Rouge Galante

MG_LUXE_008[10]

A la frontière entre mode et design, Maurizio Galante célèbre le rouge, flamboyante couleur de vie et de mort, dans un grand livre qui retrace son parcours, ses créations au fil de ses rencontres, notamment avec des photographes.

Rouge est la couverture, rouge est la tranche qui colore les trois cents pages de « Maurizio Galante Regard transversal Haute couture, Design, Architecture ». Un fac-similé d’une page de dictionnaire passe au rouge les définitions du mot et s’ouvre une riche symbolique. Archétypal, le rouge est dans toute civilisation la première couleur qui s’impose, survenant juste après la distinction entre clair et sombre, blanc et noir.

_MG_Kyoto-1

Ce rouge vif et puissant souvent innerve la mode du couturier. Les modèles se redécouvrent avec des photos de défilés depuis 1992 jusqu’à l’année dernière avec la magie du concert de June Anderson, mannequin unique, en passant par l’exquise présentation à la Fondation Cartier sur des silhouettes de bois à l’échelle 1/5.

_MG_D-1ok

S’admirent les pliages origamis, les mille–feuilles de soie, les savantes découpes, les formes enveloppantes, rassurantes mais aussi originales. Serait-ce les volutes d’un champignon ? Une spirale de fougère ? Dans cette mode raffinée, délicatement architecturée, souvent s’exprime le rouge.

_MG_LUXE_011_OMBR-1

S’il est resté fidèle à la mode avec la Haute couture, Maurizio Galante s’exprime aujourd’hui beaucoup dans le secteur du design. La Chaise Valentina C se découvre dans une version rouge où des fleurs de tissu viennent recouvrir sa structure de métal. Au Grand Palais en 2009 Red room, une installation, mit en scène une architecture souple et douce de tissus rouges. Le rouge de 5h (une couleur de cristal propre à Baccarat) a inspiré un magnifique tigre de 2.500 feuilles de tulle, traversant un cercle de verres sur fond rouge. Pour le Mudam au Luxembourg, alors dirigé par Marie-Claude Beaud, Maurizio Galante compose un minestrone solide en cube où s’affiche le rouge de la tomate. S’esquisse l’esprit des couleurs du drapeau italien qui aurait pu inspiré à Roland Barthes une suite de son décryptage des publicités Panzani. Pour Cerruti Balleri Maurizio Galante crée aujourd’hui des poufs, les tatotatoo aux imprimés originaux, poisson (carpe japonaise), lapin, cactus …

Couleur fascinante pour le créateur, elle est « la seule couleur qui contient des messages contradictoires et donc incarne l’équilibre. » C’est avec cette couleur « violente et très tendre » que le créateur a entièrement tapissé de rouge son show-room parisien.

Le livre (HC Editions) réunit des photos de Bill Cunningham, Deborah Turbeville, Javier Vallhonrat, Satoshi Sakusa, Sarah Moon, Tyen, David Bailey, Denis Chapoullié,… autant de talents différents qui proposent chacun différentes lectures de son travail.

Cerise rouge sur le livre, une édition limitée propose, outre des tirages de Sarah Moon et des pages cousues à la main, une réplique d’un boléro miniature en origami de soie rouge.

MG_LUXE_015_OMBRÉ

Talent original, atypique, Maurizio Galante appartient à la famille des créateurs, des artistes, les vrais. En mode, ce ne sont pas aujourd’hui les plus médiatisés.

lire le billet

Bulgari

« Le seul nom que Liz Taylor connaisse en italien est Bulgari » disait avec humour Richard Burton. Une phrase mythique comme celle de Marilyn Monroe et ses quelques gouttes de N°5 (Chanel) pour habiller ses nuits. Marque de joaillerie italienne, Bulgari célèbre ses 125 ans d’existence à Paris, au Grand Palais.

La nef du Grand Palais sert d’écrin à une rétrospective autour de la joaillerie Bulgari. Pour magnifier les bijoux a été imaginé un espace dans l’espace en forme de diamant noir à facettes de 9 mètres de haut et de 27 mètres de diamètre. Dans la réalité, ce diamant serait une pierre de 50 milliards de carats ! Si l’exposition reprend dans son contenu celui de la rétrospective romaine, la scénographie parisienne est plus ambitieuse dans son jeu de miroirs aux allures de futuroscope de la joaillerie.

