De la bourse au it bag, plusieurs siècles de créations autour des sacs (à main) sont mis en scène à Shanghai dans l’exposition « Bagism » sous la direction d’Elisabeth Azoulay. Bagism est le terme « inventé » par John Lennon et Yoko Ono lors d’une conférence sur la paix à Vienne en 1969. Le couple avait pris place dans un drap représentant un sac. Quelques semaines plus tard, le duo expliquait le choix du mot et concluait par une jolie pirouette : « We‘re all in a bag Baby ».
L’exposition à Shanghai au K11 (Adrian Cheng) se focalise sur le sac à main, dans ce qu’il a d’exquis, d’original, de créatif sur plusieurs siècles.
Au fil du temps
Le sac a beaucoup évolué, de bourse pratique, il s’est très rapidement décoré, enjolivé de broderies, de perles… Ensuite le cuir en est devenu le matériau phare. Aujourd’hui le sac est un des fers de lance de l’industrie de la mode. Accessoire majeur et incontournable, le sac est objet de convoitise, voire de phantasme.
Passé par un statut unisexe, il s’est féminisé. D’abord caché dans le vêtement, il en est progressivement sorti, attaché puis détaché. Le terme de réticule, à l’origine un filet pour cheveux (époque romaine), fut donné aux sacs. Rebaptisés Ridicules (par altération du mot) en France car le peuple riait de voir ces objets s’afficher, ils furent plus joliment « indispensables » au Royaume-Uni, pour leur contenu essentiel. Hasard littéraire, dans L’Art poétique, Boileau associait les deux mots : « Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe. Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope ». Les sacs brodés du XVIIIe siècle avec la technique du sablé multipliaient des perles tellement fines qu’elles étaient parfois assemblées avec des cheveux, crins de cheval. Les châtelaines, elles, étaient attachées par des chaînes, souvent accrochées aux ceintures.
Du bagage au sac à main
Les selliers passèrent du secteur des chevaux aux nouveaux moyens de transport : train, voiture. Les accessoires s’adaptèrent, du bagage au sac à main. Les grandes maisons acquirent leur notoriété, Delvaux en Belgique, Hermès et Vuitton en France. Si le terme sac à main remonte à 1898 (en anglais handbag), il vit son essor au XXe siècle.
Au début du XXè siècle se remarquent les sacs raffinés de Paul Poiret parfois inspirés par l’Orient. Aux États-Unis dans les années 20 sont créés des sacs en maille de métal notamment par Whiting & Davis, une maison née en 1876. Les années 30 virent les créations loufoques d’Elsa Schiaparelli proches d’un esprit surréaliste ainsi sa lanterne.
Des sombres années 40, des exemplaires de sacs pour masques à gaz !
Les années 50 aux États-Unis virent les sacs en lucite, un matériau en plexiglas qui permettait de donner des formes originales, moulées. Mis au point en 1931 par DuPont (de Nemours), la lucite vit son essor dans les années 50. Aujourd’hui ces sacs se retrouvent en vintage ainsi que les fantaisistes paniers en osier créés à la même époque. Sans oublier quelques sacs en bakélite.
Space Odyssey orchestre la vision du futur par Courrèges, Cardin et Paco Rabanne tel qu’il était imaginé à partir des années 60 et se projetait vers l’espace de 2001.
À découvrir aussi les sacs ethniques, sous influence orientale ainsi qu’un texte sur le sac en Chine par Danielle Elisseeff.
X Ray bag propose les sacs transparents, pratiques pour la fouille : Chanel, Hermès, Kenzo, Vuitton… Quant à l’émergence du it bag que toutes veulent posséder, il semble difficile d’y échapper : le classique de Balenciaga, le 2 55 de Chanel, le Baguette de Fendi…
Art
Une grande section met en avant les collaborations d’artistes notamment les sacs d’exception créés avec carte blanche pour le Lady Dior.
Chez Vuitton, les sacs furent commercialisés avec des interventions de Stephen Sprouse, Takashi Murakami, Richard Prince, Kusama Yayoi…
L’art a souvent été source d’inspiration et de réinterprétation. Si Yves Saint Laurent a créé robes Mondrian, Wesselman ou vestes Van Gogh brodées, il a aussi imaginé des sacs en hommage à Picasso, Mondrian… Matisse a inspiré Roger Vivier. Kandinsky pour Charlotte Olympia.Warhol chez Dior ou Philip Treacy. Wim Delvoye chez Chanel. Vasarely chez Fendi qui a aussi demandé une customisation à Zaha Hadid.
