Marque historique toujours à l’aise dans son époque, Burberry a multiplié les passerelles entre technologie et mode. Un défilé en 3D à visionner avec des lunettes et retransmis dans différents lieux du monde, un show en direct sur twitter (tweetwalk), l’achat en temps réel de la collection, la personnalisation des accessoires sur écran tactile… Chaque saison apporte une nouvelle idée, une collaboration inédite.
Pour le show du printemps-été 2016 qui a eu lieu à Londres le 21 septembre, la marque avait imaginé une preview sur snapchat la veille du défilé. À partir du dimanche à 20h et pour une durée de 24 heures les images du défilé pouvaient être vues par les 100 millions d’utilisateurs. Pour Christopher Bailey, le projet permet « d’avoir une vision unique en temps réel de la création de notre défilé et il inclura une avant-première de la collection sans précédent, quelques heures avant qu’elle ne soit dévoilée sur le podium ».
Et pour le défilé lui-même, les liens avec la musique sont aussi au rendez–vous avec une performance d’Alison Moyet. Filmé, le concert sera aussi disponible sur la nouvelle chaîne Burberry lancée sur Apple Music il y a quelques jours. http://applemusic.com/burberry.
Sans renier le tartan Burberry est résolument dans l’ère digitale.
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Mythiques, les plissés d’Issey Miyake jouent aussi le registre de l’humour en communication avec sushi, crème glacée… et une série de fleurs ; le tout composé en photos avec le tissu plissé. Tout un bestiaire a aussi été joyeusement imaginé par le graphiste Taku Satoh (à l’oeuvre également pour le parfum éponyme). Trois nouveaux animaux viennent ajouter leur silhouette nonchalante au zoo déjà existant : panda, cheval, cobra, gorille… Vus de dos, trois nouveaux animaux magnifient les tissus. L’éléphant gris avec pavillon de l’oreille en rose semble à l’écoute du moindre bruit.
Chic et élégant, le pingouin s’est habillé de bleu avec une pointe d’orange ; en pleine réflexion, il impose son allure de penseur.
Avec sa silhouette bonhomme, l’ours blanc affiche une démarche pépère pour climat polaire. À déplier et à endosser pour ronronner.
lire le billetL’improbable rencontre entre Hermès et Apple a abouti au lancement de l’Apple Watch Hermès. La technologie de la montre s’entoure d’emblématiques bracelets en cuir de la maison du Faubourg Saint Honoré. Une version en acier inoxydable à découvrir avec des bracelets Simple Tour, Double Tour ou Manchette. Une signature Hermès s’invite avec le choix d’un écran personnalisable inspiré de dessins de cadrans de modèles connus : Clipper, Cape Cod, Espace. Une union réussie entre technologie contemporaine et savoir-faire de qualité. La montre connectée trouve de nouvelles racines.
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Blak is back ? Non, le noir n’a jamais disparu. Depuis les années 80 il est là, omniprésent, omnipotent. Incontournable de la mode, le noir bénéficie aussi d’indéniables qualités d’élégance, de praticité ; toujours chic, il sied à tous. Si Comme des garçons a joué un rôle remarquable dans l’émergence absolue du noir dans la mode, la marque a choisi de rendre hommage à ce concept coloriel en créant en 2009 Black. Le projet initial était une réponse au climat de récession de l’époque et se voulait éphémère dans de nouveaux lieux de petites dimensions.
Black aujourd’hui joue la pérennisation d’une ligne accessible (formes, prix). Un style dans le droit fil de Comme des garçons et dans une couleur majeure, le noir même si des motifs blancs peuvent s’inviter et jouer l’ « imprimé ». En mouvement, la collection bouge selon un « speed merchandising » pour s’adapter aux espaces des points de vent. La boutique du Marais fait aujourd’hui peau neuve et s’anime de visuels de Filip Pagowski (auteur du coeur de Play), yeux blancs graphiques écarquillés et démultipliés sur blousons noirs pour bikers surréalistes.
