Écrivain magistral du XXe siècle, le Japonais Jun’Ichirô Tanizaki a dépeint son pays en mutation, à la fois attaché aux traditions et découvrant d’autres horizons via l’ouverture à l’Occident. Au musée Yayoi à Tokyo, une exposition présente des kimonos en lien avec l’oeuvre de Tanizaki que ce soit Esquisse d’un portrait (Shunkinshô) ou Le goût des orties (Tade kuu mushi) et surtout Sasame Yuki (Makioka Sisters en anglais, les Quatre soeurs ou Bruine de neige en français). Ce roman situé dans les années 30 et publié en feuilleton dans les années 40 fut très critiqué pour sa « position d’observateur passif face à l’effort de guerre » ! L’ouvrage dessine le portrait de quatre soeurs, les deux aînées sont dans le respect de la tradition tandis que les deux cadettes ont des velléités d’indépendance par rapport au travail ou à l’option peu séduisante d’un mariage arrangé. En filigrane, le vêtement joue un rôle dans une famille travaillant la fabrication de kimonos. La préciosité, la délicatesse des kimonos qui changent avec les saisons, qui rendent hommage à la nature participent grandement à cette oeuvre. Ce roman est devenu un film (Kon Ichikawa) bien des années plus tard et les kimonos portés servent d’inspiration à l’exposition.
Des portraits de Matsuko, une des épouses de Tanizaki, née dans une famille de marchands et un des modèles d’une des quatre soeurs ont aussi servi de point de départ au choix des kimonos.
Une exquise promenade dans un univers élégant et raffiné de kimonos parfois portés avec un zeste d’occidentalité avec l’ajout d’un accessoire (collier de perles), d’une paire de chaussures au lieu de geta, d’un tablier blanc à volants…
Une exposition nostalgique qui explique à ses jeunes visiteurs qu’il faut essayer de comprendre le rôle que les kimonos ont pu jouer dans l’histoire de la vie au Japon via sa littérature.
Tanizaki est un auteur à lire, absolument. Son oeuvre est publiée dans la Pléiade et existe en Folios. Plusieurs fois sur les listes des nobélisables, il aurait probablement eu un prix Nobel de littérature s’il n’était mort en 1965. Et s’il ne fallait que trois titres : L’Éloge de l’ombre qui aborde l’esthétique propre à l’archipel et décrypte des notions qui donnent encore aujourd’hui des clefs pour mieux comprendre le Japon. Le goût du sombre, de l’obscurité (en opposition aux lumières de l’Occident qui déferleront plus tard sur Akihabara) et le sabi, la patine du temps sur les choses. Parmi les romans, Bruine de neige bien sûr et Confession impudique.