Côté commerce, dans le 9ème arrondissement, il y en a pour tous les goûts. Il y a ceux qui tiennent aux traditions, ceux qui font parler le portefeuille et ceux qui ne veulent qu’une chose: la qualité.
Pour les nostalgiques du vieux Paris, pas très loin, il y a la rue Cadet, une rue commerçante avec ses petites boutiques. Il y a le traiteur de la dame aux yeux bleus, qui lui prépare depuis toujours ses champignons à la grecque et ses terrines de poisson.
Pourtant, depuis quelques années, on la voit moins dans la petite boutique au décor soigné. Il y a cinq ans, sous la pression insistante de sa nièce, elle a acheté un réfrigérateur. «C’est vrai qu’au début, j’étais réticente, moi je n’ai pas grandi dans le luxe, c’était la guerre et on avait un garde-manger, maintenant, je peux faire des réserves et je suis sûre qu’elles seront toujours bonnes à manger», explique-t-elle.
Pour manger bio ou casher, il faut aller un peu plus loin… Par exemple, pour la jeune mariée du cinquième, les courses, c’est chez Naturalia. «Je ne tolère pas le lait de vache, donc j’achète du lait de soja ou d’amande et je n’en trouve pas dans les moyennes surfaces plus proches de chez moi».
Pour les plus feignants, bien sûr, il y a le Ed d’en bas. « Les fruits, on a remarqué que c’était moins cher et meilleur chez Ed », explique le peintre que nous avions rencontré. [lien] D’ailleurs, il a fait ses calculs. Il a remarqué que sur certains produits la concurrence joue réellement. «Ed et Franprix vendent les mêmes céréales mais chez Ed, non seulement c’est moins cher mais en plus, il y a souvent des offres, des bonus, par exemple, 10% supplémentaire. Donc je suis gagnant à tous les coups!», assure-t-il.
Mais le vrai problème, avec les courses, reste de les monter. Dans notre immeuble, il n’y a pas d’ascenseur et les premiers à en souffrir sont les plus âgés. Au premier étage, la dame de gauche a 82 ans. « Je ne peux pas aller acheter de l’herbe à chat pour mon animal de compagnie, c’est trop loin pour moi. Heureusement, j’ai une jeune voisine qui accepte d’aller m’en acheter de temps en temps», explique la vieille dame, son chat tapi sous sa chaise. «Il n’approche personne », nous glisse-t-elle, « sauf ma petite voisine… on dirait qu’il sent que c’est elle qui va jusqu’au magasin chercher son herbe»…
lire le billet«Le dimanche soir, quand je descends mes poubelles, ça dégorge, j’imagine qu’on a tous la même idée le même jour», explique la jeune maman du troisième, rencontrée près du local à poubelles.
Le tri sélectif? Ça la dépasse… Oui, elle a bien vu les poubelles, jaune pour les cartons et les papiers, verte pour le reste et même le bac pour les déchets organiques. De là à y mettre ses déchets triés, il n’y a qu’un pas. Qu’elle n’a pas encore franchi, visiblement.
A son étage, les comportements diffèrent d’un appartement à l’autre. Si sur le palier de droite, on essaie d’apprendre aux enfants à trier; dans l’appartement en face, on n’en est pas encore là. Ecolos, d’accord, mais pas trop.
Et là aussi, les générations jouent. Les plus âgés sont les plus réticents, les plus jeunes y viennent, mais lentement. «Doucement, mais sûrement», glissent certains. Pour l’instant, la seule chose sûre, c’est que les choses vont lentement.
Et nos habitants sont loin d’être hors-normes. Si en sept ans le tri a été multiplié par trois à Paris, seuls 15% des déchets collectés dans la capitale sont triés. Ils sont tous contents de savoir que leur immeuble est doté de tout ce qu’il faut pour trier les déchets.
La propriétaire a installé trois poubelles, mis à disposition par la mairie de Paris : pour le verre, les papiers et même les déchets organiques. Mais les habitants sont surtout sceptiques. «Qui nous dit qu’à l’arrivée, tout n’est pas mélangé dans le camion poubelle?», voilà l’interrogation qui revient le plus souvent.
