La nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre à Séoul où les gens vivent avec un smartphone greffé à la main. Kim Jong-Il est donc mort, lui qui était considéré comme l’ennemi juré par le gouvernement de Seoul; lui qui tyrannisait la moitié de cette péninsule, et qui il y a un an encore, bombardait une île sud-coréenne faisant des victimes civiles.
Et pourtant personne ou presque ne se réjouit ici de la disparition de ce tyran. La nouvelle a été plutôt reçue avec stupeur et inquiétude par une population pourtant habituée aux coups d’éclats de son voisin du Nord. C’est que généralement, ces coups d’éclats sont prémédités par le Nord, alors que cette fois-ci, l’événement touche avant tout à la stabilité du régime de Pyongyang. Or c’est ce que redoutent le plus les Sud-coréens: une remise en cause de la stabilité précaire qui règne tant bien que mal sur la péninsule depuis plus d’un demi siècle, et qui a permis au Sud de se concentrer sur son obsession: sortir de la pauvreté. Cette année encore le pays devrait connaître une croissance économique supérieure à 4%, renforçant un peu plus cette société de l’affluence chèrement acquise à la sueur de générations entières de travailleurs acharnés.
Si bien que lorsqu’on interroge les Sud-coréens, nombreux sont ceux qui en arrivent à espérer que la transition du pouvoir dynastique réussisse. “Kim Jong-un, est si jeune et il n’a eu qu’un an de préparation au pouvoir, alors que son père y avait été préparé pendant 20 ans…” entend-on dire ici et là sur le ton de l’inquiétude. De la bouche de la ménagère de 50ans, le ton est presque maternel, avec un sous-entendu que personne n’ose vraiment expliciter: “Espérons qu’il sera à la hauteur et que le régime tiendra!”
Pour le moment donc, point de réjouissance face à l’hypothétique chute du frère ennemi, voire à une réunification. Le pragmatisme l’emporte et l’on craint la chute du régime. On craint également un dérapage irréversible d’un côté comme de l’autre car à ce niveau de tension, un coup de feu est si vite parti. Pour le Coréen du Sud, la menace du Nord n’est pas liée qu’à l’évolution réelle ou supposée d’un programme nucléaire. Séoul et sa conurbation, qui concentrent la moitié de la population de la Corée du Sud, ne sont situées qu’à 70 kilomètres de la frontière, où s’amasse la quasi-totalité de la puissance de feu de la Corée du Nord: un simple tir d’artillerie lourde et c’est l’assurance de dégâts considérables pour Séoul.
Inquiétude donc et impuissance également, tant les Sud-coréens sont persuadés que face à ce frère ennemi, ni leur puissance économique, ni leur diplomatie, encore moins leurs capacités militaires n’a de pouvoir. On s’interroge d’ailleurs sur les compétences de la NIS, les services secrets locaux, apparemment pris de court et découvrant la nouvelle avec le grand public lors de l’annonce officielle du Nord: le 17 décembre, jour du décès de Kim, le Président Sud-coréen Lee Myung-bak était en visite officielle au Japon, puis est rentré tranquillement en Corée le 18 pour ne rien changer à son emploi du temps officiel. Aujourd’hui, il aurait été sur le point de fêter son anniversaire en petit comité quand il aurait appris la nouvelle. Lorsque je demande à mon collègue si vraiment la NIS pouvait ne pas être au courant, celui-ci me répondit: “Bien sûr, ce sont tous des incapables au pouvoir, les seuls en Corée du Sud susceptibles d’avoir été au courant c’est l’état major de Samsung…”
Comme toujours, les Coréens du Sud sentent que les clés du problème nord-coréens sont détenus par leurs puissants voisins: les Etats-Unis bien sûr, dont la présence militaire sur le sol sud-coréen sont une dissuasion de taille contre toute initiatives du Nord, mais de plus en plus les regards se tournent vers la Chine, le grand-frère historique et protecteur qui peu à peu retrouve ce rôle dans la région. Au 7ème siècle, le Royaume de Shilla s’allia avec la Chine pour envahir les deux royaumes de Goguryeo et Baekche et unifier la péninsule coréenne. La blague du moment raconte que Kim Jong-nam, le fils aîné de feu-Kim Jong-il exilé à Macao et sous protection chinoise (Kim Jong-un voyant en lui un concurrent lui chercherait des crosses), pourrait prendre le pouvoir à Pyongyang avec l’aide des Chinois pour réunifier la Corée, comme au bon vieux temps.
Très bonne analyse, je partage votre point de vue. Les 4 scénarios
possibles sont maintenant en place.
Du pire au meilleur :
01 – Une escalade militaire qui déstabiliserait toute la région et voir même plus. Japon, Chine, Russie, USA.
02 – Un effondrement du régime nord coréen qui serait une catastrophe économique et politique pour la Corée du sud. Des centaines de millier de réfugiés, des dépenses énormes pour le sud, une perte de croissance probablement très forte…
04 – Statu quo, Kim-Jong-un garde la stratégie de son père.
03 – Kim Jong-un et les hauts responsables qui l’entourent, réforment le régime. La Corée du nord s’ouvre lentement sur le reste du monde.