Diamant-jour-platdiamant-nuit-plat

Le parcours permet une plongée dans le temps depuis les origines de la maison jusqu’à nos jours en passant par bijoux de stars et parures mythiques. Les prêts de collections privées sont aussi venus enrichir avec éclat les oeuvres conservées par la maison.

En 1884 un orfèvre d’origine grecque, Sotirio Bulgari ouvrit une boutique où il fabriquait des objets en argent. Un esprit byzantin habille les modèles de la fin du XIXème siècle.

Giorgio et Costantino, les deux fils viennent ensuite continuer l’affaire familiale qui se développe.

Les créations des années 20 et 30 s’inspirent de l’art déco avec des formes épurées et une stylisation géométrique.

Si dans les années 40 ou 50 se reflète une influence de la joaillerie française, la maison s’imposera ensuite par un style personnel et italien.

BOUCLES_D'OREILLES_EN_OR_AVEC_SAPHIRS_ET_DIAMANTS_-_année_1945

Boucles d’oreilles en or avec saphirs et diamants. 1945

Les années 60 sont majeures dans l’histoire de la maison. A la stylisation des formes empreintes de douceur répond l’audace des associations de couleurs.

Les années 70 n’hésitent pas à manier une forme d’humour inspiré du Pop art avec des broches en cornets de crème glacée ou en forme de temple grec.

RAS_DU_COU_EN_OR_AVEC_SAPHIRS_DIAMANTS_ET_EMAIL_BLEU_-_année_1975

Ras du cour or avec saphirs, diamants et émail bleu. 1975

Dans les années 80 Bulgari est le joaillier des stars avec ses parures portées par Grace Jones, Tina Turner…

A découvrir aussi des pièces peut-être moins connues mais typiques du patrimoine comme les « gemme numarie », bijoux composés à partir de pièces de monnaie antique.

Magnifiques, les bijoux serpents sur le poignet s‘enroulent avec pierres semi-précieuses ou émail.

BRACELET_MONTRE_SERPENT_EN_OR_ET_EMAIL_POLYCHROME_-_année_1965

Bracelet montre en or et émail polychrome 1965

Si les bijoux sont magnifiques tout le travail de documentation qui innerve l’exposition est passionnant ainsi les dessins préparatoires au travail de sertissage, d’une précision quasi photographique. Extraits de films, documentaires font revivre les personnalités qui ont porté ces bijoux. Anna Magnani, Monica Vitti, Claudia Cardinale, Romy Schneider, Sophia Loren, Ingrid Bergman… font toujours rêver. Cinecitta et Dolce Vita participent à l’éclat de Bulgari.

Fleuron de l’exposition, la collection privée de Liz Taylor est présente dans toute sa splendeur. En 1959 l’actrice avait reçu un trophée Bulgari pour son interprétation inoubliable de Catherine dans Soudain l’été dernier. Mais c’est à partir de sa rencontre avec Richard Burton que la marque devient indissociable de leurs amours. L’acteur disait : « J’ai initié Liz à la bière, elle m’a présenté Bulgari ». Depuis leurs fiançailles avec une broche de diamants et émeraudes en 1962, le couple a multiplié les achats de bijoux magnifiques dont des émeraudes somptueuses mettant en valeur les yeux de la belle Liz.

COLLIER_EMERAUDES_ET_DIAMANTS_AYANT_APPARTENU_A_ELIZABETH_TAYLOR_-_année_1962

Collier émeraudes et diamants ayant appartenu à Liz Taylor. 1962

L’exposition donne à admirer plus de 500 pièces au Grand palais jusqu’au 21 janvier.

Une rétrospective à voir sur les traces d’Andy Warhol : « Je visite toujours Bulgari parce que c’est le plus important musée d’art contemporain. »

lire le billet

Des rayures au carré

BurenLa_Corricella_(Détail2),_Procida,_Italie,_01-_08-09

Elément emblématique de la maison Hermès depuis plus de 70 ans, le carré a des motifs qui régulièrement se renouvellent.

En 2008 un premier carré d’artiste rendit hommage à Joseph Albers, travaillant une sorte de mise en abyme de carrés aux subtiles variations de couleurs de l’élève d’Itten devenu professeur au Bauhaus et artiste de l’abstraction géométrique.