Et puis il y a les distinguos subtils… «Dans la poubelle de la cuisine, j’hésite toujours quand je jette l’emballage de la viande: c’est du carton, mais il y a des déchets organiques aussi… alors dans quelle poubelle ça va?». La jeune mariée du quatrième et son époux restent perplexes… avant de balayer d’un revers de bras la question.
Une question pourtant pas si anodine quand on sait qu’en 2008, chaque habitant du IXème a produit 789 kilogrammes de déchets. A peine 18 kg de moins qu’en 2005. C’est deux fois plus que dans le XXème.
En fait, du rez-de-chaussée au sixième étage, d’une cage d’escalier à l’autre, nos questions intriguent plus qu’elles ne semblent évidentes. C’est vrai qu’ils n’y avaient jamais vraiment pensé. C’est promis, désormais ils feront attention… jusqu’au prochain post!
lire le billetCe qui est bien avec l’hyperlocal, c’est que des fois votre voisin de palier est un véritable bijou. Vous l’observez et vous pouvez presque en tirer une étude sociologique. D’ailleurs, nous soupçonnons Etienne Chatilliez d’avoir fait un tour dans l’immeuble de la dame aux yeux bleus avant de réaliser son film Tanguy. Tanguy, c’est ce (plus très) jeune homme qui croit pouvoir rester chez ses parents. Un mal qui frappe toute une génération, aujourd’hui trentenaire, selon les spécialistes.
Selon l’Insee, les quadras et les quinquas d’aujourd’hui partaient de chez leurs parents à 21 ans. Aujourd’hui, les études plus longues, la précarité économique et une éducation moins autoritaire repoussent les échéances. La proportion de garçons actifs à dix-huit ans est passée de 81 % en 1954 à 15 % quarante ans plus tard. Statistiquement les filles s’émancipent plus tôt. Christelle, visiblement, non.
Elle vit au quatrième, sur le palier de gauche. A 36 ans, elle coule une vie tranquille avec l’argent que sa mère lui donne régulièrement. A côté de ça, elle a trouvé un investissement rentable : son chat de quatre ans. Racé, Tony est un « birman » et il est recherché par des amoureux des chats prêts à payer jusqu’à 300 euros pour laisser leur chatte passer une après-midi avec le beau mâle de Christelle. Résultat : une portée de petits chatons dodus et une somme tout aussi rondelette dans la poche de Christelle.
Mais Christelle a d’autres rêves. Elle veut être actrice. D’ailleurs elle ne veut pas qu’on la compare à Tanguy, elle a des projets, des idées et sa situation est “temporaire”. Elle a même commencé il y a dix ans une école de réalisation. Commencé mais pas fini, parce qu’elle préférait se consacrer à son rêve d’actrice. Parmi ses trophées, des images de son dos qu’elle exhibe avec fierté. Elle est très heureuse d’avoir joué les doublures de star – de dos et souvent de loin – dans un récent film à succès. Un triple visionnage des images plus tard, Christelle rentre dans le vif du sujet.
« En fait, tout vient de cet immeuble », lâche-t-elle. En bonne comédienne, elle joue les mystérieuses. En fait, c’est simple, dans sa cage d’escalier, des femmes célibataires il y en a eu plusieurs. Alors si elle est encore seule, la faute n’est pas à chercher de son côté… « Maudit », le mot est lâché. Vous voilà sur un blog dédié à un immeuble pas comme les autres, les chroniques d’un palier « maudit ».
La plupart des femmes ici sont arrivées jeunes dans l’immeuble et sont aujourd’hui beaucoup plus âgées que notre actrice. Elles ont toujours vécu ici. Et toujours seules. Le seul homme de la cage d’escalier, lui, semble épargné. Marié, il vient d’avoir un enfant.
Maudit, l’immeuble l’est aussi pour les chats. D’ailleurs Tony est totalement privé de sortie, depuis qu’un chat de l’immeuble est tombé de la gouttière et s’est retrouvé empalé sur les grilles d’en bas, côté cour.
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