Tepco ne veut plus payer la crise

C’était il y a un mois. Le projet de construire un bouclier souterrain, sous la centrale de Fukushima Dai-ichi était déjà présent sur la table. On savait alors que les combustibles des réacteurs n°1, 2 et 3 avaient fondu dès les premières heures de la catastrophe et que les cuves étaient percées. Le corium, magma radioactif formé par les combustibles, risque de s’enfoncer dans la terre, et de passer la dalle de béton se trouvant sous la centrale. Il fallait donc réagir vite, avant que ce magma n’atteigne les nappes phréatiques. Pourtant, rien n’a été fait jusqu’à aujourd’hui. La raison: le coût de cette construction estimé à 100 milliards de yens (893 millions d’euros) jugé trop élevé par Tepco. D’où l’exigence, portée avec la bienveillance du ministre de l’économie KAIEDA Banri, de faire participer l’Etat. Après avoir accumulé les profits pendant des années, la compagnie d’électricité privée de Tôkyô entend bien socialiser les pertes.

Le gouvernement japonais vient donc de décider de financer en grande partie le bouclier dont la construction devrait commencer dans les jours à venir. Fort de cette victoire, Tepco entend bien à présent revenir sur ses promesses d’indemnisations des sinistrés. Lors d’une conférence de presse tenue mercredi, des représentants de Tepco ont annoncé que l’entreprise refusait de prêter des fonds pour la reconstruction d’écoles, de maisons de retraites ou de centres de santé. Reste que l’entreprise doit dédommager environ 160 000 sinistrés de la préfecture de Fukushima. La compagnie a déjà versé un million de yens (plus de 8000 euros) par foyer vivant dans une zone de 30 kilomètres autour de la centrale. Tepco relève la tête aujourd’hui, avec une action en hausse à la bourse de Tôkyô et espère un financement de la reconstruction par l’Etat, lui permettant d’échapper à ses responsabilités. Une fois KAN Naoto évincé, qui malgré les critiques a plutôt bien géré la catastrophe, et un nouveau président du PDJ plus conciliant élu fin août, le rêve de Tepco pourrait devenir réalité.

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Le premier ministre japonais serait-il devenu antinucléaire ?

Le premier ministre japonais, KAN Naoto, a déclaré mercredi dernier vouloir réduire la « dépendance [du Japon] à l’énergie nucléaire et avoir l’objectif à terme d’une société où l’on puisse vivre sans centrale nucléaire.” Autrement dit, avoir pour horizon une sortie du nucléaire. Cet homme politique, co-fondateur du Parti démocrate japonais (PDJ)  a reconnu qu’avec l’accident de Fukushima, il a « pris conscience que le risque de l’énergie nucléaire est trop élevé ».

Il s’agit ici d’un revirement complet : alors qu’à la veille de l’accident, le Japon voulait porter la part du nucléaire à 50% de l’électricité produite (30% aujourd’hui), l’objectif affiché aujourd’hui par le premier ministre est de faire l’inverse, réduire cette part. Mais cette annonce augure-t-elle d’un réel changement de stratégie dans la politique énergétique, à l’image de l’Allemagne ? Rien n’est moins sûr. En effet, KAN Naoto n’a pas donné de chiffres ni de calendrier pour cette “sortie” du nucléaire. Et le Ministère de l’industrie (Meti) qui décide de la politique énergétique et est lié à l’industrie nucléaire, y est certainement opposé. Enfin, cette simple phrase a suscité de très vives réactions dans la presse, de droite – Yomiuri Shimbun, Nikkei Shimbun – comme de gauche, l’Asahi Shimbun donnant volontiers la parole à des membres du PDJ opposés à toute sortie du nucléaire. La plupart des commentateurs ont raillé le premier ministre, arguant qu’il n’est qu’un “idéaliste”, malgré une déclaration pour le moins mesurée

Chant du cygne ou revirement politique ?

Des éléments indiquent cependant que des choses changent dans l’archipel. D’une part, la pression de la rue n’a jamais été aussi importante. Lors de la dernière journée de manifestation nationale contre le nucléaire en juin, des dizaines de milliers de personnes sont descendus dans la rue dans plus de 100 localités. De plus, si la majeure partie des milieux industriels, représentés par le Keidanren, reste attachée à cette énergie, le PDG de SoftBank, SON Masayoshi crée des remous avec son projet d’une organisation pour la promotion des énergies renouvelables. Un projet qui intéresserait déjà le plupart des préfectures japonaises. Alors, chant du cygne pour un ministre assailli de toutes parts et poussé à la démission ou réel changement dans la politique énergétique du Japon? Les mois qui vont suivre seront déterminants pour répondre à cette question.

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