Cette fois c’est Daniel Buren qui a été choisi pour composer des carrés. L’artiste aux rayures avait déjà imaginé pour Hermès une exposition à Bruxelles et un nouvel espace  à Séoul en 2006 autour de « Filtres colorés ». Si au départ Daniel Buren avait imaginé des milliers de carrés avec son travail photographique, le projet s’est ensuite focalisé sur 22 photos qui, en variant les cadrages (2 à 4 différents) et les possibilités d’encadrement (18), ont donné naissance à 365 pièces uniques. Pour encadrer ses photos souvenirs, Buren a choisi le motif récurrent de ses rayures (8,7cm de largeur) en jouant avec les couleurs : bleu ciel, bleu foncé, jaune, noir orange, rose, rouge, vert et violet. Pour l’impression a été privilégié un jet d’encre pour apporter plus de richesse aux couleurs. Enfin, pour conserver la mémoire de cette nouvelle union entre art et mode a été édité un ouvrage reprenant les motifs, belle mise au carré.

BurenIntérieur_(_détail3),_île_de_France,_France_,_01-06-08

lire le billet

Les années 1990 et 2000

Sweet memories. Les années 1990 et 2000 sont revisitées dans la nouvelle exposition de mode du Musée des arts décoratifs. Dans ce passé proche, la création était alors majeure. Si l’exposition recèle de magnifiques pièces, elle rend nostalgique même si l’occasion est belle de redécouvrir les vitrines consacrées aux créateurs les plus influents de ces décennies. Ces noms de la scène parisienne sont aussi issus des écoles italiennes, anglaises, japonaises ou belges.

Avec le temps va tout s’en va. Certains noms se sont effacés, engloutis dans le temps, les aléas financiers ou encore l’usure du style (pas toujours simple d’affronter l’air du temps en matière de mode).

L’exposition donne envie que la création continue, qu’elle ne disparaisse pas écrasée par des directives marketing qui pensent produit et laminée par les copies à bas prix.

Olivier Saillard a choisi, pour illustrer ces années, une trentaine de créateurs qui travaillent sous leur patronyme ou alors des talents mis au service des grands noms issus de la couture (Lagerfeld chez Chanel, John Galliano chez Dior ou encore pour Lanvin, Claude Montana et puis Alber Elbaz).

-Azzedine Alaïa pourrait être le lonesome et talentueux cow-boy de la mode. Imperméable à l’air du temps, il a su créer un style intemporel et personnel au service d’une féminité exquise et assumée.  Un sillon très personnel pour un créateur résolument à part.

80405d19148ab5e8b749b940cc8da953

2003

-Adeline André poursuit également une démarche très personnelle. Si elle a inventé une veste à trois emmanchures et une robe unijambe, elle présente toujours au moment de la couture des collections délicates et poétiques dans une palette de coloris très raffinée.

6a68356bc6120b174e5b7f38057f6a0d-1

1998

-Jean Paul Gaultier oublie son étiquette d’enfant terrible (même si certaines collections sont encore marquantes comme celle inspirée des tatouages) pour se plonger dans une vision élégante d’une nouvelle haute couture qui lui va bien à partir de  1997.

13_Gaultier_Couture_1997_Photo_Guy_Marineau

1997

-Du côté de la haute couture, Christian Lacroix incarne la flamboyance, le baroque et la perfection d’un style que l’on n’oublie pas. Il traverse avec éclat ces années avec des modèles inspirés et techniquement magnifiques.

35201c4253140ade78e97f475e717115

2002-2003

-Lanvin est présent avec deux figures de proue qui ont continué son histoire. A l’époque où la haute couture existait encore Claude Montana obtint avec son style architecturé, parfaitement construit deux dés d’or (1992). Aujourd’hui Alber Ebaz signe les collections Lanvin (depuis 2001) avec élégance, raffinement et poésie. Une des vraies belles histoires de mode d’aujourd’hui.

e 1997arts déco Lanvin pe 2003 g marineau

1997                                                             2003

-Balenciaga. Sous le nom du grand couturier officie Nicolas Ghesquière reconnu comme figure majeure par la planète mode. Il a su revisiter la marque et lui donner un nouvel élan créatif tout en continuant un style architecturé.

