
D’hier à aujourd’hui Elisabeth de Senneville est un des rares tenants d’une mode contemporaine voire futuriste. Une vente d’une partie de ses archives à Artcurial* a permis de se replonger dans une histoire de mode singulière et qui réserve encore de magnifiques surprises.
Arrivée dans la mode par hasard, Elisabeth de Senneville fait ses classes chez « Miss Dior » puis styliste junior au Printemps. Quand elle se lance en 1972, elle prend un parti opposé à la couture et choisit d’imaginer des vêtements confortables. Les matériaux stimulent son inspiration, elle n’hésite pas à détourner par exemple des rideaux de douche. Son style prône l’ampleur, ses vêtements s’attachent avec du velcro. Elle dessine ses imprimés qui sont sérigraphiés et deviennent sa signature dans un style en parallèle à l’esthétique du Pop Art. Prolifique, elle crée 2000 modèles par an pendant 20 ans. En 1980 elle avait déjà compris le rôle que jouerait l’« écran », essentiel, incontournable et qu’il serait notre troisième oeil. « Tout le monde va voir à travers des écrans, Il y en aura partout ». Et des motifs d’écran se démultipliaient sur ses vêtements en imprimés.
La vente a mis en lumière toute la fantaisie et les recherches de la créatrice. Parmi les lots les plus remarquables. Une veste nomade en kraft recouverte de plastique avec à l’intérieur des images de cosmonautes et articles de journaux (5 200€).

Une robe oversized et pantalon assorti imprimé Boeing Dallas Aiport (1 170€).

Robe en imprimé Planche Contact Kodak (n’a pu être commercialisée en raison d’une opposition de Kodak), 2 340€.

Manteau en coton imprimé Bébé Japonais d’après une oeuvre de Nam June Paik (3 250€).

Une délicieuse plongée dans la création des années 80 dans sa facette la plus avant-gardiste.
Aujourd’hui Elisabeth de Senneville continue ses recherches, travaille sans cesse de nouvelles innovations pour mettre le vêtement en phase avec son époque, elle s’intéresse notamment aux textiles intelligents, à la pollution avec la mise au point d’un charbon actif (noix de coco réduite en cendre). Et si l’heure est à la connection, elle imagine des vêtements déconnectés qui mettraient à l’abri et protègeraient les données avec l’ajout de métal pour faire dévier les ondes. « Il ne faut pas faire des vêtements connectés, mais des vêtements intelligents… Le vêtement doit rendre des services, protéger de la pollution, capter la chaleur… ». Tissus photoluminescents, coupes au laser, perforations… n’ont plus de secrets pour elle. Elle ajoute : « La grande autoroute va être le photovoltaïque qui va être récupéré en mode ainsi un vêtement chauffant ou capable de recharger des appareils ».
Une créatrice d’hier et d’aujourd’hui pour demain.

*Commissaire et catalogue par Pénélope Blanckaert.
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Une idée, un concept signent chaque défilé du duo Viktor & Rolf. Cette saison, le mot clef est Vagabonds. La collection part de rien et de tout. L’inspiration plonge dans les collections précédentes et réutilise des éléments, des matières et aussi des pièces d’archives.

Assemblage, multiplication des détails, imbrication de tissages, ajout de tissus, de volants, de rubans,… Augmentée, la silhouette se révèle de bric et de broc, joyeuse, délurée. Rapiéçage.

Un chapeau vertical légèrement écrasé de guingois ajoute un look qui évoque Dickens et ses vagabonds tout en donnant un petit côté victorien aux silhouettes.

Le passé est remis en lumière avec éloge du recyclage d’un monde qui construit son futur en se (re)posant sur le passé.


L’aspect artisanal amplifie une perception « couture » où le maître mot serait « fait main ». Bricolage dans le sens noble du terme, collage et joyeux télescopage d’une collection très enlevée.
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Plongée dans la nature pour Jean Paul Gaultier en nouvel homme des bois. Hommage à la naturalité dans sa beauté la plus pure, la plus simple (inspiration née lors d’un voyage au Japon et la découverte des jardins à l’esthétique zen).

Nervures d’arbres, veines du bois, couleurs végétales autour du brun, camaïeux de feuillages passant du vert à la flamboyance du rouge,…

Allure de sous-bois, mystères de la forêt. Préciosité des broderies. Classiques revisités, bustiers rigides.


Cheveux bouclés ou encadrés d’une auréole de fourrure, de plumes, façon « tournesol ».

Et toujours des noms poétiques émaillés de jeux de mots : Col chic dans les prés, Ici est tailleur, La cavalière va au bouleau, Ca s’écorce… Magnifiques contes d’automne.


Guerrière, amazone, la femme d’Alexandre Vauthier demeure une conquérante. Son hiver emprunte une couleur à l’armée, le kaki décliné aussi en variation camouflage. Drapés audacieux, mais aussi ampleur avec maxi robes en volume.

Multiplication des oeillets. Un poil de fourrure.

Ceinture noeuds.

Coupes toujours parfaites et sexyness des jupes fendues et du court.

Sequins en ponctuation, bordures de lamé, éclat, brillances.

Superbe pantalon treillis de camouflage rebrodé.

Sans nostalgie ni vision futuriste, Alexandre Vauthier crée pour aujourd’hui et confirme avec brio sa place dans le calendrier officiel de la couture.


« Mouvement perpétuel » scande le défilé d’On aura tout vu. Collection aux allures futuristes ponctuée par la présence robotique de machines accessoires qui mettent leurs « pinces » en mouvement.

