Entre mode et art, les inspirations, les références sont fréquentes. À l’inverse, les artistes qui s’y intéressent sont peu nombreux. Parmi les 129 galeries exposant à la FIAC 2013, quelques unes ont mis en scène le vêtement. Enveloppe du corps, bardé de signes d’appartenance à un groupe, une communauté, le vêtement va aussi jusqu’à la (re)mise en question de la société de consommation.
Tout au long de son travail, Sylvie Fleury a questionné le système de la mode, les marques, la surconsommation avec ses sacs en papier siglés, les Shopping Bags. À la FIAC, la Galerie Mehdi Chouakri (Berlin) présentait une oeuvre ancienne, dans la série des références à l’art contemporain. Pièce de tissu, denim lacéré exactement à la manière d’un Fontana, le morceau de jean est aussi devenu Concepto Spatiale (1994).
Un travail plus récent reproduit une icône de la bagagerie, it bag avant l’heure, le Sac Kelly, présenté en version argent, métal brillant édité en bronze. La même galerie exposait Saâdane Afif (Prix Marcel Duchamp 2009) ainsi le projet The Fairytale Recordings, une performance musicale où la réalisation des robes est l’oeuvre de Starstylism (Berlin). Une affiche à lire en 3D et une porcelaine.
La Galerie Lehmann Maupin (New York) mettait en scène une oeuvre du Coréen Do Ho Suh. Déjà en 1997 l’artiste avait interrogé la notion d’uniforme, ce vêtement qui signe une appartenance à un groupe pour mieux s’y fondre. High School Uni-Form rassemblait 300 uniformes scolaires (vestes de garçons, gyobock), un des vestiges imposé par l’occupation japonaise. Avec Uni-Form, Autoportrait (2006) figurent les tenues formatées que l’artiste a porté au cours de 39 années de sa vie. Du blazer d’écolier à l’uniforme militaire façon camouflage, la succession de vestes est accrochée à un portant au rythme du passage entre les deux temps forts de la vie au masculin en Corée.
La galerie DVIR (Tel Aviv) exposait le collectif Claire Fontaine (en lice pour le prix Marcel Duchamp) dont le nom s’inspire d’une célèbre marque de cahiers pour aboutir à une « artiste ready made » ( à un jet de l’univers de Marcel Duchamp dont l’urinoir fut nommé Fontaine). Dans une reconstitution hyper réaliste, Untitled (Bande), un groupe de jeunes est réuni par la puissance de leurs codes vestimentaires, cools et sportifs et où figure une marque à bandes. Des looks travaillés avec un shopping effectué à Belleville.
À découvrir aussi les Travelling Players d’Adel Abdessemed. Du titre du film d’Angelopoulos aux personnages politiques en bas–relief (après Camp David), les protagonistes (Clinton, Arafat, Moubarak…) sont affairés à remettre en place leur noeud de cravate (des contraintes du costume masculin et d’une forme de réassurance !).
De Londres, la galerie Annely Juda présentait une oeuvre de Jannis Kounellis (Untitled 2008) où le vêtement, chiffonné, était intégré à une pièce en relief avec acier.
Majestueuse à l’entrée de la galerie s’impose le Mickey de Balzac (2009-2011) de Darren Lago. L’imposante silhouette du Balzac de Rodin (déjà scandaleuse à l’époque pour la représentation de l’écrivain en robe de chambre et qualifiée de « Balzac dans un sac ») ajoute l’humour et la dérision en donnant à Honoré les traits de Mickey avec oreilles et godillots.
Galerie Crèvecoeur (Paris) un onewoman show avec Shana Moulton et son univers intrigant où le vêtement joue un rôle majeur. Dans son Unique boutique figure une robe de jeune femme posée et cousue sur un déambulateur, She is healed, guérie ? Inexorable poids du temps sur les corps.
La Galerie Art : Concept met dans le mille avec Innen ist nicht Aussen (Cercle / L’intérieur n’est pas l’extérieur), 2013 d’Ulla von Brandenburg. Les segments sont tracés par des cravates à motifs colorés, mais avec tout le classicisme qui va de pair avec cet attribut masculin.
Photo : Rebecca Fanuele
La Galerie Hunt Kastner (Prague) présente le travail de la Tchèque Eva Kotàtkovà avec installation et performance. Dans le droit- fil d’Asylum (2013, Biennale de Venise) de Re-education machine (Lyon 2011), l’artiste s’intéresse aux restrictions mentales imposées à l’humain. Pour représenter l’être, elle privilégie le vêtement : une paire de jambes de pantalon, une chemise avec quatre manches, l’humain est désincarné. Morcelé, le corps aussi s’enferme dans des cages. Sans oublier le magnifique travail des collages.