OK3_Balenciaga_RTW_S-S_2008_Photo_Guy_Marineau

2008

-E2. Après une première vie sous le label Mariot Chanet (à partir de 1987), Michèle Meunier et Olivier Chatenet ont créé E2 en 1999. D’un jeu de mots, ils ont imaginé une marque qui revisite le passé pour en faire du neuf. Un premier coup d’éclat est réussi avec la customisation de kilts rivetés. Depuis ils revisitent des modèles, en créent de nouveaux avec des assemblages de foulards… Une sorte de neo-vintage où ils mettent la main aux coutures et créent des modèles uniques.

arts déco E2 pe 2010 goran vejvoda

2010 Photo Goran Vejvoda

-Apparus surtout dans les années 80 (mais ne pas oublier Issey Miyake !), les Japonais continuent sur leur lancée radicale. Yohji Yamamoto joue davantage la féminité et rend plusieurs fois magnifiquement hommage à la couture française.

arton2706-f9418

1999

Radicale, Rei Kawakubo pour Comme des garçons approche d’un art total dans des défilés où le choix des maquillages et des coiffures impose toujours une vision très personnelle. En style, toujours de l’audace avec notamment l’incroyable collection de vêtements à bosses qui servit aussi de prétexte à un ballet de Merce Cunningham.

ok5_-_CDG_RTW_S-S_1997-Photo_Guy_Marineau-2e22bf4f9f65f120f99d3cb178d744f24

1997                                                                     2006

-Junya Watanabe trace une voie personnelle dans la famille radicale dont il est un des plus importants tenants. A découvrir, la collection de vêtements imperméables dont le défilé eut lieu sous une pluie artificielle.

aea5d7441b11d61fd9c4368bc3304865

1995-96

-Belge, Martin Margiela s’impose avec l’exploration de la perte d’identité du vêtement sous son étiquette banche tandis que les mannequins ont les traits oblitérés d’anonymat. Revisité, reconstruit, le vêtement remonte jusqu’à ses origines avec la veste façon Stockman.

OK19_Margiela_tailoring12_PE1997_cRonald_Stoopsarts décos M Margiela  pe 2008 guy marineau

1997 Ronald Stoops                                2008 Guy Marineau

-Dries van Noten a un sens de la couleur et plonge son inspiration dans un ailleurs ethnique aux splendeurs d’Orient. Dans des formes confortables, une mode raffinée et très facile à porter (sans que cela soit péjoratif). Le créateur poursuit avec raffinement un beau voyage.`

aa028e548e3459333d4a5e4738579f4d

1997

-Véronique Leroy incarne aussi la Belgique mais du côté francophone. La Liégeoise poursuit une belle aventure dans un style construit, mais très féminin.

arts deco v leroy pe 1993 guy marineau

1993

-En Grande-Bretagne Vivienne Westwood continue un savoureux mélange où l’esprit punk se mâtine de références historiques et picturales avec une maîtrise de la coupe sans faille.

vivianne_westwood_wf_1995_p-2d3a1

1995-96

-La nouvelle génération anglaise s’est poursuivie avec les créateurs issus de la Saint Martins School de Londres. La fantaisie débridée de John Galliano s’est d’abord réveillée sous son nom avant d’imposer une couture audacieuse chez Dior, pure merveille quand l’audace est au rendez-vous.

-Si Alexander Mc Queen n’est plus, il a marqué ces années là avec des défilés spectaculaires et originaux magnifiant ses modèles très construits.

8178c250a294e827186ad8c1195221aa36b4c6fe3ed963da59ec4e1dc9827d80

1999                                                              2004

-Hussein Chalayan explore le présent pour le futur, intègre de la technologie, transporte ses vêtements entre deux univers avec ses modèles proches du design (robe-table, vêtements chaises…). Un des grands noms de la mode d’aujourd’hui en termes de création.

arts deco chalayan PE 2000 guy Marineau

2000

-Dolce Italia. La péninsule en mode se dessine à la fois raffinée et élégante, mais aussi exubérante, flamboyante et sexy. Dolce & Gabbana en duo magnifie la féminité dans un style sensuel qui n’hésite pas à faire rugir la femme dans des imprimés fauves.