En vedette dans la boutique se dressent des silhouettes de Kewpie géantes. Le bébé angelot doit son nom avatar à Cupidon et a été imaginé et dessiné au début du XXe siècle par une artiste, Rose Cecil O’Neill avant de devenir une poupée de porcelaine ou de plastique ! Au Japon le poupon identifie également une mayonnaise très populaire du même nom. Ici les Kewpie ont évidemment été gainés de noir de la tête aux ailes.
Sans oublier le parfum Black qui rend hommage à l’esprit de senteurs noires : poivre noir, goudron, réglisse, encens… Noir is Black.
7 Rue du Perche 75003
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Devenu un des grands viviers de la mode en une trentaine d’années, le plat pays doit son rayonnement à ses créateurs, la plupart issus de l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers. À Bruxelles une exposition met en scène les noms les plus remarquables qui ont jalonné la mode depuis désormais trois décennies.
En 1982 six jeunes diplômés de l’Académie d’Anvers (dès 1965 fut lancée une section mode) partirent vers Londres montrer leurs créations. Les « six d’Anvers » furent ainsi désignés par la presse britannique : Dirk Bikkembergs, Ann Demeulemeester, Walter van Beirendonck, Dries van Noten, Dirk van Saene et Marina Yee. S’ils se sont présentés en groupe à leurs débuts, ils se sont très vite dispersés et distingués. Leurs carrières ont eu des fortunes diverses, mais le talent était, pour tous, présent. Diplômé à la même époque, Martin Margiela serait un peu le d’Artagnan du groupe.
Si un style belge existe, comment le définir ? La théorie des climats pourrait, sans doute, opposer une mode en Italie dans le registre de la séduction d’une féminité exacerbée aux créateurs du Nord dont le style prône une forme de sobriété, voire d’austérité. Mais, là aussi, il y a d’exquises exceptions.
L’imagination d’un Walter van Beirendonck aurait la truculence des fêtes de Brueghel mâtinées des fantaisies de Jérôme Bosch avec les couleurs d’aujourd’hui et un côté high tech. Jamais défilés de mode n’ont été aussi (d)étonnants qu’à l’époque de la marque W.& L.T. (Wild and Lethal Trash) qui avait pour accroche : « Kiss the future » et pour héros le Puk Puk inventé par Walter. À l’humour de la mode s’ajoute celui de la communication : un des premiers portraits officiels du créateur le présentait de dos. Aujourd’hui Walter van Beirendonck défile à Paris avec des collections pour hommes d’une tonitruante fantaisie.
L’arrivée des Belges sur la scène de la mode prolonge aussi l’influence déjà exercée par les Japonais qui avaient bousculé les codes occidentaux, imposant la déstructure, l’asymétrie, le non fini… Les Belges sont sans doute dans le droit-fil de cette famille de mode radicale, ajoutant une forme de minimalisme, des touches conceptuelles et une palette moins sombre, moins noire.
Martin Margiela pourrait être le fils spirituel de Comme des garçons (les deux ont d’ailleurs organisé un défilé en commun, une fois). Il a ajouté aussi la notion de récupération, commençant par des assemblages de chaussettes de l’armée, composant des vêtements en sacs de plastique… recyclant, imaginant des modèles non finis, en construction. En choisissant de communiquer de façon assez conceptuelle : jamais de portrait, une signature de groupe (Maison Martin Margiela), des étiquettes vierge…, le créateur a réussi le paradoxe de devenir une des figures majeures de la mode contemporaine. Après son départ, son style a été continué par ses équipes avec la partie atelier, version « haute-couture », dans un esprit de recyclage cher à la maison.
Dries van Noten a, lui, su créer un style au départ assez sobre dans les formes, mais dans une exubérance de couleurs raffinées, plongeant dans des influences ethniques (l’Orient, les broderies, les drapés saris,…) pour réussir un parfait métissage d’inspirations d’une mode exquise qui semble toujours en voyage.
Ann Demeulemeester a débuté sa marque en 1987 et a défilé à Paris chaque saison depuis 1991. Elle a trouvé son style très androgyne (notamment inspiré de Patti Smith dont elle a utilisé des poèmes brodés sur ses vêtements). Entre austérité et décontraction s’est dessinée une mode très noir et blanc avec une touche rock. Aujourd’hui elle a passé la main à ses équipes.