Ben Vautier a écrit de son écriture blanche sur fond noir des fantaisies comme : Je vide mon sac.
Le déjà iconique Baobao d’Issey Miyake a aussi été revisité façon graffitis.
Artiste, Chloé Wise critique avec humour la société de consommation. Dans sa série de « Bread bags », les objets (impossibles à remplir!) ressemblent à du pain et sont logotomisés : Chanel, Prada, Vuitton…
Autre curiosité, le Pretiosa de Carla Bracialini créé en reprenant des dessins de Léonard de Vinci.
Quelques oeuvres d’artistes chinois viennent compléter la dimension arty de l’exposition.
Humour et fantaisie
Toute une partie de l’exposition met en scène aussi l’humour que cultivent certaines marques : Moschino bien sûr, Judith Leiber, Lulu Guiness, Olympia Le Tan, mais aussi Chanel ou Maison Martin Margiela.
Le Delvaux hommage à Magritte « Ceci n’est pas un Delvaux » unit art et humour. Sans oublier la marque 31 février et aujourd’hui Hélène Nepomiatzi avec son sac bâton de dynamite ou son exquise pochette d’allumettes.
On aura tout vu est aussi présent avec un « crocobizarre » brodé ou encore une multi minaudière à menottes.
Manish Arora joue la vanité de sacs en forme de crânes brodés. Irina Volkonskii imagine la « beauté intérieure » d’un sac rempli de strass, de cristaux multicolores et sobre à l’extérieur.
Trublion de la mode, Naco est là avec son sac Karl Who.
Le porter
Différentes façons de porter un sac sont proposées, à l’épaule, à la main… Le sac jupe ou robe de Yohji Yamamoto combine le vêtement à la poche à fermoir. Sur les fesses, version faux-cul de Westwood pour Vuitton. Sac noeud en tissus d’obi pour Kenzo, classiquement sur le dos ou plus osé, devant…
Devenu nécessité, le sac complète la tenue et permet le transport d’objets personnels. Parfois caverne d’Ali Baba, il est mystère quand il s’ouvre sur ses trésors. Une belle promenade dans quelques siècles d’histoire.
Catalogue dirigé par Elisabeth Azoulay.
-Sac en velours brodé, fil d’or. Début XVIIIe France. Musée des Arts décoratifs, Paris.
-Sac Masque à gaz UK C 1939. Simone Handbag Museum.
-Sacs en lucite des années 50 USA
-Soie et perles de verre, XVIIIe siècle Chine. Musée des Arts décoratifs, Paris.
-Lady Dior par Olympia Scarry.
-Sac Vuitton Richard Prince 2008
-Sac Vasarely.Fendi.
-Fendi Peekaboo customisé par Zaha Hadid.2015
-Ben Vautier Je vide mon sac. Courtesy Galerie Eva Vautier.
-Baobao Lucent pro Graffiti. Issey Miyake.
-American Classic Chloé Wise, Coll F.R. Roy. By courtesy Galerie DivisionPB & J LV Chloé Wise, Coll F Odermatt By courtesy Galerie Division.
-Pretisosa Demande du Muséee Léonard de Vinci réalisation Carla Braccialini.
-Moschino. Sac seau de plage.
-Olympia Le Tan. Sac globe.
-Hélène Nepomiatzi. Matchbox.
-On aura tout vu. Crocobizrarre.
-Irina Volkonskii. Beauté intérieure.
-Naco. Sac Karl Who.
lire le billet
D’hier à aujourd’hui Elisabeth de Senneville est un des rares tenants d’une mode contemporaine voire futuriste. Une vente d’une partie de ses archives à Artcurial* a permis de se replonger dans une histoire de mode singulière et qui réserve encore de magnifiques surprises.
Arrivée dans la mode par hasard, Elisabeth de Senneville fait ses classes chez « Miss Dior » puis styliste junior au Printemps. Quand elle se lance en 1972, elle prend un parti opposé à la couture et choisit d’imaginer des vêtements confortables. Les matériaux stimulent son inspiration, elle n’hésite pas à détourner par exemple des rideaux de douche. Son style prône l’ampleur, ses vêtements s’attachent avec du velcro. Elle dessine ses imprimés qui sont sérigraphiés et deviennent sa signature dans un style en parallèle à l’esthétique du Pop Art. Prolifique, elle crée 2000 modèles par an pendant 20 ans. En 1980 elle avait déjà compris le rôle que jouerait l’« écran », essentiel, incontournable et qu’il serait notre troisième oeil. « Tout le monde va voir à travers des écrans, Il y en aura partout ». Et des motifs d’écran se démultipliaient sur ses vêtements en imprimés.
