Face aux Tuileries, à deux pas de la Concorde, le Meurice cultive les contrastes, de Salvador Dali à Pauline Carton, l’inoubliable interprète de « Sous les palétuviers » surnommée par Guitry la « bibliothèque ambulante », qui y vécurent, sans oublier le général Dietrich von Choltitz, sauveteur des ponts de Paris condamnés par son Führer en août 1944. Sous l’impulsion de son président, Pierre Leroy, fidèle de Lagardère et bibliophile éclairé, qui la préside depuis quelques mois, L’Institut Mémoire de l’Edition Contemporaine y recevait ses amis mécènes et artistes : Pierre Bergé, Vénus Khoury-Ghata, Jean-Marie Colombani, Jean–Pierre Elkabbach pour un premier dîner parisien, destiné à dévoiler un peu mieux ses trésors de l’Imec et à chercher les idées et les fonds pour les révéler au plus grand nombre et les valoriser.
L’IMEC, c’est une idée incroyable jaillie un peu par hasard de l’esprit de deux férus d’édition, Olivier Corpet et Pascal Fouché il y a tout juste 25 ans et qui protège tout ce fatras dont on ne sait la plupart du temps que faire quand quelqu’un disparaît : correspondances, esquisses, carnets, tout ce qui fait le quotidien d’un créateur. A ce jour, cette jeune beauté détient ainsi les fonds de 600 personnalités, de Marguerite Duras à Antoine Vitez, en passant par Alain Robbe-Grillet, Michel Foucault et Patrice Chéreau. Jacques Massot, DRH du groupe EADS pendant plus de 25 ans, garde un souvenir ému de ces années où il avait découvert dans les sous-sols de la maison Hachette, boulevard Saint Germain, des caisses de vieux papiers qui avaient révélé des trésors littéraires perdus. En ces années 1990, par la volonté de l’éditeur Christian Bourgois et de René Garrec, président du conseil régional du ce trésor digne du roman d’Umberto Eco, le Nom de la Rose s’est incarné à l’abbaye d’Ardenne, sise dans le bucolique village de Saint Germain-la Blanche Herbe, aux portes de Caen. Les chercheurs et auteurs sont accueillis là pour consulter les volumes ou archives conservés dans l’ancienne abbatiale ou au réfectoire où ils peuvent loger. Toute l’année, une programmation artistique et culturelle fait vibrer les voutes de la grange dîmière. Emmenée par sa directrice Nathalie Léger, la vaillante équipe de l’IMEC défriche sans cesse l’inépuisable terreau de l’inspiration. Convaincus par le directeur littéraire Albert Dichy, Tahar Ben Jelloun, Jacques Derrida, Jacques Rigaud ont lui confiés leurs cartons. « S’ils évitent la mort brutale, l’Imec offre aux auteurs une possibilité d’extension de leur œuvre, sourit l’étincelant Gabriel Matzneff qui évoque à propos comment son ami Henri de Montherlant avait pris soin d’ordonner sa correspondance avant de mettre fin à ses jours le 21 septembre 1972, au 25 quai Voltaire où il avait vu le jour 77 années plus tôt. Lui, a choisi d’offrir de son vivant ses archives à l’IMEC, dont il est ce soir l’invité. A 78 ans, il porte toujours l’impeccable costume de ses trente ans et garde la beauté rare des très belles plantes dont on ne sait très bien si elles sont, ou non, carnivores.
Les discours se succèdent. Pierre Leroy et Nathalie Léger autour des missions et des projets de l’Imec, et en forme de dessert spirituel, quelques mots de Lorraine Audric sur le travail réalisé autour du fonds de la photographe Gisèle Freund et sur la prochaine exposition organisée en sa mémoire à Berlin. C’est aussi l’IMEC qui prêtera à la Bibliothèque du Centre Pompidou le fonds de Marguerite Duras pour une rétrospecitve organisée en octobre prochain, à l’occasion de son centenaire. Autre grand chantier, virtuel celui-là, la numérisation des archives, une forêt de papiers pour élever les esprits et nourrir d’autres rêves.
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Coup de coeur pour un petit livre rouge… Il s’affirme, il ose, dans les couleurs de l’ouvrage qui fut le plus distribué dans la Chine Populaire des Années Mao. Un clin d’oeil léger et volontaire de Zheng Ruolin, écrivain chinois et correspondant à Paris du Wen Hui Bao, le quotidien des intellectuels de Shanghaï, qui publie aujourd’hui chez Denoël, “Les Chinois sont des hommes comme les autres”.
J’ai connu Ruo Lin, il y a 25 ans, dans l’immeuble ancien de son journal, sur les bords du Huang Pu. Il était arrivé à vélo et m’avait alors fait visiter l’imprimerie avec ses plombs. Deux ans plus tard, il bénéficiait d’une bourse et venait finir ses études en France. Son épouse, Chin, écrivaine et traductrice, l’a rejoint. Depuis, piéton de Shanghaï… à Paris, il promène son regard distant, amusé et réfléchi sur ces deux mondes si proches et si complémentaires que sont la Chine et la France. Il y retourne souvent, aux côtés de ses parents, qui ont élevé son fils, Lin. Aujourd’hui, le Wen Hui Bao a fait construire une tour de quarante étages dans le quartier d’affaire et Ruo Lin roule moins à bicyclette car il fait partie des heureux, et rares, propriétaires d’une voiture en Chine. Il me raconte toujours ce qui réunit et ce qui divise nos deux civilisations : les liens entre Versailles et la Cité interdite, le goût pour la cuisine, la littérature et l’amour que partagent nos deux peuples.
Voici qu’il vient de mettre tout cela en musique dans ce petit essai qui se lit comme une fable : on y comprend tout ce qui fait changer la Chine et tout ce qui la rend immuable, ses contradictions, comme ses convictions profondes : l’amour pour la famille et la tyrannie de l’enfant unique , la valeur des études et la révélation d’internet, la passion des voitures qui bouleverse le pays et la vénération fragile pour le jade si pur. Une promenade vivifiante en compagnie d’un ami chinois pour mieux comprendre, et accepter, nos voisins du milieu.
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