S’il a commencé par des chaussures devenues signature, Dirk Bikkembergs s’est spécialisé dans la conception de collections pour homme très adaptées à l’air du temps et a aussi laissé vogué son navire.
Après la première génération de stylistes est apparue une deuxième vague, aussi talentueuse, mais un peu moins connue.
Raf Simons est passé par la case design industriel (mobilier, décoration) et a collaboré chez Walter van Beirendonck avant de choisir sa véritable voie : la mode. En 1995, il présente sa marque, une collection homme dans un style épuré, très personnel. En 2005 il devient le directeur artistique de Jil Sander avant d’être nommé chez Dior.
Le duo A.F. Vandevorst a fait ses premiers pas à Paris en 1997 avec une déjà prometteuse collection qui rendait hommage à Joseph Beuys avec un tissu en feutre épais de couleur marron-kaki et l’esprit survie. Intéressé par les dessous, le duo a lancé une collection de lingerie, intimiste : Nightfall. Leur signature s’accompagne d’une croix rouge.
Véronique Branquinho présente sa première collection également en 1997 avec un style féminin empreint d’une certaine douceur et légèreté. Elle fut aussi créatrice pour Ruffo Research avec Raf Simons et directrice artistique de la mythique maroquinerie belge Delvaux.
Le spectaculaire Bernhard Willhelm, diplômé en 1998, a créé sa marque dans la foulée, en 1999. Avec humour et fantaisie, il affiche un goût pour le folklore, la poésie, les couleurs… Il a aussi signé quelques saisons pour Capucci en Italie. Ses présentations hommes et femmes, souvent unisexes, constituent des événements atypiques avec parfois un joyeux poil de provoc.
Diplômé de l’Académie en 1999, Kris Van Assche devient styliste chez Yves Saint Laurent avant d’entrer chez Dior. Promu à la direction artistique, il a su imposer sa propre écriture au masculin avec notamment les costumes quatre pièces et travaille à la construction de basiques intemporels.
Christian Wijnants a été lauréat du prix Dries van Noten en 2000, un prix à Hyères, le prix Woolmark en 2013… Des collections à son nom et un goût particulier pour la maille.
Tim Van Steenbergen est un artiste depuis sa collection de fin d’études travaillée sur des ombres projetées. Parfois vêtements tableaux surdimensionnés.
Si les académiciens d’Anvers tiennent le haut du pavé de la mode, quelques talents ont émergé aussi de Wallonie et de Bruxelles (Ecole de la Cambre).
Véronique Leroy est la vaillante Wallonne qui présente ses collections à Paris ; elle est d’ailleurs diplômée du Studio Berçot. Passée par l’atelier d’Azzedine Alaïa avec qui elle a sans doute développé son goût pour les formes du corps. Très construite, sa première collection en 1991 se dessinait de découpes quasi anatomiques dans une vision audacieuse et hors tendances. Elle poursuit avec énergie son chemin, dessinant une femme plutôt sexy, mais décalée. Attirée par l’esthétique des années 80, Véronique Leroy a été une des premières à marquer le retour des épaules, de la carrure. En parallèle à sa marque Véronique Leroy a collaboré plusieurs saisons au style de la maison Léonard. Un talent à part.
Elvis Pompilio, également Liégeois, travaille du chapeau avec humour.
Jean-Paul Knott est le Belge diplômé du FIT de New York. Avec son écriture sobre et minimaliste, il a exploré les recoins de la simple géométrie, attachant ses pièces de tissu de liens de cuir. Il a défilé quelques saisons à Paris et a signé quelques collections pour Cerruti, mais c’est aujourd’hui à Bruxelles qu’il a sa boutique.
Venu de Liège, Jean-Paul Lespagnard s’est notamment distingué au festival d’Hyères en 2008 avec un hommage rendu aux frites et à ses baraques et défile désormais à Paris avec des collections où l’humour bonhomme toujours affleure.
