Le siège social de Samsung à Seoul
Quel est le point commun entre le Burj Khalifa, tour la plus haute du monde, le iPhone, smartphone le plus populaire au monde et Piltun-B, la plus grande plateforme off-shore au monde?
La réponse: Samsung, qui est impliqué dans ces trois succès respectifs de leurs secteurs. Sa filiale BTP Samsung C&T a construit le Burj Khalifa, tout comme à peu près toutes les récentes structures qui ont à un moment détenu le record de tour la plus haute du monde (les tours Petronas et Taipei 101). S’agissant de l’iPhone, Samsung Electronics pourrait paraître comme l’un des concurrents majeurs d’Apple. Il l’est sans aucun doute, mais il est également l’un de ses partenaires stratégiques à qui Apple sous-traite un tiers des composants de l’iPhone. Cette année, Samsung prévoit un chiffre d’affaires de 7,8 milliards de dollars de sa relation avec Apple. A se demander si le management de Samsung ne souhaite pas en secret la réussite du produit concurrent. Enfin, la plateforme off-shore Piltun-B est l’oeuvre de Samsung Heavy Industries, deuxième constructeur naval au monde, dont le site de construction de Geoje peut pondre un méga tanker capable de transporter 250 000 m3 de gaz liquide pratiquement tous les mois.
Voilà où en est Samsung aujourd’hui: au sommet de la réussite quel que soit le secteur d’activité où il a choisi de s’investir; sur la plus haute marche du podium de ces grands groupes diversifiés qu’on appelle conglomérats, avec un chiffre d’affaires consolidé de 172,5 milliards de dollars en 2009, soit l’équivalent du PIB de Singapour. Fer de lance du groupe à l’étranger: Samsung Electronics, premier fabricant mondial de dalles LCD pour écrans en tous genres, premier producteur mondial de TV, leader mondial de mémoires DRAM et flash, 2ème fabricant mondial de semiconducteurs derrière Intel et de téléphones mobiles derrière Nokia. Samsung Electronics est devenu en 2009, la première entreprise IT en terme de chiffre d’affaires devant Hewlett Packard. Aujourd’hui, sa capitalisation boursière est supérieure à celles de Sony, Nokia, Toshiba et Panasonic réunis.
Si à l’étranger Samsung est surtout connu pour ses produits électroniques, en Corée cette marque est omniprésente dans tous les aspects de la vie quotidienne. C’est ainsi que les meilleurs produits d’assurance sont proposés par Samsung Life, numéro un du secteur en Corée; les meilleurs appartements sont les résidences “Raemian” made in Samsung C&T; le plus luxueux hotel est le Shilla, propriété du groupe, tout comme le premier réseau d’agences de communication, Cheil ou le premier cabinet de conseil IT, Samsung SDS. Et la liste pourrait s’étendre presque indéfiniment: un pépin de santé? Prenez rendez-vous au Samsung Medical Center; besoin de se changer les idées dans un parc d’attraction? Bienvenu à Samsung Everland; envie de soutenir une équipe de baseball locale? Autant choisir les Samsung Lions, vainqueurs du championnat en 2002, 2005 et 2006… On comprend mieux pourquoi aujourd’hui, Samsung représente 15% du PIB coréen et près de 20% de ses exportations.
Comprendre la réussite de Samsung, c’est comprendre la réussite de la Corée, tant leurs destins sont liés. Celle de Samsung commence en 1938, dans une Corée miséreuse, occupée par le Japon Impérial depuis 1910. Lee Byung-Chull, issu d’une famille de riches propriétaires fonciers du sud de la Corée crée “Samsung Sanghoe” une entreprise de négoce et d’exportation de produits alimentaires essentiellement vers la Chine. L’homme a la fibre entrepreneuriale et malgré les périodes troubles de la Seconde Guerre Mondiale, puis de la guerre de Corée, il multiplie les affaires pour s’aventurer avec succès dans le raffinage de sucre (Cheil Jedang) et le textile (Cheil Mojik), deux produits en forte demande dans la Corée sous-développée de l’époque.
Lee Byung-Chull déclenche ainsi le cercle vertueux de ses affaires. Il faut dire que le contexte est propice: le pays a désespérément besoin d’entrepreneurs et capitaines d’industries doués comme lui pour sortir de la pauvreté, et le pouvoir est prêt à accorder tous les privilèges à quelques pionniers de l’industrie coréenne dont Lee fait partie, au côté des fondateurs des autres conglomérats coréens en devenir tels que Hyundai, LG ou feu-Daewoo. Aucun des secteurs qu’il juge porteur ne lui échappera: textile, pétrochimie, machines-outils, construction navale, puis en 1969, la création de Samsung Electronics et la production des premières TV noir et blanc.
