Pourquoi regarde-t-on le Tour ? Le quatuor de tête de grands méchants (Contador, Schleck, Armstrong, Basso) ne fait pas vraiment vibrer : plus personne n’ose pas imaginer qu’ils ne sont pas chargés comme des bêtes. Le suspense n’en est pas moins réduit, mais l’enthousiasme à voir gagner l’un ou l’autre s’émousse, malgré les articles successifs qui tentent de mettre en scène une rivalité.
Pourquoi regarder une compétition dont on se fiche un peu de savoir qui la remportera ? Pour tout le reste. Le tour, cela relève du rituel bienfaisant. De ce rituel qui vous prouve que les centaines d’heures passées à regarder des étapes à la télé ont permis l’acquisition d’une culture. Que la consultation frénétique de forums de passionnés, les discussions avec des copains vélomaniaques ou de vrais pros n’ont pas servi à rien. On peut replacer un bon mot, mettre en perspective un vocabulaire technique, apprécier une sortie de bordure, ou estimer précisément les chances d’une échappée d’y arriver, en mixant une analyse de faciès, de collaboration des coureurs, et l’avance qui fond.
Paradoxe du spectacle jugé chiant comme la pluie, mais qui scotche des millions de spectateurs dans le monde entier. Folklore, culture ? Ecosystème à apprécier plutôt. Le Tour, c’est un biotope. On l’apprécie quand on sait reconnnaitre l’odeur d’un humus. Sa régularité annuelle accentue ce caractère : on perçoit les évolutions, tout en retrouvant une familiarité, une famille. Il faut ça change, mais pas trop.
Je suis un spectateur du Tour. Comme des millions, j’y suis venu par la télé. J’ai approfondi ma connaissance en formant mon jugement et ma culture de manière autonome, sans pour autant devenir ce qu’on appelle un cycliste (celui qui compte les kilomètres qu’il mange dans l’année, et peut vous parler du jour où il a fait le Tourmalet). J’ai eu la chance de côtoyer, aussi, un peu, des professionnels du domaine. Côté pratique du vélo, actuellement, mon coeur penche plus pour le fixie que pour un gros BMC en Carbone (et sans moteur dedans).
Ici, on parlera du reste du tour. Des petits classements, des à-côtés, de la culture (mais pas façon France Télévisions, à la va comme je te pousse). On interrogera son traitement médiatique, le deuxième de l’ère Twitter (Armstrong y a plus d’abonnés qu’il n’y a de spectateurs à 15h sur France 2 dans une étape de plaine). On aimera les données qui permettent d’objectiver la performance, sans oublier l’effort. On essaiera d’aller saluer le gruppetto, et on s’autorisera l’émotion des victoires d’étape de Français qui n’ont que ça comme objectif (et il est plus honorable, sans doute, que le classement final). Un tour de spectateur, amateur, passionné, gueulard, analytique, exigeant mais amoureux. On va le jouer comme ça, comme tous les ans.
Ca commence aujourd’hui, avec une belle ouverture : un prologue. Joyeux écho à la discipline où officiait en roi Cancellara ces dernières années. Ce Cancellara qui a ouvert une nouvelle étape dans la prise de distance du cyclisme avec son ADN d’origine, celui de l’effort et de la douleur.
Bienvenue sur le tour. Bon courage aux coureurs. Et rendez-vous ici, pour les trois semaines à venir.
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par babartest16, Media dealer. Media dealer a dit: Prologue : un tour de spectateur http://bit.ly/9iaG56 […]
Je découvre ce blog avec plaisir. Je me souviens des articles sur les performances l’année dernière sur votre blog.
J’avais suivi ça d’un oeil passionné avec beaucoup de plaisir, le style était très sympa. Je le retrouve ici. Merci 🙂