Autre électron libre, mais Bruxellois, Christophe Coppens a malheureusement arrêté sa marque en tant que créateur d’accessoires et de chapeaux extraordinaires. S’il a travaillé pour Yohji Yamamoto ou Lolita Lempicka, c’est dans son travail personnel (aussi artiste) qu’il s’est le mieux exprimé avec une écriture poétique et fantaisiste ainsi ses collections “zoo”.
Né en Hollande, Josephus Thimister est passé par l’académie d’Anvers. Il a créé pour Balenciaga avant de se lancer sous son nom dans un style épuré. Après une interruption de quelques saisosn il était revenu sur le devant de la scène avec une collection étonnante : « 1915 Bloodshed and opulence » Le vêtement militaire y subissait l’assaut de trainées rouges sang spectaculaires. À l’œuvre dans différentes maisons : Genny, Charles Jourdan…. On espère son retour sous son nom.
Olivier Theyskens n’a pas poursuivi un cursurs scolaire, mais a fait preuve de talent dans ses collections personnelles souvent spectaculaires, romantique destroy. Happé par la couture, il a créé pour Nina Ricci, Rochas et Theory. Sa prochaine étape ?
Aux Etats-Unis s’est installé Diane de Furstenberg, célèbre pour sa vie et l’invention de sa robe wrap.
On peut aussi se souvenir de Jurgi Persoons et de ses vêtements rapiécés, un peu grunge. Angelo Figus et ses quelques collections monacales et poétiques. Bruno Pieters aujourd’hui eco friendly avec Honest By. Xavier Delcour, au masculin noir et blanc….
La vague belge englobe ceux qui sont passés par l’académie : Peter Pilotto (très talentueux, le duo défile aujourd’hui à Londres), Anthony Vacarello et l’exceptionnel Haider Ackermann.
L’exposition donne à voir ces talents, avec des pièces de défilés et de petits espaces consacrés à des univers particuliers sans oublier les créateurs de demain.
Le succès des « Belges » s‘explique évidemment d’abord par leur talent, mais aussi par la qualité de la formation des écoles. La France devrait se poser des questions si elle veut que de potentiels talents hexagonaux émergent sans passer par les cases incontournables que sont les écoles de Londres et d’Anvers.
Entre minimalisme austère comme les gens du Nord et esprit de fête (le carnaval !), les créateurs belges osent aussi une fantaisie débridée et teintent leurs vêtements d’une inspiration parfois joyeusement saugrenue, le surréalisme n’est pas loin.
La Belgique, l‘autre pays de la mode vu par une ancienne Belge.
Bozar Palais des Beaux Arts Bruxelles. Les Belges. Une histoire de mode inattendue. Jusqu’au 16 septembre.
Intéressant catalogue, mais sans index.
Service de presse surréaliste !
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La Chine s’éveille à la mode et Guo Pei en incarne la facette « couture ». Lors des défilés parisiens, la créatrice chinoise a présenté au Musée des arts décoratifs une sélection de son travail dont une spectaculaire robe révélée par Rihanna. Qualifié de « robe omelette » par les internautes, le vêtement jaune canari à traîne brodée porté par la chanteuse a été très remarqué lors du vernissage de l’exposition « Through the Looking Glass » au MET. À New York cette exposition est consacrée au rôle de la Chine en tant que terre d’inspiration pour la mode. Y figurent des modèles influencés par le faste des costumes chinois dans un esprit orientaliste de chinoiseries : Dior, Saint Laurent, Alexander Mc Queen… De résonance plus contemporaine se découvre l’humour des imprimés Mao de Vivienne Tam et les nombreuses variations sur chemise ou veste au col Mao dans la vision d’un costume unisexe.
Célèbre en son pays, Guo Pei a son atelier (Mei Gui Fang) à Pékin, mais elle envisage aussi de s’installer à Paris. Plusieurs centaines de petites mains travaillent à la réalisation de ses créations au travail précieux et minutieux et où les broderies sont à l’honneur. Très influencé par le faste du costume chinois impérial, son style est loin des costumes Mao qui ont laminé la mode en Chine pendant quelques décennies. Les chaussures de la créatrice s’inspirent également des étonnants souliers brodés dont les modèles étaient aussi conçus pour les pieds bandés. Se découvrent des chaussures hybrides où la broderie se marie aussi au plexiglas.