D&G

Archives D&G 2007

A l’opposé, Prada, avec son minimalisme chic, incarne une mode aux allures intellos et raffinées.

d0b439d58ee14d5cecbd0b298a5173e6

2007-2008

Lost in fashion

-Helmut Lang incarnait l’avant–garde minimaliste d’une mode radicale, conceptuelle et simple. Les aléas d’un rachat de son nom ont mis fin à une importante histoire de mode.

arts déco helmut lang pe 2002 g marineau

2002

-Sybilla travaille encore en Espagne, mais elle apporta à la mode à Paris une poésie, un travail sur les formes où sa fantaisie se bridait paradoxalement et élégamment d’une palette de couleurs raffinée, sourde et discrète.

arts deco sybilla  ah 200 Juan Gatti

Juan Gatti

-Claude Montana. Si son nom n’est plus celui d’une marque aujourd’hui, il incarne les années 80 dans leur splendeur et marque également la décennie suivante avec sa mode géométrique sublimement et subtilement architecturée.

Photos Guy Marineau sauf mentions

lire le billet

Blind Adam

Blind AdamDSC_0013

Diplômé d’histoire de l’art devenu styliste de mode en Grèce, son pays, Thanos Kyriakides vit sa vie bouleversée par un déficience visuelle (retinitis pigmentosa) qui l’a conduit à un projet artistique aux frontières de la mode et de l’art. Son travail s’inspire très librement du conte des habits neufs de l’empereur mâtiné de l’univers poétique et surréaliste de Cocteau et de l’apparence des sculptures filiformes de Giacometti.

blind adamIMG_2527

A partir de 2007 le créateur va se créer une nouvelle identité sous le nom de Blind Adam, un nouveau premier homme touché par la cécité. Thanos Kyriakides va sélectionner une matière, un fil de laine acrylique qu’il va travailler de façon essentiellement tactile. Multipliant les noeuds à intervalle régulier (défini par l’amplitude du passage du fil entre ses doigts), il se construit un module personnel. Il ajoute : «  Je calcule beaucoup, tous les noeuds m’aident à calculerJe commence à faire un noeud comme pour un chapelet. Après des kilomètres de métrage, je construis des pièces. » Au début il était encore styliste et c’est naturellement la mode qui s’est imposée. Avec les fils assemblés, le vêtement est réduit à son ossature, à sa trame principale, juste souligné de traits fondamentaux. « Au début il s’agissait de squelettes de vêtements comme un modèle invisible inspiré par les habits neufs de l’empereur tandis que le côté filiforme torturé vient de Giacometti » Quand le créateur parle d’une veste, il la détaille, raconte le col, la doublure, le travail… Son discours vient suppléer au manque de vision, d’imagination du voyant. Ariane a donné une pelote de fil à ce nouveau Thésée dont le travail précis et minutieux devient émouvant. Entre la réalisation des fils et le montage des modèles, le créateur peut passer un mois et demi sur une pièce. Vêtement oui, mais Thanos Kyriakides précise : « on peut l’utiliser comme un ornement ».

Blind adam katya2a

Dans la première collection, l’acte 1 était assez simple. Avec l’acte 2, la collection s’enrichit d’une structure qui se complique. Les modèles portent souvent des noms, hommages, références : Veste Napoléon, robe Médée.

La collection Les ailes est une autre thématique autour de  l’idée de voler. « Il y a le côté ange et le côté oiseau de paradis et aussi un côté plus sombre, ange noir. »

La collection 3 (à venir) sera un hommage aux années vingt : Mata Hari, Greta Garbo, Louise Brooks, Joséphine Baker (pas en ceinture de bananes précise le créateur). Isadora Duncan aussi, pour laquelle il a déjà imaginé deux écharpes.

Blind adam13-1blind adam 25

C’est en 2009 que les premiers « modèles » de Blind Adam ont été montrés à Paris chez C Lagence. En septembre 2010, son travail participe à l’exposition Beyond Dress Codes à Athènes (l’exposition met en scène le vêtement grec historique et ses influences jusqu’à la création contemporaine) et qui va ensuite circuler en Europe et aux Etats-Unis jusqu’en 2012.