L’artiste sera aussi présente pour la FIAC Hors les murs à la Grande Galerie de l’évolution dans la grande volière autour du Mythe d’Icare. Désaliéné, l’homme enfin libre ?
lire le billet
Pour succéder à Brad Pitt dans la saga du N°5, Chanel a trouvé LA réponse en choisissant Marilyn Monroe et un cliché où l’actrice figure avec le parfum mythique.
Composé en 1921, le N°5 a été incarné par Coco Chanel elle-même (Photo de François Kollar en 1937) et par des mannequins et actrices célèbres en photos puis en films. Marie-Hélène Arnaud, Suzy Parker (années 50 par Richard Avedon), Jean Shrimpton (Helmut Newton) Catherine Deneuve aux Etats-Unis, Ali Mac Graw, Carole Bouquet (Ridley Scott, Jean-Paul Goude), Estella Warren (Luc Besson), Nicole Kidman (Baz Luhrmann), Audrey Tautou (Jean-Pierre Jeunet). Jusqu’à ce que Brad Pit, un homme, parle de ce parfum ; « Inevitable » signait la conclusion quant à la pérennité du 5.
La nouvelle étape renoue avec l’histoire et les quelques mots susurrés par Marilyn répondant à la question « que portez- vous pour dormir ». La citation sur les quelques gouttes de N°5 est reprise dans Life quand Marilyn Monroe en fait la couverture en 1952. En 1953 pour une séance photo, Marilyn pose nue dans son lit ; sur la table de nuit a été posé un flacon de N°5. En 1955, Ed Feingersh pour Redbook prend une photo de Marilyn en train de se parfumer dans sa chambre d’hôtel avant de se rendre à la première au théâtre d’« Une chatte sur un toit brûlant ». En 1960 la star est interviewée par Georges Belmont (rédacteur en chef de Marie-Claire) et revient sur ses propos (enregistrement retrouvé par Chanel). « On me demande : Qu’est-ce que vous mettez pour dormir ? Un haut de pyjama ? Le bas ? Une chemise de nuit ? Je réponds ; Chanel N°5, parce que c’est la vérité. Vous comprenez, je ne vais pas dire nue. »
Associant la photo de 1955 et l’enregistrement de 1960, Chanel transforme l’actrice (déjà présente en morphing avec Carole Bouquet) en égérie du N°5. Un retour aux sources vers celle qui fut la volontaire ambassadrice de son parfum et le choix d’une féminité absolue pour le parfum que Coco Chanel voulait « Un parfum de femme à odeur de femme ».
Une nouvelle campagne à partir de 17 novembre
Photo Collection Chanel C Ed Feingersh / Michael Ochs Archives. Getty Images.
lire le billet
Collection sous le signe de l’art, robes tableaux, codes couleurs castalbajaciens (les primaires et le vert).
Un zeste de camouflage (vert, blanc et or) sur le pied de guerre (leitmotiv du créateur).
Un lin brut (presque jute) fait le lien avec la toile du peintre. La touche d’or, en feuille, renvoie aux retables, aux icônes.
L’art innerve la collection. Le thème « Poetic » joue avec les mots, les écrit, les répète tandis que la bande son scande les titres des acteurs de la mode : photographes, journalistes, designers,… Un clin d’oeil surréaliste avec les mains, les bras qui se dessinent sur les modèles, enlacent les robes.
Vers le futur avec des coutures en gomme de plongée. Un final en long, robes poèmes et tableaux vivants, signés d’un artiste : Jean–Charles de Castelbajac.
lire le billet
Raffaele Borriello directeur artistique de Léonard, a trouvé ses marques, tout en respectant les codes de la maison (les imprimés Fully fashioned). Un motif floral abstrait aux couleurs fauves se marie tout en contraste à un bleu vif, roi. Asymétrie du court devant, long derrière, blouson,… la silhouette s’émancipe. Un coeur de collection avec les imprimés traditionnels Léonard pour féminité drapée, enroulement sur le corps,… Dégradés de bleu turquoise et blanc, camaïeu grand bleu. Ouverture sur corps à la Fontana Un imprimé proche du style art nouveau s’inspire de vitraux Tiffany. Soir en noir et blanc avec délicieux motif de plumetis, graphique. Léonard dans l’air du temps.
lire le billet
Directeur artistique pour Samsung, le Coréen Jung Kuho a étudié à la Parson’s School de New York et a ensuite lancé sa marque. Du matin calme, une « féminine guerrière » s’avance, conquérante. Issue du sportswear, sa mode se dessine futuriste, accentuée par le maquillage et ses « excroissances ». Des motifs coréens se conjuguent à des impressions 3D tandis qu’un travail technologique sur les matières transporte vers un futur imaginaire.