Si certaines tenues peuvent confiner au kitsch, il faut néanmoins saluer le travail remarquable et spectaculaire des détails.
Quant aux robes « porcelaines », avec des motifs décoratifs traditionnels bleu cobalt, elles sont d’un raffinement parfait et affichent même une certaine sobriété.
Une histoire à suivre.
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Si le nom de Lanvin bénéficie d’un renouveau médiatique depuis plus d’une dizaine d’années grâce au talent d’Alber Elbaz, la maison doit son appellation à Jeanne Lanvin, une femme remarquable qui l’a fondée en 1885. Le musée Galliera rend hommage à ses créations dans une exposition sous le commissariat d’Olivier Saillard.
D’abord modiste, Jeanne Lanvin se met à la couture, sans oublier les vêtements d’enfant, inspirée par sa muse, sa fille Marguerite.
Femme d’affaires avisée, elle sent les évolutions de son époque et crée différents départements : mariée, fourrure, lingerie… sans oublier l’homme à partir de 1926. Elle ouvre également des succursales à l’étranger, en Espagne, en Argentine… Dessiné par Paul Iribe, un logo mythique représente Jeanne et sa fille, il sera repris sur le parfum emblématique de la maison : l’exquis Arpège dans un flacon boule noir au décor doré.
L’exposition est une jolie flânerie dans l’univers raffiné de Jeanne Lanvin. Des vêtements en volume du début; les années vingt, droites avec robes tubulaires.
Des modèles très travaillés avec jeux de rubans, broderies, perles, cristaux, véritables robes bijoux. Une pointe d’exotisme inspirée de motifs de Chine, du Japon… Robes du soir, élégantes avec boléros assortis ou manteaux d’apparat. Des robes dites « de style » avec jupe bouffante et corsage ajusté.
Aux côtés du code noir et or du logo, s’est imposée une couleur signature et fétiche pour Lanvin : le bleu. Emprunté à Fra Angelico, le bleu joue les variations dans une saga de noms : vitrail, azur, Delft, lavande, saphir, pervenche… (ces noms se découvrent dans les albums de coloris).
Si Jeanne Lanvin n’a pas, comme d’autres, révolutionné la mode, elle a été pionnière et visionnaire dans de nombreux domaines. Demeurent des créations raffinées et élégantes à découvrir dans une exposition où plane une séduisante et délicieuse nostalgie.
Photos
Manteau à manches kimono, 1937. Patrimoine Lanvin, C Katerina Jebb, 2014.
Les petites filles modèles. Robe pour enfant Patrimoine Lanvin C Katerina Jebb,2014.
Colombine, robe de style. 1924-25 Collection Palais Galliera C Katerina Jebb, 2014.
Robe Neptune. Hiver 1926-27. Palais Galliera. C P. Joffre et C. Pignol / Galliera / Roger-Viollet.
La Diva. Robe du soir (1935-36) Velours de soie bleu nuit. Collection Palais Galliera C Katerina Jebb, 2014
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Quelques feuilles plongées dans de l’eau chaude suffisent à suspendre le temps au Royaume-Uni l’après-midi. Originaire de Chine et savouré dans tout l’Orient, le thé est odeur, qu’il soit vert, fumé, rooibos, darjeeling… ou aromatisé comme l’earl grey à la bergamote ou d’autres extravagantes mixtures avec l’ajout de fleurs de cerisier ou de chrysanthème. Au XVIIe siècle, le voyageur Jean Chardin conte la pratique du thé : « Et pour l’usage journallier qu’en font les Portugais, et les Hollandois dans les Indes, il le faut regarder plustost comme un amusement d’esprits oysifs, mous, et voluptueux, que comme preuve de la vertu de ce breuvage Chinois ».