Le vêtement au fil des créations semble disparaître. « Au début c’était plus évident dans ma tête de suivre cette direction et puis avec le temps, le travail évolue. En ce moment je continue dans une direction plutôt proche d’une installation artistique qui se construit loin du corps ». Quand le vêtement s’efface, s’estompe, le fil se pose sur une toile, en relief. La série des  « Canvas » porte sa croix noire sur fond blanc et surgit l’ombre de Malevitch. Le noir joue un rôle essentiel. Si Thanos Kyriades l’apprécie, c’est pour son graphisme et parce qu’il aime « l’opposition entre le blanc et le noir ».

Blind adamDSC_0034Blind adam IMG_2554

Avec une colonne de trois mètres de haut, le fil devient sculpture, prélude à la construction d’un Parthénon aux 56 colonnes. Chez lui aujourd’hui à Athènes des fils partent des quatre coins d’une pièce, ils se croisent, se superposent, symbolisent un système de communication dans une toile (d’araignée) géante.

BLIND_ADAM_sculpture

Un fil à suivre, tissé entre art et mode.

THANOS_018-1

lire le billet

M/MINK de Byredo

Heroshot_mink-1

Marque de parfums de niche, Byredo a été créée en 2006 par Ben Gorham. Après des études d’art à Stockholm, le fondateur a choisi l’univers du parfum en travaillant avec des nez comme Olivia Giacobetti ou Jérôme Epinette. Un peu aux antipodes d’une approche artistique épurée scandinave (même si flacon et étui jouent la simplicité), Ben Gorham plonge volontiers dans des inspirations ethniques (lui même est d’origine indienne par sa mère). Si l’humeur de la maison vagabonde et voyage avec Palermo, Bal d’Afrique, elle a aussi rendu hommage à Baudelaire avec une fragrance boisée et épicée. Le nouvel opus signe une collaboration avec Michaël Amzalag et Mathias Augustyniak, les M/M, duo créatif auteur de nombreuses directions artistiques avec (et pour) Yohji Yamamoto, Balenciaga, Calvin Klein… La rencontre a conduit à un parfum baptisé  M/MINK. En guise d’inspiration, le duo avait donné trois éléments à Ben Gorham : un bloc d’encre noire solide de Corée, un portrait d’un maître calligraphe japonais et une formule utopique dessinée par Mathias Augustyniak. Au final a été composée une fragrance où se retrouve une odeur d’encre. Tracée d’un pinceau invisible, l’encre emporte dans son sillage : adoxal (une odeur fraîche aldéhydée et marine), encens, miel de girofle, patchouli, ambre. Un parfum au sillage puissant et intrigant.

mmink_ad_2-1mmink_ad_4

Visuellement l’encre se retrouve sous forme d’élégantes taches calligraphiques qui viennent oblitérer l’étui ainsi que les photos réalisées par Inez Van Lamsweerde et Vinoodh Matadin.

lire le billet

Lanvin / H&M

logo_categoryillustrations_01_lowres

Nouvelle collaboration pour H&M avec un grand nom de la mode cet automne avec une collection Lanvin dessinée par Alber Elbaz au féminin et par Lucas Ossendrijver au masculin.

Mastige, le néologisme opère la fusion entre mass et prestige dans des opérations où le consommateur peut s’offrir des griffes du luxe à prix abordable. H&M a débuté en fanfare ce type d’opérations avec Karl Lagerfeld en 2004. Se sont succédés les Viktor & Rolf, Comme des garçons et aussi Matthew Williamson, Sonia Rykiel, Jimmy Choo. Pour Lanvin, la collection a été médiatisée à New York devant une assemblée very people : Sofia Coppola, Anna Sui, Andie Mac Dowell… Le chiquissime Hôtel Pierre a servi de cadre à l’événement et a donné le coup d’envoi de la collection. Des mannequins connus comme Pixie Geldof, Dree hemingway, Asia Chow… ont arpenté le podium d’un vrai défilé. Les modèles H & M présentés à New York étaient customisés et seront en partie vendus aux enchères au profit de l’Unicef.