Jusqu’au début des années 80, Samsung n’est un géant qu’en Corée et reste pratiquement inconnu à l’étranger. Les choses changent avec le développement de Samsung Eletronics et lorsqu’en 1983, Lee Byung-Chull décide de se lancer dans la fabrication de semi-conducteurs: un risque majeur vu la taille des investissements nécessaires, mais une décision visionnaire et lumineuse tant ce composant est devenu essentiel dans l’industrie électronique. C’est l’un des tournants majeurs pour Samsung. Aujourd’hui, cette activité est devenue la vache à lait du groupe, autant qu’elle lui a permis d’acquérir un début de notoriété à l’international, grâce à ses innovations dans ce domaine à partir des années 90.
Lee Byung Chull meurt en 1987 et laisse la place à son fils, Lee Kun-Hee, le chairman actuel du groupe Samsung. Celui-ci aurait déjà fortement influencé le père dans la décision de se lancer dans les semi-conducteurs. Il continuera le développement de Samsung en digne héritier, opérant un autre tournant au milieu des années 90: ne supportant pas de voir ses produits relégués au rang de produits anonymes et bons marchés, il opère le tournant du haut de gamme en misant sur la qualité et le design, deux critères jusque là étrangers à la culture du groupe. Selon la légende, il aurait alors ordonné à ses cadres de “tout jeter à part femme et enfants”. Les forces de Samsung Electronics, notamment sa rapidité d’exécution lui permettant de sortir de nouveaux modèles de portables très design et de qualité plus vite que quiconque, trouvent leur genèse dans ce tournant.
Mais la vrai force de Samsung ne sont ni la qualité ni le design de leurs produits, c’est la capacité de Lee et de son état-major à distiller à ses troupes le sens du danger permanent. Car pour le management de Samsung, le danger est plus que jamais présent : Samsung sait peut-être mieux que quiconque sortir le concurrent le plus sérieux à l’iPhone ou à l’iPad, mais il n’est que l’un des suiveurs à qui il manque la capacité d’innovation et de créativité du Californien, qualités indispensables pour survivre dans ce secteur au 21ème siècle. Les deux priorités actuelles de Lee sont donc le rajeunissement du management de l’entreprise et l’investissement massif dans l’innovation, pour laquelle 10,7 milliards de dollars seront consacrés cette année.
Aussi géant qu’apparaisse le groupe Samsung, il ne s’agit que d’une portion, certes majeure, de l’empire du fondateur Lee Byung-Chull, tout comme Lee Kun-hee n’est que le troisième enfant d’une famille de cinq. A l’époque de la mort du fondateur, son empire comprend également Hansol, un conglomérat à part entière présent dans les secteurs de la construction, de la chimie, du papier, ou encore du tourisme. Hansol sera légué à la fille aînée du fondateur. Il y a aussi Shinsegae, acteur majeur de la grande distribution, avec un réseau de grands magasins (Shinsegae Department Store) et d’hypermarchés (E-mart). C’est la benjamine de Lee Byung-Chull qui en prendra le contrôle jusqu’à aujourd’hui même. Il y a enfin CJ Group, dont l’ancêtre est la raffinerie de sucre (Cheil Jedang) des débuts, présent aujourd’hui dans l’agro-alimentaire, la pharmaceutique, la logistique, et les médias, notamment avec la production et la distribution de films. L’ancêtre de CJ Group fut légué au fils aîné du père fondateur, dont le propre fils est actuellement CEO du groupe.
Toutes ces entités sont théoriquement séparées depuis les années 90. Mais toutes ces entités sont réunies par des liens peut-être aussi forts que des liens capitalistiques : ceux d’une même famille dans sa conception coréenne, c’est à dire d’une cellule indivisible, réunie pour le meilleur et pour le pire. Et le pire il y’en eut également au cours de ces décennies de développement effréné.
A suivre.
Merci pour votre excellent blog!
Une véritable immersion en Corée à chaque billet, et pleins d’infos pour mieux comprendre ce pays, j’ai hâte d’en lire plus ! 😉
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par Guy Parmentier, Kim . Kim a dit: Je lis https://blog.slate.fr/la-gazette-de-seoul/2011/02/07/lhistoire-de-samsung-partie-12-success-story-a-la-coreenne/ […]
[…] L’histoire de Samsung (partie 1/2): success story à la coréenne […]
J’AIMERAI VENDRE UN BREVET A SAMSUNG
DANS LE DOMAINE DE LA TÉLÉPHONIE.
CORDIALEMENT VOTRE
MERCI D’AVANCE
PS:marcmbalin@aol.fr