Place à la volupté. Mises à l’heure du thé, sans imaginer le thé de fous d’Alice ou la version américaine, politique, quelques fragrances, juste à déguster.
Kaléidoscope
Chez Bulgari le thé en voit de toutes les couleurs. Un magnifique thé vert a ouvert la voie en 1992 avec une création de Jean Claude Ellena. Déjà en germe s’écrit la simplicité d’un haiku chère à l’auteur. S’interprète délicatement un « thé » à la fraîcheur bergamote et d’une exquise légèreté. Puissamment original, le thé rouge est un ovni composé par Olivier Polge. Une odeur de foin, un thé chinois Yunnan à facette aldéhydée et un côté lacté, un peu gras donné par la figue (octolactone gamma, j’adore les noms scientifiques qui me font paradoxalement rêver). Ce tonitruant parfum me conduit sur les routes de l’Himalaya en quête de thé au beurre de yak rance, pocha, une interprétation toute personnelle. Figure aussi sur la carte un doux thé blanc (Jacques Cavallier en 2003). Aujourd’hui se déguste une nouvelle couleur, un thé bleu composé par Daniela Andrier, un oolong de Chine (Wu Long) avec une lavande fraîche, un zeste de pamplemousse, d’exquises feuilles de shiso, une discrète et tendre violette sur fond d’iris suave et de muscs pour voir joliment la vie en bleu.
Sur la voie du thé vert
Au pays du soleil levant se pratique, notamment dans les temples zen, la cérémonie du thé (Chadô ou Chanoyu). Le matcha, thé vert en poudre, est fouetté en mousse et se déguste selon un cérémonial très codifié inspiré par les préceptes de Sen no Rikyû au XVIe siècle. Pour Kakuzô Okakura (Le livre du thé) : « L’art du thé consiste en effet à dissimuler la beauté que l’on est capable de découvrir, et à suggérer celle que l‘on n’ose révéler ». De ce culte de l’imparfait à aujourd’hui, ce thé se retrouve aussi en cuisine, délicieusement associé à la pâte de haricot rouge (azuki) ou, pour les palais Occidentaux, savoureusement marié au chocolat blanc.
En parfum, ce thé vert a inspiré et a ouvert la voie à de nombreuses créations. Succès mondial, CK One (1995) est un parfum mixte à la fraîcheur bergamote ; un accord thé traverse le parfum de la tête au fond. Frais et agréable, il doit aussi son succès à sa parfaite adéquation à une époque où l’un est l’autre et où les codes masculins et féminins fusionnent.
Green Tea d’Elizabeth Arden (2000) ajoute à son départ hespéridé, une senteur de rhubarbe acidulée et une fraîcheur menthe aromatisée de graines de céleri.
Eau de Thé vert de Roger & Gallet joue la fraîcheur Cologne avec mandarine, orange, yuzu sur fond boisé de cèdre.
L’Occitane, à partir de 1999, a imaginé des thés verts. Un premier avec muscade, cèdre, thym, suivi d’un Thé vert & Bigarade, évidemment orange, mais aussi cèdre et muscs blancs. Les versions ensuite s’aromatiseront : menthe et puis jasmin.
En 2009 Paris–Tokyo de Guerlain, un voyage autour du thé vert avec une délicate violette, un jasmin sur fond boisé de cèdre. Très populaire au Japon notamment pour les tansu, le cèdre ou faux cyprès est appelé hinoki et se retrouve très souvent associé au thé vert dans les compositions.
En 2014 Dans Tea Escape Tokyo 2008, (Replica de Maison Martin Margiela) Fabrice Pellegrin compose une échappée belle au Japon avec poivre rose, menthe, le tout servi avec du riz soufflé.
Dans un lac ensoleillé a plongé Teazzura, Aqua Allegoria de Guerlain. Là, se déguste un thé vert à la jolie fraîcheur agrume de bergamote et yuzu tandis que fleurit un jasmin solaire sous un ciel azur.