Extraordinaire travail de construction de broderies tubulaires. Vêtements articulés composant une géométrie variable. Jeux d’opposition entre blanc et noir, entre lumières et ténèbres. Une touche de couleurs (rouge), des matières nobles (peaux) et d’avant-garde.


Cristaux, pailles de plastiques, « éprouvettes »…


Final transgenre où l’un est l’autre.

Mouvement d’une collection animée. Le duo reprend en exergue une phrase de l’inventeur du paratonnerre, Benjamin Franklin : « L’humanité se divise en trois catégories : “ceux qui ne peuvent pas bouger, ceux qui peuvent bouger et ceux qui bougent ». Livia Stoianova et Yassen Samouilov sont, comme à leur belle habitude, en perpétuel mouvement.


Première lumière est l‘intitulé de la collection de Julien Fournié. Écho à Paris ville de lumières et voie imaginaire vers d‘autres univers, exploration de nouvelles galaxies. Rigueur des coupes et féminité.


Présence d’un voile pour figurer la « matière noire ». Noir, rouge et imprimés chamarrés.


Camaïeux de tons chair. Légèreté de l’organza, organdi mais aussi épaisseur chaude du mohair. Imprimés graphiques, broderies en zigzags. Détails anatomiques. Éclats de brillance, lumières.



Yes Future. Exploratrice du temps présent, Iris Van Herpen construit avec audace et poésie une histoire de mode des plus fascinantes. « Seijaku » est l’intitulé de sa collection de couture. La créatrice s’est plongée dans la cymatique, qui étudie la visualisation des ondes sonores évoluant en motifs géométriques. Plus la fréquence est haute plus le motif est complexe.

Pour accompagner la présentation, le musicien Kazuya Nagaya traduit, avec son installation « Seijaku », la sérénité dans une vie de chaos. Zen, la résonance des sons sur des bols se démultipliait dans le cadre acoustique de l’église.

Formes géométriques, cercles, biomorphisme, volutes, stries, dessinent une collection étonnante. Silicone, éclats de cristal, caoutchouc,… ces matières atypiques sont servies par des coupes au laser, des techniques 3D.


Si la technologie propulse la collection dans une nouvelle dimension, la patte de l’humain est aussi présente, l’artisanat n’est pas en reste. Un organza tissé plus finement que le cheveu humain est teint avec la technique du shibori pour renouer avec les formes de la cymatique. À nouveau une collection époustouflante, exploration de techniques complexes. La fusion parfaite entre la science et la poésie.


Photos Peter Stigter

Photo Molly SJ Lowe
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« Cirque solaire », jolie mise en bouche de haute fantaisie pour le défilé Schiaparelli. Avec ce thème, Bertrand Guyon tisse un joli lien avec la collection « Cirque » de Schiaparelli de l’été 1938. Modèles toujours élégants, extrêmement bien taillés et la touche de fantaisie qui se dessine dans les imprimés ou par la ponctuation de détails aux réminiscences surréalistes (bouche, oeil…). Épaules déboîtées, gracieusement surrélevées.

Éclats de couleurs, vives sans oublier le rose shocking signature et les effets patchworks.



Tissus précieux, enluminés, délicate panne de velours, brocard japonais.

Bretelles bijoux avec le souvenir d’une des oeuvres majeures de Calder : Le cirque. Assemblage de bouts de ficelle, fer papier, métal, tissu…, ce petit théâtre était visible au Whitney et existe en vidéo sur une musique de Pierre Henry.

Dans un décor abstrait se découpent des effets d’arlequinade. Noir chic et reflets dans un oeil d’or.

Coeur transpercé, cadenas… les codes se posent. Références au cirque, manège sans caricature d’exquises esquisses : écuyère, contorsionniste, cheval de parade, grande roue… Constellation poétique.


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Membre invité, Guo Pei représente son pays avec faste. Célèbre en Chine où elle a un immense atelier et réalise quantité de broderies, elle a proposé une collection de vêtements dans les codes occidentaux, robes de princesses où le travail des broderies est particulièrement riche.


La Chine, impériale, est souvent source d’inspiration pour le style de la créatrice. Dans cette collection, ce souvenir s’esquisse avec le passage d’un dragon brodé ou de quelques motifs d’arabesques orientalisantes.


À noter le lancement d’une collection de chaussures, escarpins vertigineux fusionnant avec l’esprit de socques. Surmontées de « couronnes », les coiffures ajoutent une allure princière aux mannequins.

Des broderies, des paillettes, un poil de fourrure, faste de robes du soir.




Personnalité russe, Ulyana Sergeenko est passée du statut de cliente à celui de créatrice. Toujours tirée à quatre épingles, s’habillant en couture et vêtue de tenues à remarquer, elle a désormais sa marque et un atelier en Russie avec une équipe de plusieurs dizaines de personnes. Ulyana Sergeenko n’oublie pas ses origines, son patrimoine, ses traditions.


Cette saison, elle s’est inspirée des années 60, période charnière en URSS avec un rêve de développement sous Khrouchtchev et le fameux « dégel ». Hommage à l’essor des sports, à la science, à une vision du futur… à l’ébullition qui alors. Les couvre chefs façon casque signés Stephen Jones donnent un petit côté motard ou futuriste.

Marqueterie de fourrure de différentes couleurs pour manteaux paysages en patchwork.


L’hiver est là, bien au chaud dans ces grandes enveloppes ourlées de fourrure. Le dégel se traduit-il par une nouvelle légèreté ? Des mini jupe, des jarretelles apparentes, parfois une touche d’asymétrie, un côté sexy sixties… Nostalgiaska ?

