Aganovich

 

Le duo composé de Nana Aganovich et Brooke Taylor continue son travail de déconstruction dans une voie personnelle et hors tendance. Les éléments se superposent, jouent les longueurs différentes, orchestrent de grands plis (variations « post it »).

La couleur est osée avec le bleu vif qu’ils affectionnent, mais cette saison il se marie somptueusement au violet et au doré.

Des formes amples, des manteaux noués, drapés, une touche d’asymétrie (l’esprit d’escalier ?). Des formes douces avec des arrondis, un beau travail sur les cols (une seule pointe). Du noir et des brillances (soies), des éclairs de couleurs en revers.

Des jupes sur pantalons. Des chaussures joliment gainées de violet. Pour une femme indépendante et originale, hors des sentiers (re)battus de la mode. Une très belle collection.

 

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Véronique Branquinho

Du plat pays au Far West, il y a un défilé, celui de Véronique Branquinho. Si tout le début se concentre sur une gamme de tons ocre, beige, camel, sable,… l’ajout d’un chapeau texan signe la silhouette d’une nouvelle cow-girl qui pourrait quitter sa prairie pour arpenter le bitume. Quelques vêtements cloutés viennent renforcer cette perception de western.

Les bracelets ethniques qui s’empilent sur l’avant-bras renvoient à Nancy Cunard et à son immortalisation dans les portraits de Man Ray ou Cecil Beaton des années vingt.

L’avant-bras est aussi travaillé sur les manteaux  avec l’ajout de fausse fourrure.

Si la gamme de couleur est globalement austère dans des tons de beige, elle est vivifiée d’un vert prairie, d’un jaune poussin et rugit de fausse fourrure (superbe manteau « boule » façon « léopard ») ainsi que de grands carreaux (plaids).

Une silhouette longiligne, sharp, avec des jupes crayons, de nombreux pantalons et toujours l’esprit Branquinho.

 

 

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Le Moine tricote

 

Artisanale, la collection d’Alice Lemoine travaille la maille, la laine tricotée. Inscrite dans le calendrier officiel des défilés, elle a choisi une présentation en trois modes. Dans une pièce sont visibles, à portée de main, ses créations sur stockman. Dans une salle d’esprit arty, un petit film met en scène ses vêtements portés. Dans la troisième pièce figurent les photos sur mannequins.

Une perception des modèles se réalise ainsi à trois niveaux. Avec cette collection, la partie tricot se mêle à des tissus, vêtements hybrides ; mais la maille reste majeure. Des couleurs douces et hivernales, cocon de saison.

 

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Steffie Christiaens

 

Inspirée par les mouvements de danse contemporaine de derviche tourneur de Ziya Azazi, Steffie Christiaens a choisi de créer une collection qui joue la dualité de la tradition projetée dans un monde contemporain. Elle imagine « un chaud somptueux combiné avec le froid industriel » et aussi  « le rond avec le carré ».

Des couleurs chaudes comme le bordeaux, le caramel et des humeurs citadines et brumeuses : gris acier et anthracite.

La coupe joue cette même dualité, mêlant coupes très structurées et effets de drapés, en souplesse. L’ajout de quelques broderies anime la collection. En accessoires, des sacs imaginés sur une base géométrique à angles droits viennent s’essayent au pliage origami tandis que les talons en bois des chaussures ont l’esprit d’escalier. Quelques textiles graphiques mettent la ville en mouvement. Un jeu d’opposition entre rigidité géométrique (mais séduisante) et fluidité des modèles drapés en soie.

 

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Ground Zero

 

Sous le nom Ground Zero, deux noms, deux frères, Eri et Philip Chu, deux créateurs dont le parcours passe de Hong Kong à Londres pour défiler à Paris.

Fondée en 2003 la marque a choisi un nom où tout part du « zéro ». S’est construit un univers où l’aspect graphique (les imprimés) joue un rôle majeur.

Du podium dans le brouillard (fog londonien ?) surgit une première silhouette, sharp, conquérante en tailleur strict habillé d’un imprimé futuriste et coloré.

L’automne- hiver jongle avec une féminité confrontée à la technologie. Un côté sport se dessine avec des ajouts de néoprène. Les découpes et surlignements anatomiques ajoutent à une vision futuriste de la mode (qui n’est jamais arrivée, sauf peut-être dans les rêves des années 60). Le corps s’articule, se surligne et déambule. À l’allure futuriste répond un vêtement armure, protection. A noter le cachemire (Bypac) des pulls et les lunettes masques.

Les imprimés (« machine ») se projettent dans le futur de vitraux de nouveaux temps modernes. 2013, Odyssée Ground Zero.