Au pays du matin calme, le thé est aussi potion magique. Escapade vers Jeju, L’île au thé (Annick Goutal) pétille avec la légèreté du mandarinier sur infusion de thé. On imagine Camille Goutal et Isabelle Doyen parcourir l’île à la découverte des senteurs qui allaient habiter leur création. L’osmanthus s’imposa avec ses fleurs et son odeur abricotée. L’île a aussi donné son nom à un thé, le Jejudo Impérial, un thé vert de Corée (Palais des thés) ; plus « chair de poisson » que le thé vert japonais !
Histoires de thés
D’autres thés apportent leurs saveurs aux parfums, mais en mineur. S’invite aussi le maté, faux thé ou thé du Paraguay, qualifié aussi de thé des jésuites ; son nom vient du langage quechua où il signifie calebasse, contenant les herbes. S’il se boit selon le même principe d’infusion, il se retrouve aussi en parfumerie.
En 1996 Thé pour un été de L’artisan parfumeur mêlait thé vert et maté, le tout entouré de menthe, bergamote, citron, jasmin, osmanthus et hinoki. En 2000, pour L’artisan parfumeur toujours, est composé Tea for two par Olivia Giacobetti. La chanson se fredonne et surgit La grande vadrouille et le sifflotement de ralliement dans le bain turc. D’où peut-être des saveurs épicées et douces de cannelle, gingembre, miel sur fond cuir et tabac.
Dans la série des Leaves (superbe Shiso) de Comme des garçons figure un Tea (2000), à base de thé noir à la fraîcheur bergamote sur fond cèdre et maté.
Duel d’Annick Goutal avec Isabelle Doyen a été lancé en 2003. Petitgrain du Paraguay, avec maté, iris sur fond boisé (gaïac) et cuiré pour une composition puissante et originale.
Jean Charles Brosseau (superbe Ombre rose) s’est mis au Thé brun en 2005. Pierre Bourdon y rend hommage au lapsang souchong avec bergamote, ananas, cannelle, cardamome sur coeur floral et fond cumin, musc, ambre et vanille.
Mathilde Laurent dans La Treizième heure (Cartier) réussit très beau parfum, un côté thé noir puissant, du maté, du cuir, de la vanille. Tea time!
Pour Kakuzô Okakura : « Le thé n’a ni l’arrogance du vin ni l’affectation du café –et encore moins l’innocence minaudière du cacao.” Alors mettons-nous au thé, mais en parfums.
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Dix mots clefs pour imaginer le design et ses correspondances. Pas de boule de cristal, mais un va-et-vient entre passé et futur avec arrêt suspendu dans le temps présent. À la Gaîté lyrique, au travers de la collection du Centre national des arts plastiques, une réjouissante exposition dont Li Edelkoort, pythie du design ?, est commissaire d’exposition.
Un espace oeuvre au noir donne à voir l’importance de la non couleur qui habille les objets avec une majesté certaine. Gothique, punk, mélancolique, sombre, élégant, le noir est couleur fard du design.
Autour de dix mots, de dix notions, les thèmes choisis englobent des exemples de design, meubles et objets avec, parfois, un zeste de mode.
-Archaïque : retour vers un passé très ancien, éloge du primitif et approche totémique.
-Nomade : objets pliables, transportables, pratiques, pour composer un espace en mouvement y compris le transport : Solex. Chaise de bureau (re)couverte de Rodrigo Almeida avec un nom de mode : Kawakubo.
-Abstrait : simplicité de formes géométriques, couleurs, mais aussi courbes ainsi Marc Newson, Orgone II ou Matali Crasset et sa Nature morte à habiter (méridienne). Jeu de proportions.
-Naïf : retour à l’enfance, à l’humour, syndrome de Peter Pan ? Dimension ludique comme le tabouret nain de Stark furieusement nommé Attila.
-Curieux : un cabinet de curiosités, une pointe d’humour et de la déraison, des objets insolites.
-Simple : des utilitaires pour aller à l’essentiel, objets du quotidien. Konstantin Grcic, Step, 1995 un escabeau de bois.
