
Portrait de Serge Diaghilev V&A Images
L’âge d’or des ballets russes s’expose au Victoria & Albert Museum de Londres. Majeure et magnifique, l’exposition Diaghilev rend hommage à un talent qui a su créer des oeuvres d’art total, multipliant les rencontres et les échanges avec les artistes de son époque. L’inventivité et la qualité des productions de Diaghilev ont créé un véritable mythe autour des ballets russes de 1909 à 1929.
Directeur artistique, Serge Diaghilev a débuté sa carrière en Russie avant la révolution en tant que critique d’art. Mais c’est à Paris où il est venu avec un Boris Godounov qu’il eut la possibilité d’exprimer son talent. Aux opéras s’ajouta la création de ballets. En 1913 son interprétation du Sacre du printemps fit scandale. « On y rampe à la manière de phoques » dit la critique. Mais en 1914 un article du Tatler le consacre et déclare que les ballets russes révolutionnent la perception de l’art de la danse avec leurs décors extraordinaires, leurs costumes somptueux, leurs gammes de couleurs … Les liens avec la Russie s’arrêtèrent après un dernier séjour à Saint Petersbourg en 1914 et Diaghilev poursuivit définitivement sa carrière en Europe.
A la tête des ballets russes, il choisit des artistes pour créer des décors, des costumes d’exception. Dans les années vingt, il est célèbre et côtoie les artistes, les écrivains et les musiciens les plus en vue.
Parmi les artistes majeurs qui ont travaillé avec lui figure Picasso. Le maître espagnol signe décor et costume de Parade, une oeuvre de Cocteau et Satie. Présenté sous une forme ludique, le cubisme est ainsi rendu plus accessible au public. Pour Apollinaire, Parade incarne « cette alliance de la peinture et de la danse, de la plastique et de la mimique… est le signe de l’avènement d’un art plus complet. »

Costume de Chinois pour Parade, d’après Picasso ADAGP Paris DACS London
Quelques années plus tard Picasso imagine le décor pour Le train bleu que sera peint en 1924 par le prince Alexander Schervashidze tandis que Coco Chanel en signait les costumes.


Le train bleu d’après Picasso Costumes de Chanel
ADAGP Paris, DACS LOndon V& A Images
Rodin, Léon Bakst (La belle au bois dormant) George Braque (Zéphyr et Flore), Henri Matisse (Le chant du rossignol avec un magnifique manteau jaune à motifs floraux stylisés), Marie Laurencin (Les Biches), Giorgio de Chirico… signèrent aussi des collaborations au rayonnement des ballets russes. A noter aussi les magnifiques costumes géométriques de Larionov (Chout), hommage vestimentaire de l’abstraction géométrique.

Costume de Flore par George Braque V&A Images
Natalia Goncharova a notamment dessiné les décors de L’oiseau de feu. Parmi les différents costumes imaginés par l’artiste surgissent des souvenirs de la tradition russe tandis que pour Le Coq d’or elle imagina des influences perses.
Danseur vedette, Nijinsky portait de remarquables costumes. Se redécouvrent un turban porté dans le Pavillon d’Armide ou une tunique dorée et brodée de perles pour Le festin. Dans la partie « derrière la scène », le spectateur voit les dessous des spectacles, ainsi des carnets de notes pour l‘Après-midi d’un faune avec les annotations du danseur. Paul Claude, après avoir vu le danseur, est subjugué : « L’âme pour une seconde porte un corps ». S’ouvre aussi en photos une fenêtre sur une esthétique d’une facette de la future culture gay.


Bakst Le festin costume pour Nijinsky / Nijinsky, Albrecht (Giselle) Photo Bert
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Coup de coeur absolu pour un dessin de Larionov proposant le maquillage de Kikimora (petite sorcière slave d’une oeuvre de Liadov) qui, réalisé, fut immortalisé par Man Ray dans un portrait magnifique de Bronislava Nijinska (soeur de).
Pour Diaghilev : « Dans notre ballet, les danses ne sont que l’une des composantes du spectacle, et même pas la plus importante…”

Nijinsky dans L’après-midi d’un faune par Bakst
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