Mais, pour le commun des clientes, les modèles ont été mis en vente dans de nombreux H&M avec succès le 23 novembre. Signée Alber Elbaz, la collection au féminin propose notamment des modèles de robes habillées, manteau du soir, mais aussi des tee-shirts très amusants et quelques accessoires (très joli bracelet en fausses perles et fleur en plastique à 19 €), sans oublier les chaussures. Si quelques modèles sont encore disponibles dans les enseignes, les pièces les plus emblématiques sont parties rapidement et déjà sur ebay…

still_ladies_01_lowresstill_ladies_02_lowres

Dans ce type d’opération, la marque de mode est à l’honneur, le groupe H&M s’offre une communication haut de gamme (photos David Sims) et une légitimité sur le territoire de la mode. Les consommateurs ? Ravis.

campaign_05_lowrescampaign_03_lowres

Photos David Sims

Et les boutiques…

Lanvin_006Lanvin_018

lire le billet

Avedon, Blow Up sur les records

Mythique cliché de mode, Dovima et les éléphants a battu tous les records d’enchères pour une photo de Richard Avedon. Proposée par la fondation Avedon la vente chez Christie‘s a établi, elle, un record en matière de photographie en France.

Richard_Avedon,_self-portrait,_New_York,_ca_1963

Richard Avedon, self Portrait, New York, Ca 1963

Créée par Richard Avedon de son vivant, la fondation qui porte son nom a choisi de vendre des photos pour financer le bon fonctionnement de ses activités. Les enchères chez Christie’s (le 20 novembre, en même temps que le mois de la photo) ont atteint, avec 65 photos, la somme de 5.467.250 euros avec un record du monde de 841.000 € pour le grand tirage de Dovima avec les éléphants. Le secteur de la photo continue de battre les records, suscitant l’intérêt des collectionneurs privés et musées où la photo a de plus en plus droit de cité sur les cimaises. Pour cette vente se sont mesurés 57% d’acheteurs européens et 42% d’Américains.

Parmi les photos figurent de nombreux portraits de célébrités : Francis Bacon, Marilyn Monroe, Bob Dylan, Alberto Giacometti, Andy Warhol (torse suturé) Pablo Picasso, la Dalaï Lama, Malcom X… Pour Richard Avedon « Il y a -dans l’absolu- deux personnes qui ne se sont jamais rencontrées, qui se retrouvent nues l’une face à l’autre, qui tentent de susciter quelque chose, se cachent, se donnent. Et ensuite ce qui a été accumulé pendant dix minutes devra se trouver sur la pellicule. Quand c’est fait et que je dis « merci beaucoup » en tendant la main, nous redevenons à la seconde même des étrangers. » Natassja Kinski (1981) nue avec un serpent (nouvelle Eve) est une de ses photos les plus célèbres.`

Le portfolio des Beatles (1967, mais tirage de 1990) avec des portraits retravaillés dans un esprit psychédélique coloré a été vendu 445.000 €.

BEATLES

Le cliché de Marilyn Monroe a atteint 169.000 euros

Marilyn Monroe, actor, New York, May 6, 1957

Marilyn Monroe ,actor, New York, May 6, 1957

En mode, Richard Avedon a réalisé des séries d’exception capturant le mouvement ou construisant des univers avec sophistication et élégance. Il disait « On ne peut séparer la mode du monde. La mode incarne la façon dont nous vivons… Les couturiers me prêtent des matières, formes, modèles qui deviennent l’allié de mon travail qui a toujours été  la femme – au-delà de leurs vêtements, leurs chapeaux, mais dans leur tête ». Suivant les préceptes d’Alexey Brodovitch, son maître il pensait que : « la mode, par sa nature, nécessite la surprise… On doit tourner la page pour amuser le lecteur… » De quoi rendre nostalgique en voyant les magazines de mode aujourd’hui où la surprise n’est guère au rendez-vous… Les mannequins les plus célèbres figurent sur ses clichés. Veruschka (1967) en mouvement danse, parade. Twiggy a les cheveux au vent. Pour une Chaussure de Perrugia (1948) une mise en scène originale sur fond de Tour Eiffel. Et la magnifique Dovima avec les éléphants, robe du soir de Dior, Cirque d’hiver. La photo fut prise à Paris en août 1955 avec un modèle de Christian Dior alors signé par le jeune Yves Saint Laurent. Une photo mythique et toujours magnifique, glamour toujours.

