ultradominante grâce au modèle de développement économique mis en place par… le père de Park.
En face, le Parti Démocrate Unifié (PUD), qui représente le principal parti d’opposition est mal organisé. Certes il peut surfer sur le mécontentement de l’opinion envers le pouvoir actuel, mais il n’a pas de leader clair qui puisse incarner l’opposition face à Park et aucun candidat à la présidentielle ne se dégage ne manière incontestable aujourd’hui: Han Myung-sook, ancienne Première Ministre sous la précédente administration et chef du PUD n’a pas d’ambition présidentielle et serait de toutes les façons disqualifiée par cette défaite électorale, alors que le candidat pressenti, Moon Jae-in a lui certes gagné son siège de député à Busan, la deuxième ville du pays, mais n’a pas réussi à chambouler la donne dans ce bastion conservateur du sud-est de la péninsule.
Au final, le parti au pouvoir conserve sa majorité au Parlement, marquant une victoire personnelle pour Park. La course à la présidentielle semble donc mal engagée pour le camp progressiste, dont l’attention se tourne encore plus vers Ahn Cheol-soo, un businessman et philanthrope comparable toute proportion gardée à Bill Gate, puisque Ahn a crée l’un des principaux éditeurs de logiciels en Corée. Aujourd’hui professeur à l’université de Seoul et jouissant d’une énorme popularité notamment auprès des jeunes, on prête de plus en plus à Ahn des ambitions politiques qui pourraient converger avec celles du PUD. Encore faudrait-il que ces ambitions soient réelles, qu’elles trouvent un cadre d’arrangement avec les intérêts du PUD et que surtout, une telle alliance ne sape pas le principal atout de Ahn: son image de novateur, en dehors du cadre des partis politiques traditionnels.
Merci pour ce billet fort intéressant, je savais qu’il était question d’une bataille entre des “rouges” et des “jaunes”, à coup d’Angry Birds, j’en sais un peu plus désormais ^_^
Est-ce qu’il y a beaucoup de corruption en Corée du Sud ?
La corruption est malheureusement beaucoup plus généralisée qu’en France.
@Johny, pas plus qu’en France. Sauf qu’en Coree, les politiciens ne savent pas etouffer les affaires, ou alors tres mal.
J’ai trouvé les données de Transparency International.
http://www.transparency.org/content/download/64565/1032845/
Apparemment il y a un peu plus de corruption en Corée du Sud qu’en France.
[…] Ahn est aujourd’hui le seul capable de barrer la route à la candidate conservatrice Park Geun-hye, qui elle est depuis longtemps en campagne. Parce que Ahn n’a pas besoin de promettre le […]