Photos Shoji Fujii

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Moon Young Hee

 

 

Du matin calme Moon Young Hee est venue, avec sérénité, ouvrir le bal des collections de mode à Paris. Un automne-hiver à l’unisson avec le climat parisien du mois de février. D’esprit monacal, la collection se compose essentiellement de variations sur le noir et le blanc. Des volumes où s’esquisse une distance très orientale avec le corps, mais aussi des éléments noués, drapés. Un joli travail sur les cols, enveloppants, donne envie de s’emmitoufler. Une touche de beige, un tissu à effet métallique viennent rompre la bichromie du noir et du blanc. À noter le détail du zip posé de façon asymétrique dans le dos des jupes. Une collection très hivernale et poétique où les manteaux sont la pièce maîtresse.

 

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Etnia / Araki

Pour sa collection de lunettes Paris-Tokyo (Printemps-été 2013), Etnia Barcelona a choisi de travailler avec Nobuyoshi Araki. Le célèbre photographe japonais a défini quatre ambiances connectées à ses univers de prédilection.

La collection s’embarque vers le pays du soleil levant autour de l’idée de fusionner mode et technologie. Si Araki est reconnu pour ses portraits de femmes souvent à caractère érotique (bondage japonais : kinbaku), il a aussi réalisé un magnifique travail sur les fleurs (lues aussi comme la métaphore du sexe de la femme). Pour Etnia et Paris-Tokyo, il a choisi des mannequins asiatiques, passant du kimono à la corde sans oublier la nudité et portant les modèles de la collection d’été. Quatre atmosphères de travail ont été composées avec deux types d’appareils, deux Leica et un Polaroid. Les mannequins, un poil coquines, portent les lunettes (parfois posées sur le corps) ; l’une d’elle, ligotée, affiche un lézard. Présent dans beaucoup de séries, le lézard (ainsi Seins et lézard, 2001) et autres bestioles comme les dinosaures et les serpents symbolisent la mort dans son travail. Pour Araki : « La photographie est un va-et-vient entre la vie et la mort ».

Araki, dont la personnalité physique est souvent photographiée avec des lunettes, propose ainsi une vision audacieuse de l’image d’une collection où figurent trois modèles : AF206, très années 60, style Yoko Ono ;  JL406 hipster, rock star ; NH206 années 80, un modèle « écran », plus futuriste. Avec les différentes combinaisons de couleurs, 46 choix possibles.

Une belle idée de communication, originale, juste un poil sulfureuse.

 

 

Marque indépendante de lunettes, Etnia Barcelona (fondée en 2001) travaille ses formes dans des gammes de couleurs très variées et avec de nombreux modèles bicolores. Le succès de la marque se mesure à ses ventes, 500.000 paires vendues en 2012.

 

 

 

 

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Bastet / Beaurin / Dior

 

Un dieu égyptien, un artiste français et les cosmétiques Dior sont réunis en triptyque dans une tablette à fards (oublié le mot palette et vive la tablette qui traverse quelques millénaires). Douce et féroce, Bastet a inspiré Vincent Beaurin, plasticien et passionné de couleur. De lectures théoriques de Goethe à Itten en passant par Chevreul jusqu’à son travail de plasticien, l’artiste a un véritable discours sur la couleur. Dans ses Spots, deux couleurs s’articulent et vibrent. Au-delà du cercle de ses Spots, des formes biomorphiques (l’artiste cite souvent Jean Arp) se découvrent dans ses sculptures qui ont aussi, souvent, un lien avec l’animalité.

Sur la tablette, trois disques de couleurs, aux noms avec allitération du S : Saphir pour un bleu du ciel profond, Safran, chaude épice et Silex, choisi dans un ton ocre (l’artiste a aussi une prédilection pour la préhistoire, les bifaces ainsi sa caisse à outils  en verre optique taillé). Trois couleurs, trois fards mats de forme ronde. « Le rond est une forme pleine. On le retrouve souvent dans mon travail, peut-être justement parce qu’il porte à l’abstraction, au dépassement de la forme ».

En guise d’écrin, deux éléments aimantés, en gris, signature de la maison Dior depuis ses débuts. Le gris, pour l’artiste : « c’était le ciel des Ardennes, immuablement gris, comme les toits d’ardoise qui sous la pluie deviennent d’encre ou d’argent… Le gris permet d’optimiser l’observation des couleurs, de leur rayonnement, de leur persistance lorsqu’elles disparaissent et de leurs réactions lorsqu’on les juxtapose. »

Si Bastet, en sculpture, figure déjà dans l’oeuvre de Vincent Beaurin, elle devient aujourd’hui édition limitée, numérotée et signée (1450 exemplaires) dans l’esprit des multiples mais où, ici, l’art se conjugue avec la beauté.