La vente a mis en lumière toute la fantaisie et les recherches de la créatrice. Parmi les lots les plus remarquables. Une veste nomade en kraft recouverte de plastique avec à l’intérieur des images de cosmonautes et articles de journaux (5 200€).
Une robe oversized et pantalon assorti imprimé Boeing Dallas Aiport (1 170€).
Robe en imprimé Planche Contact Kodak (n’a pu être commercialisée en raison d’une opposition de Kodak), 2 340€.
Manteau en coton imprimé Bébé Japonais d’après une oeuvre de Nam June Paik (3 250€).
Une délicieuse plongée dans la création des années 80 dans sa facette la plus avant-gardiste.
Aujourd’hui Elisabeth de Senneville continue ses recherches, travaille sans cesse de nouvelles innovations pour mettre le vêtement en phase avec son époque, elle s’intéresse notamment aux textiles intelligents, à la pollution avec la mise au point d’un charbon actif (noix de coco réduite en cendre). Et si l’heure est à la connection, elle imagine des vêtements déconnectés qui mettraient à l’abri et protègeraient les données avec l’ajout de métal pour faire dévier les ondes. « Il ne faut pas faire des vêtements connectés, mais des vêtements intelligents… Le vêtement doit rendre des services, protéger de la pollution, capter la chaleur… ». Tissus photoluminescents, coupes au laser, perforations… n’ont plus de secrets pour elle. Elle ajoute : « La grande autoroute va être le photovoltaïque qui va être récupéré en mode ainsi un vêtement chauffant ou capable de recharger des appareils ».
Une créatrice d’hier et d’aujourd’hui pour demain.
*Commissaire et catalogue par Pénélope Blanckaert.
lire le billetUne idée, un concept signent chaque défilé du duo Viktor & Rolf. Cette saison, le mot clef est Vagabonds. La collection part de rien et de tout. L’inspiration plonge dans les collections précédentes et réutilise des éléments, des matières et aussi des pièces d’archives.
Assemblage, multiplication des détails, imbrication de tissages, ajout de tissus, de volants, de rubans,… Augmentée, la silhouette se révèle de bric et de broc, joyeuse, délurée. Rapiéçage.
Un chapeau vertical légèrement écrasé de guingois ajoute un look qui évoque Dickens et ses vagabonds tout en donnant un petit côté victorien aux silhouettes.
Le passé est remis en lumière avec éloge du recyclage d’un monde qui construit son futur en se (re)posant sur le passé.
L’aspect artisanal amplifie une perception « couture » où le maître mot serait « fait main ». Bricolage dans le sens noble du terme, collage et joyeux télescopage d’une collection très enlevée.
lire le billet
Plongée dans la nature pour Jean Paul Gaultier en nouvel homme des bois. Hommage à la naturalité dans sa beauté la plus pure, la plus simple (inspiration née lors d’un voyage au Japon et la découverte des jardins à l’esthétique zen).
Nervures d’arbres, veines du bois, couleurs végétales autour du brun, camaïeux de feuillages passant du vert à la flamboyance du rouge,…
Allure de sous-bois, mystères de la forêt. Préciosité des broderies. Classiques revisités, bustiers rigides.
Cheveux bouclés ou encadrés d’une auréole de fourrure, de plumes, façon « tournesol ».
Et toujours des noms poétiques émaillés de jeux de mots : Col chic dans les prés, Ici est tailleur, La cavalière va au bouleau, Ca s’écorce… Magnifiques contes d’automne.
Guerrière, amazone, la femme d’Alexandre Vauthier demeure une conquérante. Son hiver emprunte une couleur à l’armée, le kaki décliné aussi en variation camouflage. Drapés audacieux, mais aussi ampleur avec maxi robes en volume.
Multiplication des oeillets. Un poil de fourrure.
Ceinture noeuds.
Coupes toujours parfaites et sexyness des jupes fendues et du court.
Sequins en ponctuation, bordures de lamé, éclat, brillances.
Superbe pantalon treillis de camouflage rebrodé.
Sans nostalgie ni vision futuriste, Alexandre Vauthier crée pour aujourd’hui et confirme avec brio sa place dans le calendrier officiel de la couture.
« Mouvement perpétuel » scande le défilé d’On aura tout vu. Collection aux allures futuristes ponctuée par la présence robotique de machines accessoires qui mettent leurs « pinces » en mouvement.