Classique, un motif traditionnel floral se retrouve aussi sur les accessoires en cuir. Une silhouette aux pantalons courts, bermudas. Back to the future.
lire le billet
Parisiennes, les filles de Maxime Simoens arpentent le bitume, armées d’accessoires : ceintures, bracelets manchettes, visières argent, sandales spartiates… Son vêtement s’architecture de zips, métal hurlant, qui s’ouvrent, se dézippent, fenêtre sur corps. Vêtement modulable, découpages, puzzle, géométrie.
Du blanc, de l’argent du court, très court, des shorts, féminité affichée, assumée. Noir et blanc, op avec asymétrie des empiècements et rigueur de la silhouette. Une touche de couleur : turquoise. Fourreau du soir épousant les courbes.
En accessoire et jeu de mot, FL (comme la tour) en cuir et métal, élancé, le sac avec fermoir en code barre.
lire le billet
Projection dans le présent, vers le futur pour Bill Gaytten qui a voulu une collection laissant la place à la « recherche », les explorations techniques. Avec un néoprène utilisé au départ pour les voitures, le créateur a inclus des motifs floraux travaillés dans le relief de la matière. Des couleurs vives acidulées, du jaune, du rose…
Des (dé)coupes au laser, des formes géométriques, des pliages (« origami »), une collection techno, un brin sportive également. Plus romantique, le final s’habille de longues robes.
lire le billet
Toujours un événement, le défilé Comme des garçons a, cette saison, poussé encore plus loin le bouchon de la création. Se dessine une collection de ruptures (chaque modèle est accompagné de musiques différentes) où les silhouettes sont d’improbables créations complexes. Extravagantes fantaisies ludiques, démesure… Jeux de mise en cage, bourrelets, enchevêtrements de froufrous, protubérances,… Le côté rétro du détournement de crinoline, vertugadin en suspension, s’oppose à une inspiration plus futuriste op en noir et blanc où les tenues s’oblitèrent de hublots ronds. Noir et chaînes dorées, jeux de plissés, étoles rigides, un festival de prouesses où la transparence le dispute à l’opacité et où le rose vif s’oppose au noir.
Maquillage et coiffure bouche Mystery train en version black et coiffures extravagantes complètent le total look. Magnifiquement abracadabrantesque, un show superbement démesuré, là où la vraie mode (la création) devrait aussi conduire.
lire le billet
Avec un sens toujours parfait de la coupe Véronique Leroy architecture son vêtement. Cette saison, elle a choisi d’explorer l’uniforme pour son côté radical, mais en lui donnant élégance et féminité. Elle ajoute une référence originale : les tenues des centres de remise en forme (pour une féminité « nettoyée ») ! Si les matières souples alternent avec les tissus rigides, la vedette est la bouclette éponge : elle s’invite dans la collection et se retrouve sur les sandales. Une palette cosmétique de tons de peau, de beiges, face à un blanc clinique.
Une carrure très épaulée, démesurée, tombante. Manteaux ivoire esprit duffle-coat ou caban. Un tissu chiné pour une allure masculin-féminin, une montée de moutarde et des imprimés zébrés animent une belle collection passant de la mini au long.
lire le billet
Rentrée des classe pour le duo Viktor & Rolf dont la collection s’amuse de l’uniforme scolaire en perturbant ses codes. Le vêtement est déconstruit, joué de façon asymétrique tout en conservant les couleurs classiques : blanc, ivoire, bleu et noir sans oublier la présence de blasons qui parfois prolifèrent (sur un gilet).
Le blazer anglais perd une manche, vêtement de nouvelle amazone.
Une touche de broderies, des effets de plissés pas sages ? L’ajout d’épingles à nourrice, invitées en accessoires, ajoutent une punk attitude qui se retrouve dans les cols à piques. Des vêtements puzzle où l’ample bermuda participe aux superpositions avec jupe et blazer. Un légère mise à carreaux gris pour tartans d’Ecosse. Un style preppy pour rentrée des classes fashion.
lire le billet