L’équipe japonaise de football féminin vient de remporter son ticket pour la finale de la Coupe du monde qui se déroulera dimanche à Francfort, et où elle sera opposée aux États-Unis. C’est la première fois que le pays atteint ce stade de la compétition, après avoir battu en quart de final l’Allemagne, pays hôte et réputé favoris, puis la Suède 3-1 en demi-finale mercredi soir. Les victoires successives de cette équipe ont suscité un engouement inédit au Japon, au point de détrôner les traditionnels matchs de baseball ou les compétitions de sumo dans les unes de presse. Et les joueuses japonaise sont devenus en ces temps difficiles pour l’archipel, de véritables stars nationales.
Mais arrêtons-nous un instant sur un élément surprenant. Les joueuses de football féminin sont surnommées au Japon, les Nadeshiko Japan (« les Œillets »), terme qui désigne aussi l’idéal féminin de la société patriarcale et traditionnelle des temps anciens, dît du Yamato. Les kanji utilisés – 撫子 – signifient d’ailleurs « enfant (ou femme) que l’on caresse », soulignant que la femme idéale est soumise, passive, ravalée au rang d’objet. Un objet d’une beauté éblouissante certes, mais un objet quand même. Ce terme est par ailleurs extrêmement connoté au Japon, puisqu’il fut utilisé pendant la seconde guerre mondiale par le régime militariste, à des fins de propagande.
Que ce terme ait été choisi pour désigner les joueuses de l’équipe nationale ne relève sans doute pas du hasard. Bien loin de faire progresser l’égalité entre hommes et femmes – que seule la mixité dans le sport pourrait rendre possible – le succès du football féminin s’est accompagné de nombreux commentaires renvoyant les joueuses à leur genre, de manière parfois outrancier.
Les droits des femmes au Japon restent encore extrêmement précaires. Ce pays conserve ainsi une inégalité salariale hommes-femmes parmi les plus fortes des pays développés – environ 40% d’écart salarial. Par ailleurs, malgré une baisse inquiétante de la population active, peu de mesures sont prises pour aider les femmes à travailler. On se souvient d’ailleurs du mot d’un ministre de la santé, définissant en 2007 les femmes comme des « machines à accoucher » (umu kikai), se devant de respecter leur mission. Ces mots lui avait valu sa démission. Il n’empêche que cela donne une idée du conservatisme et du sexisme existant dans la classe politique japonaise.
Sans doute, cette compétition permettra de faire progresser l’idée que les femmes peuvent pratiquer n’importe quelle activité réputée masculine. Mais dans un pays où le mouvement féministe est exsangue, il en faudra bien plus pour faire naître une égalité réelle entre hommes et femmes.
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