C’est la mousson ici, ou “Jangma” en Coréen, due à la rencontre entre une masse d’air froid venu du nord et d’une masse d’air chaudes et humide venue des tropiques. Résultat: des précipitations monstres qui débutent théoriquement vers la fin juin pour se terminer trois semaines plus tard. Théoriquement parce que nous sommes fin juillet et depuis la veille, il tombe des trombes d’eau sans discontinuer sur Séoul:
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A part une légère intolérance au lactose (qui ne m’empêche pas d’assouvir ma passion pour les fromages), j’aborde généralement les découvertes culinaires avec enthousiasme, sans tabou aucun. Ceci est souhaitable pour apprécier pleinement la gastronomie coréenne dont l’intérêt réside souvent dans ses ingrédients dépaysants, par exemple à base de mollusques peu connus en France (et souvent vivants) ou d’animaux de compagnie…
Mais il faut toujours une exception à la règle, et il existe bien une catégorie de comestibles à laquelle je suis absolument réfractaire: les insectes. Heureusement les insectes ne constituent pas la source principale de protéines des Coréens qui d’ailleurs n’en consomment qu’une espèce: les larves de vers à soie.
Pour être tout à fait honnête, je ne peux pas affirmer ne pas aimer ces petites bêtes tout simplement parce que je n’ai jamais pu en goûter, tellement l’odeur putride que dégage leur cuisson m’a toujours empêché de m’en approcher. Et pourtant, les larves de vers à soie, c’est un peu comme nos popcorns à nous. Une friandise que les jeunes, et d’ailleurs surtout les jeunes filles, prennent pour grignoter en regardant le dernier blockbuster au cinéma. Autant vous dire qu’il ne vaut pas mieux être assis à côté de l’une d’entre elles.
lire le billetLes roches Liancourt, ces quelques îlots qui émergent à mi-chemin entre les côtes coréennes et japonaises symbolisent toute la complexité des relations entre les deux pays, et parfois tout le ridicule dans lequel peuvent se draper Coréens et Japonais pour se disputer un petit bout de territoire. L’enjeu de cette bataille diplomatique se résume à deux gros cailloux aujourd’hui occupés par quelques policiers sud-coréens et un couple de pêcheurs amené sur l’île à grands coups de subventions en 2006. Dans les faits, ces roches Liancourt, qu’il est ici déconseillé d’appeler autrement que par son nom coréen “Dokdo”, sont donc un territoire sud-coréen.
Mais vous l’aurez deviné, les Japonais ne sont pas du tout d’accord. D’ailleurs, n’allez pas parler de Dokdo aux Japonais, qui ne connaissent ces îlots que par leur dénomination japonaise “Takeshima”. Injustement occupées par les Coréens, ces îles seraient partie intégrante de la préfecture de Shimane, qui depuis 2005 célèbre un “Takeshima day” afin de mobiliser l’opinion nationale contre cette injustice.
L’appartenance des roches Liancourt est un sujet aussi controversé que l’origine de la rivalité entre Corée et Japon et quiconque tenterait une explication serait aussitôt accusé par l’un des deux camps de favoriser le camp adverse. Pour les Coréens, Dokdo, dont l’appartenance à la Corée serait prouvée par des archives historiques coréennes et japonaises, n’est rien d’autre que le premier bout de territoire national annexé par les Japonais en 1905, avant d’annexer le reste quelques années plus tard. Que le Japon conteste ce bout de terre est donc une provocation grave car en plus de mettre en cause l’intégrité territoriale du pays, il tend à légitimer le passé impérialiste de l’Empire Nippon.
Pour les Japonais, l’histoire est différente: ils auraient certes annexé l’île au début du 20ème siècle, mais alors qu’elle n’appartenait à personne. Tandis que dans le traité de San Fransisco de 1951 ces fameuses roches Liancourt ne figureraient pas nommément dans la liste des territoires Coréens pour lesquels le Japon déclare renoncer toute ambition.
Aujourd’hui cette querelle est donc forte de symboles: pour les Coréens c’est une preuve supplémentaire que le Japon n’a pas complètement renoncé à son ambition impérialiste, tandis que pour les Japonais, il s’agit de dépasser le complexe de sa défaite de 1945 et de pouvoir faire valoir ces droits comme n’importe quelle autre nation souveraine.
C’est ainsi que chaque petit fait et geste de l’un est scruté et interprété par l’autre et vice-versa. Chaque sortie de manuel scolaire Japonais est contrôlé par les Coréens afin d’y détecter toute mention de ces îles comme appartenant au Japon. Chaque auteur de mappemonde où ces fameuses îles seraient décrites sous la mention Takeshima (ou Dokdo) ferait l’objet de protestation officielle de la Corée (ou du Japon). Dernier épisode en date: un vol de démonstration de son nouvel airbus A380 effectué par Korean Air au dessus de Dokdo. Forcément, ça n’a pas plu au gouvernement japonais qui a demandé à ses fonctionnaires de boycotter la compagnie aérienne pendant un mois.
– “Les Coréens auraient pu boycotter à leur tour les compagnies japonaises, mais ils ne les prennent jamais de toute façon parce qu’elles sont trop chères,” me dit une amie coréenne.
La cour de récré vous dis-je…
lire le billetJ’ai beau avoir l’apparence d’un Coréen, parler écrire et lire en Coréen, il existe tant de différences culturelles et dans la façon de penser que je préfère annoncer rapidement aux gens autour de moi que je suis un simple “occidental”, afin qu’ils ne soient pas vexés par mes éventuelles maladresses, dont je vous livre un exemple récent.