Dovima with elephants, at Cirque D'Hiver, Paris, August, 1955

Dovima with elephants, evening dress by Dior, Cirque d’Hiver, Paris, August 1955

Photographs by Richard Avedon © The Richard Avedon Foundation

lire le billet

What else ? Manish Arora

Vitrine Manish Arora for Nespresso - 4

Si depuis quelques saisons Manish Arora illumine avec panache et couleurs les collections du prêt-à-porter parisien, le créateur multiplie aussi astucieusement les partenariats avec des marques dans un co-branding judicieux où sa créativité apporte humour et couleurs à Nivéa, Swatch, Les Trois Suisses, Pommery… Chez Nespresso, la marque aux petites capsules de café, passe cet hiver du mythique Hollywood de George Clooney à un délirant univers bollywoodien.

Avec la première édition de N-Art a été développé un partenariat avec un artiste qui a reçu carte blanche pour s’exprimer. La boutique des Champs Elysées est ainsi rhabillée pour l’hiver et les fêtes avec des vitrines aux décors oniriques et féeriques signés Manish Arora. La cafetière CitiZ voit aussi la vie en couleurs et en édition limitée.

Le point d’orgue du partenariat a été un défilé dans la boutique avec seize tenues de princesses imaginées en référence aux seize crus qui composent la gamme des cafés.

manish_arora_nespresso_20manish_arora_nespresso_16

Il était une fois le royaume de Swig gouverné par le roi Bacchitarius. Lors d’une chasse, le souverain fut charmé par le parfum de la princesse Nespresso. De cette union naquirent seize petites princesses toutes plus belles les unes que les autres et parées des plus beaux atours. Les robes portent les couleurs du temps et de la fantaisie ainsi  Princesse Voluto et son saut de l’ange vers les cieux. Si le créateur a imaginé que dans le monde tout était bien et beau, il ajoute : « Je sais que ce n’est pas vrai, mais j’aime l’idée que pendant  un moment on puisse y croire ».

Se redécouvre avec plaisir le style de Manish Arora où la fantaisie colorée la plus débridée s’hybride d’accents futuristes. Parmi les formes fétiches du couturier se retrouvent hanches et volumes exacerbés. Une fantaisie  joyeuse parfaite pour les fêtes.

nes3.cdrPrincesse Livanto

Princesse Cosi                                                                               Princesse Livanto

Que demander de plus ? What else ?

Vitrine Manish Arora for Nespresso - 1

lire le billet

Fornasetti au parfum

Fornasetti_Profumi_-_Group_i_on_black

Peintre, Piero Fornasetti est surtout connu pour son travail de décorateur d’objets pour la maison, de vaisselle à l’esthétique travaillée. Reconnaissable au premier coup d’oeil avec ses motifs noirs sur fond blanc, parfois rehaussés de couleur rouge, les motifs multiplient visages, détails de corps dans une veine parfois proche du surréalisme. Eléments d’architecture, jeux de trompe-l’oeil dessinent un univers poétique et onirique. Barnaba Fornasetti a succédé à son père en continuant les classiques de la maison et en ajoutant de nouvelles créations dans le respect de l’esprit originel. La maison a conservé une production artisanale en plein coeur de l’Italie, à Milan où le travail manuel se continue avec la couleur appliquée à la main. Aujourd’hui une nouvelle page s’écrit avec le parfum pour la maison (il peut aussi être porté). Une seule fragrance, mais différents types d’objets le mettent en valeur avec de l’encens à brûler, des bougies, des globes en céramique pour diffuser. Parfumeur de talent, auteur de multiples succès et d’une merveilleuse et audacieuse Eau parfumée au thé rouge pour Bulgari magnifiant Roiboos d’Afrique du Sud et Yunnan de Chine, Olivier Polge s’est plongé au coeur de l’univers de la maison pour s’imprégner de ses codes et imaginer LE parfum Fornasetti. Après une première piste autour de la tagète, fleur du jardin paternel, l’idée de la fleur de souci fut abandonnée pour privilégier des notes boisées et chaudes. Le huitième essai a donné son nom au parfum : Otto (un hasard des chiffres très N°5). Des herbes méditerranéennes, thym, lavande se mêlent aux bois (qui jouent un rôle capital dans l’univers de la marque) avec un iris suave, fleur d’Italie. L’encens donne un côté quasi spirituel, enrichi de chaudes notes de baume de Tolu, bouleau, styrax et labdanum. Un parfum qu’aurait apprécié Des Esseintes.

Quand avait déjà été proposé au fondateur de la maison un parfum, il rêvait de l’appeler Imagination ; Otto incarne aujourd’hui sa jolie réalité.

lire le billet