 

 

 

 

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Zahia

 

Think pink ! Zahia (Dehar) a choisi sa couleur, son clan, celui du rose : rose bonbon, rose Lolita. Depuis trois saisons, son nom s’inscrit dans le milieu de la mode avec des défilés en off de la couture, mais autour de la lingerie.

Pour la dernière collection, le Palais de Tokyo s’était transformé en campagne bucolique, parterres de verdures,  gloriettes, ferme (hommage à Marie-Antoinette ?) avec quelques animaux et leurs cris en ponctuation sur la bande son.

Des dessous coquins, des robes tabliers, du raphia pour amplifier l’idée de campagne, du vichy rose et blanc… Le printemps-été célèbre « La saison des fleurs » avec une multitude de fleurs brodées : marguerites, fleurs des champs, boutons de rose (travail artisanal et manuel). Une touche d’animalité avec des ajouts de plumes et ailes de papillon. Souriante poupée, Zahia assure le final, en majesté avec un agneau dans les bras, dans une carriole couverte de fleurs (forme de coeur) et tirée par un cheval.

Si les collections de Zahia sont des modèles « haute couture », le prêt-à-porter sera lancé à l’automne. Le fonds hongkongais First Mark Investments finance le développement de la marque et annonce qu’une partie de la fabrication du haut de gamme sera française avec Les Atelières où travaillent d’anciennes couturières de Lejaby. La gamme plus accessible sera, elle, fabriquée au Maghreb.

Toujours dans l’actualité, Zahia annonce un projet de livre pour enfant et est l’héroïne d’un  documentaire : Zahia de Z à A réalisé par Hugo Lopez. Visage mutin, yeux ourlés de faux-cils papillonnants, mini-robes, talons hauts, Zahia traverse sa nouvelle existence à petits pas. Chez elle, un tapis en forme de serpent orné de coeurs (love snake) mène à la chambre. Dans sa salle de bain, une baignoire en forme de coeur « comme celle de Jayne Mansfield ». Pour son portrait par Pierre et Gilles, elle pose sur un escargot géant. Elle répond aux questions sur l’épisode qui l’a rendue célèbre. Elle explique le design de son logo ou le Z épouse les courbes de son corps…  Elle évoque le rose : « J’ai toujours adoré le rose… le rose peut être chic aussi ». Elle valide les modèles comme la robe « cup cake » qui la met de bonne humeur, mais elle fait refaire la mariée… Ce qu’elle aime chez elle : ses fossettes. Elle aime son corps, le compare à sa collection de statuettes, parfait; mais elle s’imagine à 80 ans, avec la même figurine, pleurant sur son apparence évanouie… Dans son discours, elle rêve d’un homme idéalisé, courtois… Chaque matin, elle consacre trois heures à sa mise en beauté. Invitée au défilé couture de Jean Paul Gaultier, elle est VIP au premier rang et star dans la rue. Le quart d’heure de célébrité fait pour elle des heures sup.

 

Photos Dominique Maître

 

 

 

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Retournement de veste

Dans le cadre des collections haute couture a surgi un S.O.S., carton magique pour la petite bulle poétique de la saison. Toujours exquises, les interventions d’Olivier Saillard s’accompagnent souvent de mise en scène du vêtement par sa complice Violeta Sanchez. Cette saison, ils retournent les vestes, avec un texte où l’endroit est à l’envers ou l’inverse. L’auteur s’amuse à brouiller les modes, à mélanger les créateurs, à intervertir les maisons avec un poil d’ironie. Il évoque des similitudes entre hier et aujourd’hui (Popy Moreni et Viktor & Rolf), imagine des créateurs d’hier dans des maisons d’avant-hier ou d’aujourd’hui, télescopages de générations… Charles James avec Claude Montana, Alexander Mc Queen chez Mugler… Et quelques suggestions à méditer ainsi demander « le retour de Martin Margiela » ou pour Elsa Schiaparelli « ne pas créer de collection du tout ». Écho aux parfums qui se mettent à la mode avec Guerlain et sa petite robe noire, se suggèrent des pratiques échangistes où s’imaginent des défilés de parfums. Il inventorie les différents créateurs qui se sont essayé à dessiner pour la maison Ungaro depuis le départ du couturier (une dizaine en une décennie et même le passage par l’affligeante case people !). Pendant ce temps Violeta enfile la veste en pantalon, la retourne… Jubilatoire et un brin mordant, un régal pour les amateurs de mode.

 

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