Je suis invité à dîner par des amis et suis placé à côté du grand-père paternel de la famille, à qui je dois évidemment la plus grande déférence. Celui-ci, est vivement intrigué par ce pays si lointain qu’est la France, et je passe une grande partie de mon dîner à répondre à ses questions sur la vie là-bas. Naturellement tout le monde se tait lorsque le grand-père parle et toute la table se retrouve à écouter avec attention notre conversation sur la vie en France. Les questions tournent autour de la vie de tous les jours et il en vient à me demander si les Français dorment aussi sur un matelas chauffant les nuits d’hiver.
Sur le coup, je ne comprends pas sa question parce que le terme “matelas chauffant” (전기 장판, “jeongi jangpan”) ne fait pas partie de mon vocabulaire de Coréen. Je lui demande naturellement ce que signifie “jeongi jangpan”… Et les convives émettent tous un rire gêné, dont je ne comprends pas tout à fait la raison aujourd’hui encore.
Il s’avère que par cette seule question de vocabulaire, mon attitude aurait été insolente, car on ne met pas dans l’embarras une personne à qui l’on doit le respect en lui posant une question inattendue. D’ailleurs, il est généralement malvenu pour une personne de poser une question à une personne d’un statut très supérieur (souvent c’est l’âge qui détermine ce positionnement), car poser une question est une obligation qu’on impose à son interlocuteur de répondre.
Comment aurais-je donc dû réagir? D’après mes amis, un Coréen se serait contenté de répondre oui ou non à la question du grand-père, même sans savoir de quoi il s’agissait, pour changer rapidement de sujet. Puis, une fois le dîner terminé et le grand-père alité, il se serait renseigné sur la signification de ce mot, au plus proche des convives de ce dîner.
C’est incroyable comment l’attitude la plus naturelle pour les uns, peut paraître la plus saugrenue chez les autres…
lire le billetVue d’Asie, la Corée du Sud est une petite pointe de terre coincée entre les géants chinois, russe et japonais. C’est peut-être la raison pour laquelle peu en Europe s’intéressent à ce pays car pourquoi s’arrêter à Séoul, lorsque Shanghai et Tokyo sont à moins de 3 heures de vol? Mais transposons ce pays en Europe: avec une population et un PIB au même niveau que celui de l’Espagne et une croissance économique de 6% en 2010, la Corée ne serait-elle pas l’un des piliers de la zone euro?
L’entrée en vigueur le 1er juillet dernier de l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et la Corée contribuera peut-être à hausser le niveau d’intérêt des européens pour la Corée. Encore faudrait-il que cet accord favorise réellement le libre-échange et de mon point de vue de PME exportatrice de vins en Corée, les choses ne me paraissent pas aussi évidentes.
Sur le papier, que du bonheur car les droits de douane auxquels étaient soumis les produits de nos chers vignobles vont disparaître progressivement. Mais dans la réalité, le gouvernement coréen ne voit pas d’un si bon oeil l’engouement de ses concitoyens pour le vin. Car face au vin, le Soju et le Magkolli, deux alcools coréens, le premier à base de patate douce, l’autre à base de riz, ont également des ambitions d’abord de préserver leurs parts de marché en Corée, puis de venir concurrencer le vin à l’international. Seul hic pour ces deux concurrents locaux: leurs productions artisanales ont été stoppées dans le courant des années 70, lorsque le président Park de l’époque interdit l’usage des récoltes pour la fabrication d’alcool. Si bien qu’aujourd’hui, même si les alcools coréens se vantent d’une tradition millénaire, nombre de savoir-faire ont été perdus, tandis que la grande majorité d’entre eux sont issus de fabrication industrielle.
Par contre ces alcools locaux ont un avantage concurrentiel imbattable: le prix. Ainsi, une bouteille de Soju s’achète à 1 Euro, lorsqu’une bouteille de vin, même la plus imbuvable, vous en coûtera 15. C’est cet avantage que les Coréens espèrent bien garder malgré l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange. Et les moyens pour y arriver sont nombreux.
Prenons un exemple schématique : vous voulez exporter 10 bouteilles de Grand Cru classé de Bordeaux qui vous ont coûté 100 euros pièce transport compris, soit un coût total de 1000 euros à l’arrivée à la douane en Corée. L’accord de libre-échange est entré en vigueur et c’est à votre plus grande joie que vous apprenez que vos bouteilles ne sont plus soumises aux droits de douane de 15%. Vous avez donc économisé 150 euros au total grâce à cet accord: un montant non négligeable.
Mais qui dit importation ne dit pas seulement droits de douane, mais également formalités douanières. Et pour l’importation de vins, dans la plupart des cas, vos bouteilles devront passer l’analyse en laboratoire effectuée par la douane, et ce alors même que vous avez déjà fourni les résultats d’analyses en laboratoire effectuées par le vigneron en France. Cette analyse coûtait 60 euros en 2009, mais par une inflation fulgurante et mystérieuse, elle coûte 210 euros aujourd’hui, soit une augmentation de… 150 euros.
Sans oublier que pour procéder à l’analyse, les douaniers doivent vous prélever une bouteille de votre grand cru de votre cargaison. Je me reconvertirais bien en douanier coréen moi si je me plante dans l’exportation de vin.
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