Extraordinaire travail de construction de broderies tubulaires. Vêtements articulés composant une géométrie variable. Jeux d’opposition entre blanc et noir, entre lumières et ténèbres. Une touche de couleurs (rouge), des matières nobles (peaux) et d’avant-garde.
Cristaux, pailles de plastiques, « éprouvettes »…
Final transgenre où l’un est l’autre.
Mouvement d’une collection animée. Le duo reprend en exergue une phrase de l’inventeur du paratonnerre, Benjamin Franklin : « L’humanité se divise en trois catégories : “ceux qui ne peuvent pas bouger, ceux qui peuvent bouger et ceux qui bougent ». Livia Stoianova et Yassen Samouilov sont, comme à leur belle habitude, en perpétuel mouvement.
Première lumière est l‘intitulé de la collection de Julien Fournié. Écho à Paris ville de lumières et voie imaginaire vers d‘autres univers, exploration de nouvelles galaxies. Rigueur des coupes et féminité.
Présence d’un voile pour figurer la « matière noire ». Noir, rouge et imprimés chamarrés.
Camaïeux de tons chair. Légèreté de l’organza, organdi mais aussi épaisseur chaude du mohair. Imprimés graphiques, broderies en zigzags. Détails anatomiques. Éclats de brillance, lumières.
Yes Future. Exploratrice du temps présent, Iris Van Herpen construit avec audace et poésie une histoire de mode des plus fascinantes. « Seijaku » est l’intitulé de sa collection de couture. La créatrice s’est plongée dans la cymatique, qui étudie la visualisation des ondes sonores évoluant en motifs géométriques. Plus la fréquence est haute plus le motif est complexe.
Pour accompagner la présentation, le musicien Kazuya Nagaya traduit, avec son installation « Seijaku », la sérénité dans une vie de chaos. Zen, la résonance des sons sur des bols se démultipliait dans le cadre acoustique de l’église.
Formes géométriques, cercles, biomorphisme, volutes, stries, dessinent une collection étonnante. Silicone, éclats de cristal, caoutchouc,… ces matières atypiques sont servies par des coupes au laser, des techniques 3D.
Si la technologie propulse la collection dans une nouvelle dimension, la patte de l’humain est aussi présente, l’artisanat n’est pas en reste. Un organza tissé plus finement que le cheveu humain est teint avec la technique du shibori pour renouer avec les formes de la cymatique. À nouveau une collection époustouflante, exploration de techniques complexes. La fusion parfaite entre la science et la poésie.
Photos Peter Stigter
Photo Molly SJ Lowe
lire le billet
« Cirque solaire », jolie mise en bouche de haute fantaisie pour le défilé Schiaparelli. Avec ce thème, Bertrand Guyon tisse un joli lien avec la collection « Cirque » de Schiaparelli de l’été 1938. Modèles toujours élégants, extrêmement bien taillés et la touche de fantaisie qui se dessine dans les imprimés ou par la ponctuation de détails aux réminiscences surréalistes (bouche, oeil…). Épaules déboîtées, gracieusement surrélevées.
Éclats de couleurs, vives sans oublier le rose shocking signature et les effets patchworks.
Tissus précieux, enluminés, délicate panne de velours, brocard japonais.
Bretelles bijoux avec le souvenir d’une des oeuvres majeures de Calder : Le cirque. Assemblage de bouts de ficelle, fer papier, métal, tissu…, ce petit théâtre était visible au Whitney et existe en vidéo sur une musique de Pierre Henry.
Dans un décor abstrait se découpent des effets d’arlequinade. Noir chic et reflets dans un oeil d’or.
Coeur transpercé, cadenas… les codes se posent. Références au cirque, manège sans caricature d’exquises esquisses : écuyère, contorsionniste, cheval de parade, grande roue… Constellation poétique.
lire le billet
Membre invité, Guo Pei représente son pays avec faste. Célèbre en Chine où elle a un immense atelier et réalise quantité de broderies, elle a proposé une collection de vêtements dans les codes occidentaux, robes de princesses où le travail des broderies est particulièrement riche.
La Chine, impériale, est souvent source d’inspiration pour le style de la créatrice. Dans cette collection, ce souvenir s’esquisse avec le passage d’un dragon brodé ou de quelques motifs d’arabesques orientalisantes.
À noter le lancement d’une collection de chaussures, escarpins vertigineux fusionnant avec l’esprit de socques. Surmontées de « couronnes », les coiffures ajoutent une allure princière aux mannequins.
Des broderies, des paillettes, un poil de fourrure, faste de robes du soir.