Versailles des Pauvres édifié par l’industriel et philanthrope Jean Baptiste Godin, le Familistère de Guise reste l’unique exemple d’une utopie sociale réalisée. En se mettant à poil devant la ministère de la culture, Aurélie Filipetti, les artistes du festival Furies de Chalons en Champagne ont exprimé, avec une sobriété émouvante et une artistique non-violence leur angoisse et leurs interrogations. Une invitation pour les patrons, les hommes et de femmes politqiues, les décideurs et tous les citoyens à aller puiser inspiration et réflexion dans la lecture des œuvres de cet industriel philanthrope, auteur notamment du « vrai socialisme en action.3
Familistère… Quand il donna un nom au palais de brique qu’il venait de construire pour ses ouvriers, Jean-Baptiste André Godin (1817-1888) mettait la famille au premier rang des valeurs importantes à ses yeux. Issu de famille très modeste, serrurier, autodidacte, il est marqué par ses années de galère. Compagnon du Devoir, en 1840, avec 4.000 francs, il crée un petit atelier de fabrication de poëles en fonte, matériau qui répartit idéalement la chaleur. Deux ans plus tard, il découvre les théories de Charles Fourier, philosophe du socialisme utopique pour qui « toute créature humaine a droit à la jouissance de la liberté naturelle à son âge et à son sexe ». Quatre ans plus tard, il établit une usine à Guise (prononcez « gu-ï-se »), à 20 kilomètres de son village natal Esquéhéries et décide, en pleine révolution industrielle, de consacrer sa fortune à l’amélioration des conditions de vie de ses ouvriers en bâtissant un Palais Social, démonstration grandeur nature des doctrines fourriéristes. En 1859, le premier bâtiment d’habitation voit le jour. Godin s’y installe avec Marie Moret, sa compagne, entouré de ses ingénieurs, ses fondeurs, ses mouleurs, et bientôt ses instituteurs, ses épiciers… Suivent les économats, le pavillon central, la buanderie-piscine, les écoles et le théâtre, le kiosque à musique…
Chacun s’y loge selon ses besoins dans le cadre de l’Association Coopérative du Capital du Travail qui gère le Familistère. Tous acceptent le règlement et sont propriétaires de leur outil de travail, de leur logement et ses services correspondants. Visionnaire elle aussi, et féministe, Marie Moret organise le service de l’enfance, avec nourricerie, pouponnat, bambinat… La première, elle institue des classes mixtes avec programmes identiques pour filles et garçons. « Godin souhaite que la population soit maîtresse de son destin poursuit Frédéric Panni. Il pense que les conditions économiques sont liées au bien-être et à la paix. Il recherche tout ce qui fait la salubrité des logements : luminosité, circulation de l’air, eau potable à chaque étage. Le soin du corps est assuré par la création d’une buanderie, près du cours d’eau et d’une piscine où l’on s’exerce à la natation vue, non comme un loisir, mais sous sa dimension d’hygiène et de prévention des maladies. »
Vingt hectares de terrain, 10 millions de briques, 30.000 mètres carrés de plancher, un kilomètres de coursive, 495 appartements, 900 fenêtres, 1.300 portes, au total ce projet de titan aura coûté deux millions de francs à son fondateur qui multiplie les activités : député de l’Aisne en 1871, journaliste, auteur de nombreux ouvrages, notamment Solutions sociales ; les Socialistes et les Droits du travail ; le Gouvernemenent : ce qu’il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action… En 1888, Jean-Baptiste Godin meurt sans héritier et laisse le Palais des Familles à ses 1749 habitants. L’Association Coopérative poursuit la tâche, bien après la mort de Marie Moret en 1908. Une coopérative d’achats permet aux ouvriers d’acheter leurs produits de consommation au meilleur prix. Seule réserve : les « Godins », comme on dit, peinent à trouver compagne ou compagnon hors du « tas de brique ». Etrangement, mai 1968 sonne la fin de cette utopie qui a traversé les guerres et les crises.
Une nouvelle société Godin S.A est créé, propriété de la société Le Creuset puis, à partir de 1987 du groupe Cheminées Philippe. Tandis que l’usine poursuit son activité, le Palais Social, dont les logements sont
progressivement vendu à des propriétaires privés, s’endort jusqu’en 2000, année de renaissance. Guide bénévole, jeune retraitée de l’enseignement, Monique Bronchain, 68 ans, fait toujours visiter le lieu où elle est née et où sa famille a vécu pendant cinq générations. Elle en connaît les secrets comme nul autre, de l’air qui provient des caves et qui rafraîchit l’ensemble du pavillon central, aux appartements de Jean-Baptiste Godin reconstitués à l’identique. « C’est ainsi qu’elle l’appelle en le décrivant de cette façon : « Un être exceptionnel, un génie industriel, un homme de foi en l’homme, décrit-elle avec passion. Avec lui, l’argent ne va pas à l’argent, il est partagé. Il aimait dire : Même si les murs de briques devaient tomber en poussière, ce sont les générations suivantes qui se transmettront le souvenir des enseignements qui ont présidé ici. »
Les œuvres de Jean-Baptiste Godin : Solutions Sociales (1871), Les Socialistes et les Droits du Travail (1874), Mutualité sociale et association du capital et du travail (1874), Le gouvernement : ce qu’il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action (1883)
photos Collection Familistère de Guise
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