-Gonflé : de l’expansion, du volume en intégrant, en emprisonnant l’air. Vêtements gonflables (Yohji Yamamoto, même si Miyake en a aussi réalisé de magnifiques). Jurgen Bey, Chaise Vacuum Cleaner ajoute de l’humour au souffle.
-Organique : entre art et design, la main de l’homme fait évoluer la matière. Les courbes renvoient aux racines. François Azambourg, Vases Douglas.
-Humble : modestie, épure, ascétisme, pureté du blanc immaculé. Ruth Gurvich, vases.
-Mutant : avatars, transformations, hybridation, prolifération. Matières high tech. Patrick Jouin, Solid C2, une chaise conçue par impression 3D.
Une classification qui jette des passerelles entre les objets et a le mérite de donner à voir, au-delà de la fonction première, d’autres dimensions dans une approche où, par sa conception, ses qualités, l’objet peut aussi être considéré comme oeuvre d’art.
Une jolie plongée dans le design d’aujourd’hui.
Et sur le site un Quiz qui vous « classe » avec la même terminologie. Au vu de mes réponses « Nomade » je suis.
Parmi les mutants, Cédric Ragot.
À la Gaîté lyrique jusqu’au 16 août.
Légendes
Thème naïf. Stylisme Sergio Machado. C Lisa Klappe /CNAP
Ron Arad. Fauteuil Big Easy. C Ron Arad, CNAP, Photo Yves Chenot.
Sac Kelly Hermès. C Hermès, CNAP, Photo Yves Chenot.
Rodrigo Almeida. Chaise Kawakubo. C R Almeida, CNAP.
Marc Newson. Chauffeuse Orgone II. C Marc Newson CNAP.
Jurgen Bey. Chaise Vacuum Cleaner. C J Bey, CNAP, Photo Yves Chenot.
François Azambourg. Vase Douglas. C F Azambourg, CNAP, Photo Bernard Chauveau Editeur.
Patrick Jouin. Chaise Solid C2. C Agence P Jouin, CNAP, visuel de l’artiste.
Thème abstrait. Stylisme Sergio Machado. C Lisa Klappe /CNAP.
Cédric Ragot Suspension Flight 815. C ADAGP
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Elle a fleuri au printemps et je la redécouvre épanouie et croquante. J’en reçus d’abord quelques gouttes. La rafraîchissante rosée me valut quelques compliments (ce n’est pas toujours le cas avec les parfums que j’aime). Je me penchais à nouveau sur ce roman de la rose qui n’est pas, dans l’ordre végétal, mais alors pas du tout ma tasse de thé. Je ne m’identifie pas à la reine d’Alice que la seule vue d’une rose blanche insupporte ; moi, c’est aux roses que je couperais bien la tête.
Une ou deux fois des parfums à la rose m’ont plu. Je pense à Une rose (Edouard Fléchier) chez Fréderic Malle dont la présence d’une note truffe me plaisait ou à celles cueillies par Lutens. Mais À la rose de Maison Francis Kurkdjian est moins dans l’opulence, elle est croquante. Mutine, gracieuse et fraîche, elle pétille. Un zeste de fraîcheur hespéridée d’orange et bergamote, d’autres fleurs pour embellir la reine : violette, magnolia et un fond cèdre et musc. Je me suis penchée sur ce parfum quand je m’obstinais à imaginer ou à rêver au retour des notes vertes pour tourner la page des gourmands. Las, la queue de comète des friandises semble avoir encore de beaux jours. Francis Kurkdjian parlait de « l’idée de créer une composition entre figuratif et abstraction ». Pouvant osciller entre Cranach et Malevich, le parallèle me parle. Le parfumeur ajoute : « Être dans la sensation d’une caresse de pétale de rose, dans du charnel et pulpeux, sans être lourd ni opaque ou gras. Les facettes vertes que j’ai ajoutées contribuent à cette impression de nature réinventée pour donner un élan de modernité aux extraits naturels de rose (essence et absolue). » C’est sans doute cette fraîcheur un peu verte qui me donne à voir cette rose avec bonheur.
À la rose me réconcilie définitivement avec la reine des fleurs, mais seulement en parfum.
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